Intervention de Christophe Pourreau

Réunion du lundi 27 janvier 2020 à 16h00
Mission d'information sur l'adaptation de la politique familiale française aux défis du xxie siècle

Christophe Pourreau, directeur de la législation fiscale :

Monsieur le président, madame la rapporteure, je suis très honoré d'être auditionné devant vous aujourd'hui. Sur la base du questionnaire que vous nous avez adressé, j'évoquerai les modalités de prise en compte de la famille dans notre système fiscal. Après mon propos introductif, je répondrai à vos questions ; par ailleurs, si vous le souhaitez, nous pourrons vous communiquer par écrit des éléments concernant les dépenses fiscales ou le nombre de bénéficiaires de chacune d'entre elles.

Il convient de différencier deux catégories de dispositifs : le quotient familial et le quotient conjugal, d'une part, et divers dispositifs fiscaux plus ciblés, d'autre part. Ces derniers, potentiellement coûteux pour les finances publiques, visent à encourager tel ou tel comportement, à aider les ménages à financer différents types de prestations, ou encore à alléger la charge fiscale des familles.

Le quotient familial et le quotient conjugal existent depuis longtemps. Ils sont inhérents à l'impôt sur le revenu tel que nous le connaissons en France, à savoir un impôt progressif conçu pour s'adapter aux capacités contributives d'un ménage. Celles-ci sont déterminées en prenant en compte à la fois les revenus du ménage et ses charges, lesquelles dépendent notamment du nombre de membres du foyer fiscal. Le quotient conjugal et le quotient familial s'appliquent uniquement aux revenus imposés au barème progressif, à l'exclusion de ceux qui sont imposés à un taux proportionnel, comme c'est le cas pour les revenus de l'épargne soumis au prélèvement forfaitaire unique. Il s'agit d'un dispositif visant à retarder l'entrée dans les tranches successives du barème progressif de l'impôt sur le revenu pour tenir compte des capacités contributives des ménages.

Le quotient conjugal attribue deux parts à tout foyer constitué de deux personnes, qu'elles soient mariées, pacsées ou non, afin de traiter tous les couples sur un pied d'égalité. Ce dispositif, non plafonné, vise simplement à tenir compte de l'existence d'un couple pour éviter qu'il ne soit défavorisé par rapport à deux personnes vivant séparément.

Le quotient familial, quant à lui, tient compte du nombre d'enfants ou de personnes à charge dans le foyer fiscal. Le législateur a considéré que ce dispositif était fondé, mais seulement dans une certaine mesure : il a donc décidé, en 1981, de plafonner l'avantage résultant du quotient familial. Ce plafond a varié au cours du temps : alors qu'il s'élevait à 2 300 euros par demi-part en 2012, il a été progressivement abaissé à 1 500 euros au cours de la précédente législature. Depuis, ce montant est actualisé chaque année en fonction de l'actualisation des tranches de l'impôt sur le revenu ; il s'établit à 1 567 euros pour l'imposition des revenus de 2019.

La progressivité du barème de l'impôt sur le revenu ayant été jugée indispensable par le Conseil constitutionnel, son corollaire est l'existence d'un dispositif de prise en charge des capacités contributives, en l'occurrence le quotient conjugal et le quotient familial.

D'autres dispositions fiscales, moins centrées sur l'impôt sur le revenu, revêtent une importance particulière du point de vue des finances publiques.

Tout d'abord, le crédit d'impôt famille a pour objet d'encourager les entreprises, qu'elles soient assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, à participer au financement de structures d'accueil des enfants de moins de 3 ans de leurs salariés ou à d'autres types de services. Ce financement public à hauteur de 25 % ou 50 % des dépenses éligibles, selon les catégories, vise à inciter les entreprises à faciliter l'activité professionnelle de leurs salariés, hommes ou femmes.

Il existe d'autres dispositifs qui ne sont pas exclusivement centrés sur la prise en charge de la situation particulière des familles, comme le crédit d'impôt pour les services à la personne ou pour les services à domicile ; plusieurs millions de foyers fiscaux y ont recours. Cela concerne essentiellement des services de garde des jeunes enfants à domicile, mais peut également s'appliquer à d'autres catégories de prestations de services, comme le ménage. Ce crédit d'impôt, qui est assez efficace, poursuit un double objectif : la solvabilisation de ces services, souvent essentiels pour concilier vie professionnelle et vie familiale, mais aussi la lutte contre le travail non déclaré. Le crédit d'impôt pour garde d'enfants de moins de 6 ans peut quant à lui s'appliquer aux frais de garde hors du domicile des parents.

La loi de finances pour 2017 a apporté une modification importante au fonctionnement du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Le dispositif se composait jusqu'alors de deux composantes : l'une sous forme de crédit d'impôt lorsqu'il y était recouru par des personnes actives ou en recherche d'emploi, et l'autre sous forme de réduction d'impôt uniquement pour des personnes retraitées ou non actives. Afin d'assurer un traitement équivalent de ces deux catégories de population, et dans un but social, les personnes âgées à revenus modestes ne bénéficiant que d'une réduction d'impôt, cette dernière a été transformée en crédit d'impôt, pour un coût d'un peu plus d'un milliard d'euros. Cela fait de ce crédit d'impôt pour les services à la personne, désormais unifié, l'une des dépenses fiscales les plus importantes puisque son coût global est désormais proche de 5 milliards d'euros.

Voilà, en quelques mots, ce que je pouvais dire sur, d'une part, le quotient familial et le quotient conjugal et, d'autre part, des dispositifs plus spécifiques. Je peux naturellement répondre à vos questions ou demandes de précisions sur tel ou tel aspect.

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