Intervention de Fabien Jobard

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 9h00
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Fabien Jobard, politologue, directeur de recherche au CNRS, au CESDIP :

La durée de formation initiale a subi un phénomène d'attrition complètement incompréhensible. En réalité, on a voulu former des policiers plus vite pour avoir plus vite plus de policiers dans la rue affectés à des tâches de prévention du terrorisme – c'était le programme de François Hollande. Cette affaire du « pacte de sécurité » m'a confondu. Je me suis dit : c'est formidable, nous allons recruter 5 000 policiers qui auront des compétences spécifiques (langue arabe, etc.) sur la prévention du terrorisme islamique ! En fait, on a recruté les policiers que l'on recrute d'habitude, à qui on a demandé de faire le métier qu'ils font d'habitude mais en réduisant leur durée de formation.

Par ailleurs, et c'est écrit dans le rapport de M. François Ruffin sur sa proposition de loi visant l'interdiction des techniques d'immobilisation létales : le décubitus ventral et le pliage ventral (qui n'a pas passé le stade de la commission des lois), la formation continue subit également des effets de restrictions budgétaires très fortes. Il faut impérativement redonner ses armes à la formation – ceci figure d'ailleurs dans le cadre du schéma national de maintien de l'ordre qui deviendra peut-être à terme un point fondamental.

Deuxième remarque, de manière générale, il faut également être lucide sur ce que l'on peut demander à des gardiens de la paix qui ont la mission d'assurer la sécurité et la tranquillité publiques et, de temps à autre, de répondre à des appels. Le contexte budgétaire français fait qu'un ensemble de métiers de prévention – éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux – ont quasiment disparu dans les collectivités territoriales, villes et départements. Dans des situations un peu tendues les policiers sont désormais contraints d'intervenir seuls. En réalité, en Allemagne, on est dans une situation d'opulence budgétaire par rapport à la France. Les policiers sont bien plus en mesure d'engager tout un ensemble de partenariats avec d'autres métiers partageant leur mission. Nous ne pouvons pas non plus en demander trop aux policiers et aux gardiens de la paix.

Le gardien de la paix vous dira toujours qu'il n'est pas entré dans la police pour faire du travail social. Il a à la fois tort, parce que c'est l'essentiel de ce qu'il doit faire, et il a raison parce qu'il ne doit pas et ne peut pas être le seul à le faire. Une politique de sécurité publique qui se restreindrait à une réforme de la police n'a aucune chance de réussir. Ce serait faire peser sur l'institution policière et sur ses agents de terrain une responsabilité qui par nature les dépasse complètement. C'est l'intervention sociale qu'il faut repenser et budgéter.

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