Intervention de Fabien Jobard

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 9h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Fabien Jobard, politologue, directeur de recherche au CNRS, au CESDIP :

Je serai peut-être plus réservé que Sebastian Roché sur la question de l'alternance politique. Les Verts ont été au gouvernement en Allemagne de 1998 à 2004 et cela n'a pas impliqué de grandes réformes de la police (peut-être aussi parce que ce n'est pas une compétence fédérale en Allemagne). En revanche, à Berlin, effectivement, c'est l'alternance municipale de 2001, lorsque Klaus Wowereit membre du Parti social-démocrate (SPD) a été élu au sein d'une coalition rouge-rouge-verte, qui a pu permettre des politiques de désescalade.

Ce qu'il faut noter, c'est que ces politiques ont mis plusieurs années à faire valoir leurs effets et que, durant les premières années, il y avait des violences. Les policiers étaient d'ailleurs même plus exposés sans doute qu'ils ne l'étaient les années précédentes, et les adversaires conservateurs mettaient en cause ces politiques de désescalade susceptibles de les mettre en danger. On parle néanmoins d'un événement très précis que sont les manifestations d'extrême gauche dans les rues de Berlin.

Si les Verts peuvent avoir une influence sur la conduite des politiques de police, c'est parce qu'ils sont d'abord une force extraparlementaire qui s'est imposée en politique par la manifestation, notamment par les mouvements antinucléaires du début des années 1980 (« Atomkraft ? Nein danke ») qui étaient brutalement réprimés. La grande décision Brokdorf du Tribunal constitutionnel allemand (1995) qui impose un devoir de désescalade aux forces de maintien de l'ordre porte le nom d'un village d'enfouissement des déchets nucléaires.

Il ne faut pas oublier que Bill Clinton est aussi celui qui a très largement financé la militarisation des polices américaines. Mais je souscris sur le fond à ce qu'énonçait Sebastian Roché : l'autorité politique peut changer la police, c'est bien comme cela qu'il faut formuler les enjeux. En France, nous avons l'habitude de dire désormais que le ministre de l'intérieur est le « premier flic de France », sous prétexte que Clemenceau l'aurait dit ; c'est tout à fait inquiétant. Le ministre de l'intérieur n'a pas à être le premier flic de France car il n'a pas à être un policier. Si l'on ne distingue pas l'administration de ceux qui la gouvernent, alors nous sommes sûrs d'être gouvernés par elle. L'enjeu est celui du primat du politique, responsable de ses administrations devant le Parlement.

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