Intervention de Dr Mayssam Nehme

Réunion du jeudi 16 décembre 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Dr Mayssam Nehme, cheffe de clinique aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) :

Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette audition. Je suis médecin chef de clinique dans le service de médecine de premier recours et coordinatrice de la consultation Covid long aux Hôpitaux universitaires de Genève, sous le mandat du professeur Idris Guessous, médecin chef du service de médecine de premier recours.

Je vais aujourd'hui partager notre expérience de prise en charge des symptômes post-Covid aux Hôpitaux universitaires de Genève. Mon collègue le docteur Robineau a présenté une synthèse très complète de la prévalence des symptômes et de l'épidémiologie, je ne m'attarderai donc pas sur ces sujets.

Dans nos études de cohorte, nous avons suivi deux groupes de personnes venues consulter avec des symptômes respiratoires dans leur phase aiguë, que nous avons pu recontacter six à douze mois plus tard. Le premier groupe, composé de personnes qui avaient souffert ou étaient atteintes du Covid, avait une prévalence de symptômes plus élevée que les personnes du second groupe, qui n'avaient pas contracté le Covid mais probablement un autre virus ou une autre infection respiratoire. Ceci dit, la physiopathologie reste à l'étude, comme l'a souligné le docteur Robineau.

Quels symptômes sont attribuables à l'infection elle-même ? Quelle est la part de la pandémie et celle d'autres facteurs ? Un taux de 10 % à 20 % de personnes gardant des symptômes persistants à la suite d'une infection au Covid est élevé et appelle une prise en charge à grande échelle. Nous avons donc imaginé une prise en charge à plusieurs niveaux.

Au premier niveau, il s'agit de sensibiliser la population, de l'informer et d'apprendre avec elle. Nous avons pour cela mis en place une plateforme nommée Rafael, qui offre des informations académiques et vérifiées sur les différents symptômes post-Covid, sur la prise en charge, et sur l'impact social. Elle permet aussi d'échanger avec les patients, leurs proches, les citoyennes et citoyens au moyen d'un outil conversationnel, le chatbot, ainsi que des webinaires. Co-apprendre est la principale vocation de cette plateforme mise en place avec les spécialistes et les patients partenaires. En effet, le SARS-CoV-2 est un virus émergent et les professionnels de santé sont encore en train d'apprendre à gérer les symptômes et l'impact social de la maladie associée. La plateforme permettant le partage d'informations peut aider à la prévention, à l'information, à l'échange entre les citoyens, la communauté et les professionnels de santé.

Certaines personnes garderont des symptômes persistants à plus long terme et elles doivent être prises en charge. La première étape est de pouvoir les identifier. Nous pensons qu'une bonne information de la population en général, mais aussi des professionnels de santé, permettrait de dépister plus facilement des cas de Covid long ou de symptômes post-Covid, d'éviter des faux diagnostics et de prendre en charge plus rapidement les personnes venant consulter leur médecin traitant – c'est celui-ci qui devrait intervenir en premier lieu. Cette prise en charge implique des investigations pour exclure d'autres causes, ainsi qu'un suivi et aussi une bonne coordination dans le réseau primaire, que ce soit en ville ou autour du patient.

Si les symptômes persistants sont multiples ou très invalidants, s'ils ne s'améliorent pas, ou s'il y a aussi une dimension sociale ou médicale complexe, les patients doivent avoir accès à une consultation spécialisée. Comme l'a dit le docteur Larché, une consultation spécialisée nécessite non seulement une coordination multidisciplinaire, mais un consensus d'experts discutant des cas et décidant ensemble d'une prise en charge. Aux Hôpitaux universitaires de Genève, les patients ont accès directement à cette consultation spécialisée. La première évaluation est très complète et mesure avec des échelles validées l'intensité des symptômes persistants : la fatigue, l'essoufflement, le malaise post-effort, les troubles de concentration, les troubles du sommeil, etc. Nous allons par la suite discuter du dossier avec une coordination des soins. Nous imaginons également des collaborations multiples et interdisciplinaires, pour prendre en charge les conséquences médicales, mais aussi sociales et professionnelles de ces symptômes persistants.

Certaines personnes atteintes du Covid sont traitées en ambulatoire, mais d'autres vont malheureusement devoir être hospitalisées durant la phase aiguë, avec un passage en soins intensifs. Pour celles-ci, il existe une consultation post-soins intensifs, qui préexistait à l'épidémie de Covid ; cette consultation multidisciplinaire prend en compte tous les aspects médicaux et psycho-sociaux de la prise en charge.

Les patients qui sont hospitalisés sans passer par les soins intensifs et ceux qui sont traités en ambulatoire sont quant à eux pris en charge en premier lieu par leur médecin traitant.

J'insiste sur l'importance d'une coordination des soins pour la prise en charge de personnes atteintes de plusieurs symptômes simultanés ou dont les symptômes ont un fort impact sur la capacité fonctionnelle. Il est très important de pouvoir continuer à suivre ces patients, en leur donnant des traitements quand ils seront disponibles et en évaluant les conséquences de leurs symptômes sur leur vie sociale et professionnelle.

À Genève, les personnes traitées en ambulatoire ou en post-hospitalisation qui gardent des symptômes persistants ont accès directement à la consultation post-Covid – dans d'autres villes, cela dépend des différents systèmes de santé. Cela signifie qu'ils peuvent nous être envoyés par leur médecin traitant ou venir directement. Cette consultation prévoit une évaluation complète du patient, de chaque symptôme et de ses conséquences et, par la suite, une discussion régulière et multidisciplinaire entre médecins de premier recours, cardiologues, infectiologues, dermatologues, médecins en otorhino-laryngologie, neurologues, psychiatres, rhumatologues et pneumologues. Tous, autour d'une même table, discutent ainsi des cas à présenter et de leur prise en charge.

À ce jour, la prise en charge reste centrée sur la réadaptation et l'enseignement thérapeutique, à la recherche d'autres traitements dans le futur. Il est très important que la capacité fonctionnelle soit prise en compte dans l'évaluation et le parcours de soins.

En utilisant une échelle scientifiquement validée pour évaluer la capacité fonctionnelle, notre équipe Covicare a pu établir que les personnes ayant eu le Covid ont, à l'issue d'un délai de 6 à 12 mois, un score deux fois plus faible que les personnes ne l'ayant pas eu. Ce résultat n'est pas encore évalué par les pairs mais il est significatif. Cette dimension devrait donc être intégrée à l'évaluation des personnes atteintes et à leur parcours de soins.

Aujourd'hui, quels sont les besoins de la population générale, des professionnels de santé et du système dans son ensemble ? Comme l'a dit le docteur Larché, les patients se trouvent parfois dans une situation d'errance médicale et il est très important de pouvoir leur offrir un parcours de soins organisé et structuré pour éviter les retards de diagnostic. La coordination et la consultation multidisciplinaire sont indispensables pour pouvoir prendre en charge plusieurs symptômes à la fois, ou un spectre de symptômes ayant des conséquences à la fois personnelles, professionnelles et sociales chez la personne atteinte.

La reconnaissance est très importante. Elle progresse chez les patients adultes et il faut qu'elle progresse également en pédiatrie car je pense que les prochaines vagues toucheront les enfants. Depuis mai 2021, les Hôpitaux universitaires de Genève ont une consultation multidisciplinaire pédiatrique et la demande ne cesse malheureusement d'augmenter.

Enfin, il faut pouvoir agir sur les facteurs de prévention du Covid long. Comme l'a mentionné le docteur Robineau, la vaccination ne pourrait-elle pas agir en prévention, même si l'on ne sait pas si elle peut agir en thérapie ? Peut-on, en diminuant les symptômes dans la phase aiguë, diminuer le risque de symptômes persistants ?

Pour ce qui est de la recherche, il nous faut trouver des traitements médicamenteux et des thérapies, pour pouvoir offrir aux malades davantage d'outils de rétablissement.

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