Intervention de Sebastian Roché

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 9h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Sebastian Roché, politologue, directeur de recherche au CNRS, enseignant à Sciences Po-Grenoble, éditeur de « Policing and Society » :

Les systèmes politiques du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de la France ont évidemment des histoires propres. Elles sont liées les unes aux autres, mais les systèmes de police ne procèdent pas des systèmes politiques. Ceux-ci ont une histoire propre à l'intérieur des systèmes politiques. Chacun des outils va vivre dans un cadre national, mais sa détermination n'est pas liée à l'évolution du cadre national lui-même. En Grande-Bretagne, il y a bien sûr cette histoire coloniale et avec la France, c'est le pays d'Europe qui a connu le plus d'émeutes, notamment 1981 à Brixton et 2005 pour la France. Celles que nous avons connues en Grande-Bretagne ont été déclenchées, comme en France, principalement par des actions de police, la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005, la mort de Mark Duggan en 2011.

La différence est qu'en Grande-Bretagne, à la suite des émeutes, le gouvernement s'est saisi de ces questions. Il les a mises à l'agenda politique et l'expression « racisme institutionnel » apparaît dès le rapport MacPherson qui a été rendu en 1999. Le gouvernement a créé une commission d'enquête indépendante, présidée par une personnalité majeure du pays, et lui a demandé de faire un diagnostic. Il faut se souvenir que cela n'a pas été le cas après les émeutes de 2005 en France, il y a seulement eu une mission d'information ; de même après les « gilets jaunes ».

La différence entre la France et la Grande-Bretagne, c'est donc qu'au Royaume-Uni cela fait longtemps que les responsables politiques ont reconnu l'importance de la question de la discrimination. Cela a-t-il résolu tous leurs problèmes ? Non. Cela a-t-il permis de faire progresser le système de contrôle, et notamment de contrôle indépendant de la police ? Oui. Le développement de ces systèmes de contrôle indépendants est-il associé à des niveaux de confiance de la population dans la police plus élevés ? Oui. Ils ont modernisé certains aspects du contrôle de l'action de la police. C'est vraiment le point essentiel.

Le principal problème en France est la faiblesse du contrôle sur le gouvernement. il n'y a pas d'autorité indépendante qui contrôle l'action de la police et l'Assemblée nationale, faute d'outils adaptés (contrairement au parlement belge), ne contrôle pas suffisamment le gouvernement.

Ensuite, se pose la question des moyens. Les récépissés et les caméras ne sont que des instruments. La police doit être contrôlée par le Parlement. C'est la précision de ce contrôle qui sépare la démocratie des régimes plus autoritaires. L'enjeu des récépissés est de rassembler des informations sur la politique du gouvernement : qu'est-il demandé aux policiers et que font-ils ? Mais d'autres outils techniques récents pourraient aussi bien remplir cette fonction. Si les gendarmes sont capables, sous certaines conditions, d'enregistrer sur leur tablette, avec l'application numérique de prise de notes, « GendNotes », des informations personnelles telles que les orientations sexuelles des personnes contrôlées, ils peuvent aussi enregistrer des informations qui intéressent la représentation nationale et le débat public.

Les caméras ne permettent pas de comprendre la sélection des personnes contrôlées, donc de répondre à la question du contrôle « au faciès », mais simplement de documenter le moment de l'interaction. Elles ne permettent pas non plus de contrôler l'issue du contrôle. Elles enregistrent juste un petit moment. Si l'on donne aux chercheurs l'accès aux images, comme cela se fait dans un certain nombre de villes américaines, on peut aller plus loin dans l'analyse de la dynamique des contrôles policiers, notamment grâce à l'analyse artificielle. Sans base de connaissances sur la sélection des personnes, le déroulement et l'issue des contrôles, il est très difficile de mettre en place un système de régulation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.