Intervention de Fabien Jobard

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 9h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Fabien Jobard, politologue, directeur de recherche au CNRS, au CESDIP :

Sur la demande de sécurité, nous disposons d'études assez claires. Au sein de l'Île-de-France, la ville de Paris est une ville riche et, de ce fait, très exposée aux atteintes aux biens. Les cambriolages sont relativement fréquents, mais les personnes se sentent personnellement en sécurité. Dans les banlieues pauvres c'est l'inverse : les atteintes aux personnes sont très fréquentes, en particulier dans les transports en commun, et la sécurité est une très grande préoccupation. En grande périphérie, les atteintes aux biens et aux personnes sont peu nombreuses mais il existe une angoisse des cambriolages et du RER chez les Franciliens qui explique d'ailleurs qu'ils prennent la voiture et se surprotègent. Ainsi, hormis dans les banlieues pauvres, probabilité d'être exposé et préoccupation pour la sécurité sont déconnectées.

Au fond, votre diagnostic est juste, mais selon moi il ne va pas à l'encontre de ce que nous avons dit. Dans les cités, il y a des enquêtes qui existent et qui attestent du fait que dans les grands ensembles, la demande de police est très élevée. Elle est plus élevée qu'ailleurs aussi parce que c'est dans les grands ensembles que les policiers sont en sous-effectifs. Ces zones-là ont toujours été « sous-policées ». Demandez à des policiers en sortie d'école s'ils ont envie d'aller exercer à Aulnay-sous-Bois, ils diront non ; mais c'est là-bas qu'ils seront envoyés. C'est aussi dans ces cités que l'on estime que la police est trop brutale ou bien que la police ne traite pas les gens de manière égale.

Il faut à la fois en effet dire que les quartiers difficiles sont demandeurs de police, mais que la forme actuelle de réponse policière qu'on leur offre n'est pas conforme à ce qu'ils attendent en termes d'égalité. Même dans la culture populaire, dans le rap par exemple, le slogan républicain « liberté, égalité, fraternité » – sans doute aussi parce qu'il y a une belle allitération – est souvent rappelé comme une exigence. Vos observations complètent les nôtres, elles ne sont pas incompatibles. Ce n'est pas parce qu'on a une forte demande de sécurité que l'on va approuver les méthodes destinées à assurer cette sécurité.

Dans les enquêtes européennes, celles que Sebastian Roché a évoquées, on note deux choses en ce qui concerne la France. D'une part le soutien aux forces de l'ordre, quoiqu'élevé, est beaucoup plus faible qu'en Angleterre ou en Allemagne, de même que le sentiment de confiance dans la police. D'autre part, la proportion de ceux qui estiment que la police ne traite pas tout le monde de manière égale est beaucoup plus élevée en France qu'elle peut l'être en Angleterre et en Allemagne. Là encore, monsieur le président, l'un n'exclut pas l'autre. Maintenant, il peut y avoir une partie de la population française qui estime que c'est le travail de la police de traiter les gens de manière inégale, mais ceci est contraire aux principes fondamentaux de notre République.

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