Intervention de Jean-Luc Fugit

Réunion du jeudi 2 décembre 2021 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Fugit, député, vice-président de l'Office, rapporteur :

Après avoir abordé la question de la qualité de l'air extérieur, il convient de passer à celle de l'air intérieur, en examinant les conditions de la transmission du SARS-CoV-2 en milieu confiné et le rôle pouvant être joué par les capteurs de CO2 et les purificateurs d'air pour lutter contre l'épidémie.

Le lien entre qualité de l'air extérieur et santé publique est bien connu, mais la qualité de l'air intérieur est un sujet qu'il faut également prendre en considération. En effet, les activités des occupants, comme fumer ou cuisiner, les vernis des meubles, les feux de cheminée, notamment quand le chauffage au bois est non performant, les peintures, les colles, les moisissures, ainsi que l'entrée de polluants extérieurs dans un milieu fermé sont autant de sources de polluants de l'air intérieur.

Ces sources émettent principalement des composés organiques volatils (COV) et des particules fines, dont les conséquences sanitaires sont similaires à celles induites par les polluants de l'air extérieur, en y ajoutant de potentiels effets cancérigènes. Alors que nous passons environ 80 à 90 % de notre temps en intérieur, chez nous, au travail, dans les écoles, dans les centres commerciaux, dans nos activités de loisirs, ces effets sont souvent sous-estimés.

Dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, il s'agit de savoir si la charge virale peut se trouver durablement en suspension dans l'air, ce qui rejoint la question de la contamination par aérosols. Aussi, il apparaît nécessaire de trouver des solutions pour éliminer ces aérosols, donc d'examiner l'intérêt des purificateurs d'air et des capteurs de CO2.

L'audition publique du 4 novembre a permis de réunir des épidémiologistes, des médecins, des associations, des industriels et des représentants de collectivités locales. Elle a apporté de nombreuses réponses à nos questions mais aussi démontré à quel point ce sujet était sensible. En effet, au-delà de la question de la transmission par aérosols, qui peut paraître purement scientifique, l'enjeu consiste à lutter contre les contaminations dans les crèches, les établissements scolaires, les EHPAD et plus globalement au sein de tous les établissements recevant du public (ERP).

L'audition publique a mis en évidence l'importance de la transmission par aérosols en milieu confiné. Bien que la part de ces contaminations soit difficile à évaluer parmi l'ensemble des contaminations, le risque est réel et doit être mieux pris en compte, surtout dans les ERP et les lieux où se déroulent des activités propices à l'émission d'aérosols, par exemple à travers la prise de parole ou le chant.

Certes, l'aération des pièces est devenue un geste barrière, dans l'objectif d'éviter l'accumulation dans l'air de particules virales. Mais nous savons tous que cette aération est parfois peu appliquée, particulièrement en cette période hivernale.

L'audition a mis en lumière l'intérêt de la mesure du taux de dioxyde de carbone, qui est un bon indicateur du niveau de renouvellement de l'air dans une pièce. Un taux inférieur à 800 ppm en intérieur indique une bonne qualité d'air – même si cette concentration est plus élevée que celle mesurée en air extérieur qui est de l'ordre de 400 ppm – un taux entre 800 et 1000 ppm traduit une qualité d'air moyenne, nécessitant un renouvellement, et un taux supérieur à 1000 ppm correspond à une qualité de l'air modérée, nécessitant une aération immédiate dans le contexte de l'épidémie.

C'est pourquoi nous recommandons l'installation et l'usage de capteurs de CO2 dans les ERP, afin de faciliter la mise en place et la systématisation des mesures d'aération. Ces capteurs permettraient à la fois d'avertir de façon pertinente lorsque l'air nécessite d'être renouvelé, mais aussi d'ancrer dans l'esprit de chacun la nécessité d'une aération régulière. Il s'agit d'un bon outil pédagogique, notamment chez les enfants. Il convient ainsi de rendre visible l'invisible grâce aux capteurs.

L'installation des capteurs de CO2 s'inscrit dans un contexte plus global de lutte contre toutes les épidémies de maladies respiratoires et saisonnières telles que la grippe ou la bronchiolite, qui nécessitent elles aussi une aération. L'investissement associé à ces capteurs sera alors largement rentabilisé. Un rapport du Sénat de 2015 avait chiffré le coût de la pollution de l'air à 100 milliards d'euros par an pour la France, dont 20 milliards résultant de la pollution de l'air intérieur.

Le rôle des collectivités locales est majeur, celles-ci ayant la responsabilité des locaux scolaires, et il faudra donc les accompagner. Nous recommandons la rédaction d'un guide de bonnes pratiques expliquant notamment les manières d'utiliser un capteur de CO2.

Cependant certains lieux ne peuvent pas être aérés facilement, par exemple les salles de cours et de restauration situées en sous-sol. En outre, le bénéfice tiré du renouvellement de l'air intérieur est fortement dépendant de la qualité de l'air extérieur. Lors de pics de pollution, il n'est pas pertinent d'ouvrir grand les fenêtres. Lorsqu'une fenêtre donne sur une « rue canyon », étroite, concentrant les particules fines et les oxydes d'azote, on fera entrer ces polluants extérieurs en voulant renouveler l'air intérieur. Une solution existe cependant, avec les purificateurs d'air, qui assainissent l'air ambiant de ses agents pathogènes et donc potentiellement du SARS-CoV-2.

Différentes technologies de purificateurs d'air existent et sont détaillées dans le rapport. On distingue deux grandes catégories : les dispositifs qui reposent sur un piégeage par filtration et ceux qui utilisent des mécanismes d'oxydation menant à la destruction de l'agent infectieux. Pour les besoins de la lutte contre la Covid-19, et dans le but plus général d'amélioration de la qualité de l'air intérieur, nous recommandons l'utilisation de purificateurs utilisés de filtres à très haute efficacité de filtration, dits HEPA 13 et HEPA 14.

Le rapport souligne qu'il convient de rester très prudent quant à l'utilisation des mécanismes d'oxydation, qui pourraient former des composés nocifs. Rappelons-nous en effet que, comme le disait Lavoisier, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Il faudrait donc s'assurer que les produits de la dégradation ne soient pas nocifs.

Des essais en conditions « réelles » des unités mobiles de purification de l'air doivent être menés. Il ne s'agit pas uniquement de tester un purificateur d'air sur un banc d'essai car il faut garantir que l'efficacité du dispositif est réelle et pas seulement psychologique.

Nous rappelons que l'amélioration de la qualité de l'air intérieur doit en priorité reposer sur l'aération et la ventilation. L'usage de purificateurs d'air ne doit être vu que comme une mesure complémentaire.

Pour finir, je remercie ma collègue Angèle Préville pour son regard toujours rigoureux sur ces questions et l'excellent travail que nous avons pu réaliser ensemble.

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