Je vous remercie d'avoir invité l'Assurance maladie à participer à cette audition. J'exerce comme médecin conseil à la Caisse nationale de l'assurance maladie et je suis chargée de coordonner toutes les actions en lien avec les syndromes persistants du Covid ou syndromes post-Covid, selon la nouvelle définition de l'OMS.
En mai dernier, lorsque la situation sanitaire s'est un peu améliorée, la CNAM a commencé à élaborer un plan d'action sur ce sujet. Prérequis de toute action de santé publique, la première question que nous nous sommes posée a été de savoir combien de personnes étaient concernées. Puis nous avons rencontré les acteurs concernés, patients et professionnels de santé, pour identifier leurs besoins et déterminer quelles actions pourraient être mises en place pour les accompagner et y répondre.
S'agissant du nombre de personnes concernées, les éléments d'épidémiologie ont déjà été largement détaillés. Je voudrais néanmoins insister sur un point important. Les études actuelles évoquent la fourchette de 10 % à 30 % de patients qui présentent toujours un symptôme trois mois après un épisode aigu, mais ce taux ne tient pas compte de la gravité de leur état. Or, il est très différent d'avoir une anosmie persistante – certes gênante si l'on travaille dans la restauration – ou un épuisement qui vous empêche de travailler, de vous occuper de vos enfants, qui vous empêche en somme de fonctionner. Or l'enjeu pour la CNAM, en tant qu'assureur et acteur de santé publique, est bien de savoir combien de ces personnes sont sévèrement atteintes et courent le risque d'une désinsertion professionnelle. Malheureusement, nous n'avons pas encore les chiffres. Les départements statistiques de l'Assurance maladie y travaillent et j'espère que nous les auront très prochainement.
S'agissant de la rencontre des différents acteurs, les associations de patients ont signalé cinq besoins principaux. Le premier était un besoin d'information sur la prise en charge, Internet offrant une information assez hétérogène et très peu de renseignements sur l'offre de soins et le parcours envisageable. Le deuxième concernait la reconnaissance en affection de longue durée (ALD), entraînant une prise en charge à 100 %. Puis venaient la reconnaissance en maladie professionnelle, le besoin d'accompagnement et l'orientation dans le système de soins. On l'a vu, l'offre se structure et des filières commencent à apparaître, mais les patients ne les connaissent malheureusement pas et n'y ont dès lors pas accès.
Une question vous intéresse probablement tous : l'affection de longue durée (ALD). La reconnaissance comme ALD permet au patient d'être exonéré du ticket modérateur ; c'est pour cette raison que l'on parle aussi de « prise en charge à 100 % ». Aujourd'hui il n'existe pas d'ALD spécifique pour le Covid. Pour autant, un patient peut être pris en charge, remboursé et indemnisé en ALD, et ceci dans trois situations. Il peut tout d'abord s'agir d'un patient ayant déjà une pathologie en ALD, qui se serait aggravée du fait d'un épisode de Covid. Par exemple, un diabétique ou un insuffisant cardiaque dont le cas s'est aggravé.
La deuxième situation est celle d'une séquelle de l'épisode aigu qui entrerait dans la liste des ALD, comme une insuffisance respiratoire. Je rappelle que 30 pathologies sont dans la liste ; on les appelle les « ALD 30 », ou les « ALD liste ».
Enfin, pour les autres situations, il est possible de faire une demande d'ALD hors liste. Cela concerne des pathologies qui sont graves, invalidantes, durant plus de six mois et nécessitant une prise en charge complexe. On peut donc dire qu'il est aujourd'hui possible d'avoir une ALD pour le Covid long.
La problématique est assez similaire en matière de reconnaissance du Covid long comme maladie professionnelle. Au départ, quand il a été question de créer le tableau de maladies professionnelles pour le Covid, la question des symptômes persistants ne se posait pas encore. Le tableau a donc été centré sur les formes aiguës graves ayant nécessité de l'oxygénothérapie. Concrètement, un patient dont l'état répond à tous les critères du tableau peut obtenir la reconnaissance comme maladie professionnelle.
Les patients ayant des symptômes persistants du Covid n'ont pas forcément été hospitalisés, ni eu besoin d'oxygénothérapie, et ne répondent donc pas aux critères du tableau. Pour autant, la législation prévoit la possibilité pour les cas de forme sévère d'obtenir une reconnaissance en maladie professionnelle. Le dossier est alors étudié par un comité d'experts, celui-ci est national pour les symptômes persistants du Covid, alors qu'il est constitué au niveau régional pour les autres pathologies.
Pour satisfaire le besoin d'information, la CNAM a mis en place plusieurs actions, dont je citerai les plus importantes : une page spécifique pour les symptômes persistants du Covid a été mise en ligne, qui regroupe toutes les informations et les questions les plus fréquentes qui nous ont été posées. Ces problématiques n'étant pas spécifiques du Covid mais communes à toutes les maladies chroniques, je vous invite à prendre connaissance d'un nouvel espace qui a été mis en ligne au mois de septembre, consacré aux ALD et aux maladies chroniques. Il regroupe toutes les questions que l'on peut se poser en termes de réinsertion professionnelle, indique où trouver de l'aide, comment bénéficier de transports, etc., même si l'on ne bénéficie pas d'une ALD. Enfin, en collaboration avec l'ARS-Île de France, une vidéo a été créée pour les professionnels, expliquant les filières, les ressources disponibles et leur rôle sur le territoire. Elle apparaîtra prochainement sur nos sites.
L'assurance maladie propose également des services d'accompagnement pour les assurés. La mission d'accompagnement santé est ainsi un accompagnement de premier recours pour les personnes qui rencontrent des difficultés d'accès aux droits et aux soins. En deuxième recours, un service social accompagne les patients et les assurés dans les situations les plus complexes.
Comme on l'a vu, l'offre est structurée, elle commence à exister, mais les patients ne la connaissent pas. Nous travaillons avec l'association « TousPartenairesCovid » ; elle nous a proposé le projet d'une plateforme qui permettrait d'anticiper la consultation en préparant des éléments pour le médecin traitant. Ceci lui permettra d'aller plus vite dans la consultation et lui apportera des informations sur les ressources de proximité, les cellules de coordination, les consultations spécialisées. Il est impossible de mener à bien ce projet isolément, et la CNAM travaille donc avec le ministère.
Nous nous sommes intéressés aux médecins généralistes. Une enquête réalisée par BVA sur un échantillon représentatif de 300 médecins a cherché à identifier leurs besoins et leur niveau de connaissances. Elle a apporté cinq enseignements.
Le premier est que chaque médecin a relativement peu de patients concernés : 13 patients en moyenne et seulement 4 en arrêt. Il convient de prendre ces chiffres avec prudence, car l'effectif de 300 médecins est assez réduit ; on ne peut donc pas les extrapoler à l'ensemble de la France. Mais ceci donne tout de même une idée du nombre de patients qui ont besoin d'une prise en charge complexe.
Le deuxième enseignement est celui de la méconnaissance des plateformes de coordination : à peine un tiers des médecins les connaissent, et seuls 9 % savent comment les joindre.
Nous avons également cherché à savoir si les canaux privilégiés de communication vers les médecins, à savoir la Haute Autorité de santé, le site de l'assurance maladie et la presse spécialisée, étaient effectivement leurs sources privilégiées. Seuls 30 % des médecins ont eu connaissance de la réponse rapide de la HAS et seuls 6 % l'ont lue entièrement. Mais comme l'a dit le docteur Robineau, il ne faut pas oublier qu'il faut normalement dix ans pour qu'une recommandation soit mise en pratique. En l'espèce, le recul est inférieur à un an et ces taux, même modestes, sont plutôt encourageants et montrent qu'il y a un intérêt. Enfin, les médecins sont demandeurs d'informations puisque 95 % ont dit vouloir davantage d'information et d'accompagnement. Pour y répondre, une page du site ameli.fr dédiée aux médecins reprend toutes les informations nécessaires : les recommandations, où les trouver, l'existence des plateformes de coordination, les démarches administratives, où orienter son patient en cas de difficultés sociales ou financières, etc. En lien avec le Collège de médecine générale, la CNAM travaille à créer des outils pratiques, d'utilisation simple et immédiate, pour que les médecins s'approprient ces recommandations qu'ils ne connaissent pas forcément.
Nous travaillons également avec les masseurs kinésithérapeutes. Très schématiquement, ceux-ci vont avoir deux rôles dans la rééducation des patients souffrant de symptômes persistants : la réadaptation à l'effort et la rééducation respiratoire. Comme nous le faisons pour les médecins, nous travaillons avec le Collège de masseurs kinésithérapeutes, avec des experts de la HAS et l'URPS kiné, à créer de petits outils de formation qu'ils puissent s'approprier, avec des vidéos, des mémos, pour améliorer la pratique et la prise en charge des patients.
Pour conclure, il y a trois messages à retenir. Premièrement, l'identification des patients les plus sévèrement touchés et qui nécessitent une prise en charge complexe est un grand enjeu. Deuxièmement, l'assurance maladie propose déjà de nombreux services et de nombreux supports d'information que je vous invite à aller consulter et à promouvoir autour de vous. Troisièmement, il reste beaucoup à faire pour améliorer la lisibilité du système de santé et limiter le risque d'errance médicale.