Intervention de Huguette Tiegna

Réunion du jeudi 2 décembre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Tiegna, députée, rapporteure :

Je disais en introduction que la Terre avait passé 3,8 milliards d'années à innover et à s'adapter à des conditions changeantes. Avant de m'entretenir avec les responsables du Museum national d'histoire naturelle, je me demandais moi aussi ce que la conservation d'espèces disparues pouvait apporter au biomimétisme. En fait, les chercheurs du Museum étudient les propriétés mécaniques de certaines espèces comme les animaux à carapace, où l'imbrication des écailles reflète une grande complexité mécanique. Aussi, ils s'intéressent aux cous de certains dinosaures et aux trompes d'éléphants. Cela leur permet par exemple d'imaginer des robots pouvant pivoter sur eux-mêmes à 360 degrés, comme le cou de certains oiseaux.

Certes, la quasi-totalité de ces animaux sont morts, mais les scientifiques sont capables d'en faire des modélisations puis de proposer des solutions d'ingénierie aux chercheurs industriels. C'est pourquoi, ils étudient aussi des fossiles de plantes anciennes, qui peuvent déboucher sur des solutions fondées sur la nature.

Les chercheurs créent des bases de données, qui ne se limitent pas au catalogue accessible au public et incluent des résultats de modélisation. Ces bases de données servent à faire de l'ingénierie et développer des solutions fondées sur la nature, dans de nombreux domaines comme la robotique ou l'agriculture, notamment via une collaboration avec le Ceebios. Les fossiles du Museum national d'histoire naturelle y occupent une place centrale.

Votre seconde question concernait l'utilisation des animaux pour la recherche. RTE doit gérer l'entretien des câbles électriques sous-marins utilisés dans les parcs éoliens en mer. Pour évaluer leur impact sur la biodiversité, ils surveillent l'état de coquilles Saint-Jacques. En effet, le niveau de stress auquel une coquille Saint-Jacques est soumise affecte le nombre de stries sur sa coquille. RTE s'inspire également de la peau des requins, qui a la propriété d'empêcher les bactéries de se développer à sa surface, contrairement à la tortue ou à la baleine qui sont recouvertes d'autres espèces venant s'y coller. S'inspirer de la peau du requin pour concevoir l'enveloppe extérieure des câbles électriques sous-marins permet d'éviter leur usure due à l'agglomération d'espèces.

L'exemple cité du requin illustre parfaitement ce qu'est la démarche biomimétique. Lorsque les ingénieurs s'inspirent de la peau du requin pour une étude, cela ne doit pas être nuisible aux requins. Le biomimétisme n'a pas vocation à tuer le requin, car la peau du requin n'est pas directement utilisée pour produire le câble, il ne s'agit que d'une inspiration pour développer une solution viable.

Pour ce qui concerne les entreprises, nombre d'entre elles font aujourd'hui du biomimétisme sans le savoir. Il y a deux ans, lorsque j'avais commencé à travailler sur ce sujet avec le Ceebios, la problématique des appels d'offres a émergé. La France finance l'innovation via des appels d'offres lancés par les organes de financement de la recherche ; leurs titres contiennent le nom de disciplines comme les biomatériaux ou de domaines comme le développement durable, mais jamais le mot « biomimétisme ».

Ainsi, les entreprises développent parfois des solutions biomimétiques sans le savoir ou n'y voient pas de valeur ajoutée. Le travail du Ceebios est de faire de la recherche pour proposer des solutions, en mettant à la disposition des entreprises des bases de données. Les entreprises n'ont parfois pas les ressources internes permettant d'obtenir la pluridisciplinarité nécessaire au biomimétisme : pas de géologue, pas de biologiste, etc. Elles ne peuvent pas mener ces études. Au contraire, L'Oréal dispose de toutes les capacités nécessaires de recherche fondamentale en interne.

Les entreprises ont un vrai rôle à jouer, il ne faut plus qu'elles ignorent qu'elles font du biomimétisme et il faut les inciter à aller dans le sens de cette démarche, en leur fournissant les données nécessaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.