Vous m'avez d'abord interrogé sur le contexte dans lequel ces armes pourraient être employées, et face à quels types de défense. Au regard des capacités des systèmes que nous employons actuellement – Aster 15 ou Aster 30 – et des systèmes russes exportés aujourd'hui – S-300 ou S-400 – le besoin d'échapper à des missiles d'interception est de plus en plus présent. Nous devons être en mesure de s'affranchir de cette menace, et c'est cette exigence qui se trouve au cœur du programme. Ces missiles constituent déjà une réelle menace, et je pense que les industriels comme les chercheurs devront travailler à la définition des menaces futures, au-delà des systèmes actuels.
Dans quel type de conflit les missiles anti-navires pourront-ils être employés ? Vous avez notamment évoqué la mission SEAD : pour quelles raisons devrions-nous recourir à un missile anti‑navires pour cette mission ? Il y a quelques mois, les Américains ont rapporté avoir été l'objet d'une attaque d'un missile anti‑navires dans le sud de la mer Rouge. En réaction, ils ont détruit au moyen de missiles de croisière tous les sites radars implantés sur la côte yéménite, et tous les dispositifs qu'ils pensaient être incriminés dans cette attaque. Mais il existe également des systèmes mobiles, c'est-à-dire des systèmes de défense anti-navires et antiaériens qui se déplacent le long de la côte et dont les radars désignent des objectifs. La capacité à lancer un missile et à détruire les radars de ces dispositifs mobiles correspond à la capacité appelée SEAD, c'est-à-dire de suppression des défenses aériennes ennemies, et c'est elle que l'on souhaite mettre en œuvre au moyen du futur missile anti-navires que nous développons. Le premier emploi du missile FMAN/FMC est donc l'entrée en premier afin de frapper à un ennemi à terre, ce qui suppose de commencer par supprimer les défenses implantées le long de la côte au moyen d'un missile de type SEAD (FMAN) avant de frapper dans la profondeur au moyen du FMC ou du MdCN.
Mais il existe aussi un autre type de conflit dans lequel ce type de missile entre en jeu, d'ailleurs évoqué par la revue stratégique : je pense à la compétition en haute mer. Depuis la fin de la Guerre froide, nous avons perdu de vue l'éventualité d'une confrontation de flottes en haute mer. Il n'y a pas si longtemps, jusqu'à la fin de la Guerre froide, devoir mener une troisième bataille de l'Atlantique était une hypothèse d'engagement tout à fait envisagée. Aujourd'hui, on constate l'émergence de nouvelles puissances, à même de construire l'équivalent de la marine française tous les quatre ans, et dotées de capacités offensives susceptibles de remettre en cause la souveraineté de certains espaces maritimes, ou la sécurité de lignes de communications essentielles au ravitaillement de l'Europe.
Ne vous méprenez pas : je ne dis pas que nous nous trouvons à la veille d'un tel conflit! Néanmoins, face à l'accroissement des capacités de certaines flottes navales, l'hypothèse tactique d'une confrontation de flottes en haute mer redevient une hypothèse réaliste.