‑ Je vais répondre, sinon à toutes vos questions, du moins à quelques-unes d'entre elles. La question du diagnostic, notamment biologique, avec les tests PCR me semble extrêmement pertinente. Lors de la première vague, seuls les patients hospitalisés ont eu un test PCR. Mais ces cas les plus graves n'étaient pas majoritaires. J'ai vu beaucoup de personnes ayant eu des symptômes en février ou mars 2020, et la plupart n'ont pas eu de test PCR. Les sérologies sont extrêmement aléatoires. Cela n'a pas tellement été évoqué, mais on sait aujourd'hui qu'environ 30 % des personnes qui ont eu le Covid n'ont pas de sérologie positive, et que les mois passant, le taux sérologique des personnes positives diminue. La sérologie est donc un très mauvais test diagnostic rétrospectif et il est très difficile d'identifier la pathologie Covid chez une personne présentant des symptômes du Covid long lorsqu'il n'y a pas eu de diagnostic Covid posé initialement. Bien sûr, c'est plus simple quand il y a une anosmie, mais tous les patients ne sont pas anosmiques. Il y a une véritable zone grise où il est compliqué d'identifier la pathologie, ce qui pose des difficultés en termes de reconnaissance assurantielle et de reconnaissance professionnelle.
En tant que médecin, mon rôle est d'écouter les patients et de ne pas mettre a priori leur parole en doute. Des milliers de patients sont très probablement dans cette situation-là. Éclaircir ceci est un véritable enjeu de santé publique et de politique sanitaire.
La question de l'errance diagnostique va de pair avec celle de l'accès aux soins et des possibles déterminants sociaux qui restent à identifier complètement, me semble-t-il. On sait très bien que, dans d'autres pathologies, les revenus financiers des patients ou leur répartition géographique sont des déterminants importants conditionnant la prise en charge et l'accès aux soins. Malheureusement, les personnes qui sont dans une situation financière ou sociale difficile sont souvent diagnostiquées avec retard et développent des formes plus graves, pour des pathologies comme le diabète, l'asthme ou le cancer. Je ne vois pas pourquoi les choses seraient différentes pour le Covid long ou pour le Covid et ces mêmes déterminants seront mis en évidence lorsqu'on aura un peu plus d'informations. Mon expérience est parcellaire et personnelle, je l'admets avec beaucoup d'humilité, mais je n'ai pas vu beaucoup de patients qui n'aient pas erré moins de trois mois. J'ai vu aussi des personnes qui, pendant trois, six voire neuf mois, n'ont pas eu accès à une prise en charge adéquate. Pour revenir au diagnostic, lorsque je reçois un patient, je ne lui dis pas d'emblée qu'il a un Covid long. Je le reçois comme n'importe quel patient à qui je dois établir un diagnostic sur une pathologie qui n'est pas encore déterminée. Mais ces personnes-là sont vraiment dans des situations compliquées, et il y a encore beaucoup de travail à faire.