Intervention de Sebastian Roché

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 9h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Sebastian Roché, politologue, directeur de recherche au CNRS, enseignant à Sciences Po-Grenoble, éditeur de « Policing and Society » :

La discrimination dont nous avons parlé n'est pas un sentiment de discrimination, mais un calcul statistique qui montre que la distribution des contrôles est inégale dans la population. La probabilité d'être contrôlé est objectivement liée à la couleur de la peau des personnes.

Les opinions policières en France sont mal mesurées par les instituts de sondage parce que ceux-ci n'ont pas incorporé dans leurs outils les progrès de la sociologie policière. En sociologie électorale par contre, c'est plus rigoureux. Les questions des instituts de sondage séparent complètement la préférence pour un parti et les intentions de vote. En matière de sociologie policière, les instituts de sondage n'ont pas encore développé ces outils, ce qui fait qu'ils confondent le soutien aux missions et le soutien aux pratiques. Les niveaux élevés de confiance (entre 75 % et 85 %) que l'on observe sont des niveaux de confiance diffuse, c'est-à-dire qu'ils ne spécifient aucun élément de l'action des forces de police, ni des modalités de son action, ni de l'objet de son action.

Bien évidemment, une très grande partie de la population pense que nous avons besoin des missions la police. En revanche, l'opinion des gens sur les pratiques policières est très différente. Si on vous demande par exemple : « la police est-elle efficace pour vous protéger des cambriolages ? » on n'obtient plus 80 %, mais 19 %. En France, dans les enquêtes de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et du service statistique du ministère de l'intérieur, le pourcentage de gens qui font tout à fait confiance dans la police est de 5 %.

Une seule valeur n'est pas suffisante pour rendre compte de la diversité des attitudes par rapport à la police, et particulièrement en matière d'égalité socio-économique. La France fait partie des pays dans lesquels on reproche le plus à la police de servir les riches et pas les pauvres et aussi le fait d'être politisée, au sens qu'elle obéirait à des motivations d'ordre politique. Ce sont deux handicaps considérables à la légitimité policière.

Les quartiers populaires sont des quartiers que les gens ne peuvent bien souvent pas quitter parce qu'ils n'ont pas les ressources. Pour la même raison, ils ne peuvent pas recourir au marché de la sécurité privée. Effectivement, il y a une demande de sécurité ; mais plus vous vous approchez de ces quartiers difficiles et des gens qui ont fait l'expérience de la délinquance, plus les taux de soutien à la police sont faibles. À l'inverse, ils sont très élevés dans les zones qui n'ont pas de problème de sécurité, en milieu rural chez les personnes âgées propriétaires de leur logement et qui n'ont eu aucun contact avec la police depuis cinq ans. Les gens les plus satisfaits de la police en France sont en fait les personnes qui n'ont jamais eu de contact avec elle.

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