Intervention de Antoine Bouvier

Réunion du mardi 24 juillet 2018 à 15h30
Mission d'information relative à la prochaine génération de missiles anti-navires

Antoine Bouvier :

( Traduction ) Le Brimstone constitue l'une de mes plus grandes frustrations en tant que PDG de MBDA. Pour ceux qui ne sont pas familiers du produit, le Brimstone est un excellent produit britannique. Et quand je dis britannique, je pèse mes mots : quand nous avons essayé de promouvoir le Brimstone aux États-Unis, nous l'avons fait dans le cadre strict de la relation américano-britannique, sans aucun intervenant français, italien ou espagnol ; uniquement des citoyens britanniques.

Ce programme, très apprécié par les forces aériennes américaines, était une réussite. À cette époque, les États-Unis n'avaient aucun équivalent au Brimstone en termes de capacité opérationnelle et de performance. Nous avons donc fait un grand nombre de propositions commerciales offensives et tout à fait honnêtes à notre client américain. Le Premier ministre britannique lui-même a adressé deux courriers indiquant, plus ou moins explicitement et dans des termes bien plus diplomatiques, que ce programme constituait à ses yeux un test pour la relation américano-britannique dans le domaine de la défense. Tout cela pour finalement recevoir une proposition d'un montant de moins de 100 millions de dollars. En ce qui me concerne, je m'interroge sur la position du président américain, qui n'a même pas eu la considération ou le respect, je dirais même plus simplement la politesse, de répondre convenablement à une lettre du Premier ministre britannique faisant part de l'importance de ce programme pour la relation américano-britannique dans le domaine de la défense.

In fine, après des années d'efforts, nous ne sommes pas parvenus à vendre le Brimstone aux États-Unis. C'est un excellent exemple, bien que malheureux, de la difficulté que nous avons, non seulement à pénétrer le marché américain, mais aussi à mettre en place quelque coopération équilibrée que ce soit entre l'Europe et les États-Unis dans le domaine de la défense. Les États-Unis sont ravis de nous voir contribuer à des programmes – en termes de technologie, de financement, de marché – mais sont moins enclins à accepter l'idée que nous sommes des partenaires. D'après notre expérience, le terme « partenaire » n'est pas quelque chose d'acceptable pour les Américains...

Il y a un autre exemple, qui n'est pas lié au Royaume-Uni. Il s'agit d'une mauvaise expérience que nous avons eue en Italie et en Allemagne sur un programme de défense aérienne appelé MEADS, dont vous vous souvenez peut-être. L'Italie et l'Allemagne avaient investi des sommes considérables – des milliards d'euros – dans ce programme avant que les États Unis ne prennent la décision de manière unilatérale, en 2012, d'avorter le programme, et ce sans aucune considération pour les investissements allemands ou italiens. Finalement nous avons pu, avec Lockheed Martin, notre partenaire sur MEADS – aujourd'hui appelé TLVS – développer une nouvelle version du programme pour notre client allemand. Mais vous voyez là un autre exemple des difficultés que nous avons rencontrées.

Pourquoi sommes-nous confrontés à ces difficultés ? Parce que les États-Unis disposent du budget dont ils ont besoin, ils n'ont pas besoin de conduire des programmes en coopération ! Ils ont exactement les mêmes objectifs que nous – souveraineté, liberté d'action, avantage opérationnel. Il n'est donc pas surprenant que les États-Unis ne souhaitent pas s'investir dans ce type de coopération, puisqu'ils ne souhaitent pas rencontrer le moindre obstacle s'agissant de leur capacité à produire, à développer et à mettre en œuvre quelque programme que ce soit.

Voilà la situation, qu'on le veuille ou non. Je n'ignore pas les bons exemples de coopération avec les États-Unis dans d'autres secteurs, mais dans un domaine comme celui des missiles, qui est très sensible, sans doute plus que n'importe quel autre domaine, je ne vois rien qui pourrait nous mener à penser ou considérer que nous pourrions développer une coopération avec les États-Unis dans un futur proche.

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