Madame la ministre, l'ordonnance que vous nous demandez de ratifier par ce projet de loi a pour but de mettre en cohérence différents textes au regard de la loi de modernisation de notre système santé du 26 janvier 2016.
Cette loi comporte des points positifs qu'il convient de saluer, comme la notion de service public hospitalier.
Nous déplorons néanmoins qu'une de ses dispositions essentielles ait été supprimée entre sa version initiale et celle que nous devons mettre en cohérence : l'interdiction des dépassements d'honoraires pour les praticiens de l'hôpital public dans le cadre des 20 % d'activité libérale pour laquelle ils bénéficient d'une autorisation. Le 16° de l'article 1er de l'ordonnance no 2017-31 du 12 janvier 2017 prévoit en effet une dérogation à l'interdiction du dépassement d'honoraires.
S'il est déjà discutable que des praticiens de l'hôpital public puissent exercer de façon libérale dans ses murs, en utilisant son personnel et son matériel, il nous semble aberrant qu'ils soient autorisés à pratiquer des tarifs exorbitants – car c'est bien de cela dont il s'agit. La pratique des dépassements d'honoraires crée de fait une médecine à deux vitesses. On ne peut accepter qu'il en soit ainsi dans l'hôpital public : il n'est pas tolérable qu'à l'entrée d'un service public, un citoyen fortuné dispose de facilités d'accès interdites à la plupart des gens. Un besoin aussi essentiel que la santé ne peut faire l'objet d'un chantage à l'argent. Le rétablissement d'un service public universel et de qualité est notre combat.
En attendant, nous voulons manifester notre désaccord : cette dérogation déroule le tapis rouge devant des praticiens adeptes de l'activité libérale alors qu'ils ne représentent en réalité qu'une minorité des praticiens exerçant au sein de l'hôpital public. En effet, seuls 11 % des praticiens hospitaliers publics y ont recours, selon les chiffres les plus récents du collectif inter-associatif sur la santé.
Pourquoi alors prévoir une telle dérogation, si ce n'est pour cautionner une dérive qui contribue à saper l'égalité d'accès à la santé, à un moment où trois Français sur dix renoncent à des soins pour des raisons financières ? Cela n'est ni digne ni responsable.