Intervention de Roland Lescure

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 14h00
Groupe de travail sur la procédure législative et l'organisation parlementaire et les droits de l'opposition

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Lescure, président de la commission des affaires économiques :

Mon intervention sera sans doute moins structurée et construite, et je veux d'abord remercier le président de la commission de la défense de nous accueillir dans cette salle sans doute un peu exiguë, en effet, mais bien plus lumineuse que la plupart de celles où nous nous réunissons habituellement. Peut-être la réduction annoncée du nombre de députés nous permettra-t-elle d'être moins à l'étroit?

Je suis entré en politique, modestement, il y a un an, à cause d'un certain nombre d'idées qui me plaisaient dans le programme du Président de la République, en particulier celle selon laquelle un Parlement moderne devrait légiférer un peu moins que ne le fait le Parlement français. Je ne suis pas sûr que nous nous soyons appliqué totalement cette promesse de campagne... Il en est d'autres que nous appliquons avec efficacité, mais quand je vois à la fois le nombre et, surtout, le volume des textes que nous examinons, et qui sortent de notre assemblée plus énormes encore qu'ils n'y sont entrés, je me dis, sans vouloir mettre en cause personne, qu'il y a tout de même un problème.

Il y a eu beaucoup de travaux, dans ce groupe mais aussi ailleurs, sur la simplification, mais si l'on parle beaucoup du flux, c'est-à-dire des nouvelles lois, il faut aussi se pencher sur le stock énorme de lois existantes, et réfléchir ensemble à la manière de les simplifier. Certains ont proposé de créer une commission parlementaire ad hoc ; je ne sais pas si c'est la solution, peut-être devrions-nous plutôt constituer, au sein de chaque commission, un groupe de députés chargés de cette mission. Cette gestion du stock est sans doute moins visible, moins glamour que celle du flux, mais je la crois au moins aussi importante.

Je souscris pleinement, par ailleurs, à ce qu'ont dit les deux orateurs précédents sur la préparation du travail en amont. Nous l'avons fait à notre manière comme vous l'avez fait à la vôtre, et c'est essentiel, notamment pour améliorer la « courbe d'apprentissage » de la commission dans son ensemble. Lorsque les États généraux de l'alimentation ont été lancés, nous avons mené nos auditions ; nous avons préparé aussi l'examen du projet de loi sur le logement, celui du projet de loi PACTE. L'objectif est que l'examen d'un texte soit essentiellement concentré sur le texte lui-même au lieu d'être dédié à tout le reste, c'est-à-dire la courbe d'apprentissage et l'audition d'acteurs clés. Vous avez fait un certain nombre de propositions très concrètes ; je ne sais pas s'il faut vraiment qu'elles le soient, ni qu'elles soient très contraignantes, ou si nous devons plutôt garder la liberté qui est la nôtre, mais il faut en tout cas que nous y soyons tous sensibles.

Sur la procédure budgétaire, Valérie Rabault sera bien mieux à même de s'exprimer que moi, mais il est certain qu'il faut la simplifier et la raccourcir, pour consacrer nettement plus de temps que nous ne le faisons actuellement à l'évaluation de l'exécution du budget. En tout cas, les réunions de commissions élargies, qui prennent énormément de temps, ne servent pas à grand-chose, sinon aux rapporteurs concernés – je ne vais pas me faire que des amis dans ma commission en disant cela... En tout cas, elles ne contribuent pas beaucoup à l'efficacité de la procédure budgétaire.

S'agissant de l'organisation du travail parlementaire lui-même, je suis sans doute un peu novice, mais je confesse un certain attrait pour la méthode allemande : une semaine au Parlement, une semaine en circonscription. J'ai l'impression, tout de même, que l'on n'a pas complètement tiré les conséquences du non-cumul.

Il est certain que nous nous sentons tous obligés de passer beaucoup de temps en circonscription, chacun ayant d'ailleurs ses besoins propres selon la circonscription où il est élu, mais il me semble que nous pourrions, certaines semaines, passer plus de temps à l'Assemblée, par exemple du lundi au vendredi plutôt que du mardi au jeudi, et nous ménager, sinon une semaine sur deux, peut-être une semaine sur trois, une vraie période de travail en circonscription. Cela simplifierait grandement la vie du député que je suis, élu d'une circonscription située à l'étranger. Les distances étant ce qu'elles sont, je préfère partir pour une semaine que pour trois jours.

Concernant le temps laissé aux commissions pour faire leur travail et l'éventualité d'accroître l'impact relatif du travail en commission par rapport à celui dans l'hémicycle, je suis assez sensible à l'idée de faire adopter définitivement certaines choses en commission. Peut-on imaginer, par exemple, que les articles soient votés en commission et que la loi dans son ensemble – ainsi que quelques articles importants, à déterminer en Conférence des Présidents – le soit dans l'hémicycle, où se déroulerait également la discussion générale ? Le Sénat le fait déjà, et je crois que nous gagnerions à le faire aussi car, aux yeux du béotien que je suis, il n'y a rien à gagner à refaire le même débat, avec les mêmes arguments et, finalement, le même résultat. Je comprends que l'hémicycle est plus visible que la commission, mais c'est l'éternelle histoire de la poule et de l'œuf : si l'on donne plus de pouvoir aux commissions, leur travail en sera peut-être plus visible.

Et cela permettra, au passage, de limiter le volume de travail dans l'hémicycle. Je pense qu'il faut faire moins de choses dans l'hémicycle, notamment en donnant plus de responsabilités aux commissions. Ce n'est pas explicitement dit dans votre feuille de route, mais je souhaite qu'on aborde ce sujet, ainsi que celui du nombre des commissions permanentes. Cela veut-il dire augmenter ce nombre, voire supprimer toute limite ? Je crois qu'il faudra tirer les conclusions de la réduction du nombre de députés. Personnellement, je pense qu'il y a trop de députés dans ma commission, d'autant qu'ils sont très motivés et très présents. On m'oppose souvent, quand je dis cela, l'absentéisme comme facteur de rééquilibrage, mais devoir gérer le temps de parole de 73 députés lorsqu'ils sont presque tous là, c'est un cauchemar, et cela ne contribue pas forcément à l'efficacité des débats. Maintenant que le Gouvernement a dit quel objectif de réduction il se fixait, il va falloir se poser la question du nombre de députés par commission, qui est évidemment liée à celle du nombre de commissions. Faut-il créer de nouvelles commissions permanentes, ou des commissions transversales ad hoc sur le modèle de la commission des affaires européennes ? Mon cœur me dit que l'Europe mériterait une commission à elle, mais ma raison me dit que l'Europe doit être partout et nourrir le travail de toutes les commissions permanentes, car le danger existerait, sinon, que l'on ne parle plus d'Europe ailleurs.

On peut aussi se poser la question des saisines pour avis. Je comprends qu'une commission concernée par des sujets que traite une autre commission souhaite s'en saisir, mais il y a le risque de redites, et comme tout député a le droit d'assister aux réunions de toute commission, qu'il y appartienne ou non, peut-être suffirait-il qu'une seule commission soit saisie et « fasse tout le boulot », si je puis m'exprimer ainsi – sans aller jusqu'à la constitution systématique d'une commission spéciale sur chaque texte.

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