Intervention de Patrick Karam

Réunion du jeudi 23 juillet 2020 à 11h05
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Patrick Karam, vice-président du conseil régional d'Île-de-France en charge des sports, des loisirs, de la jeunesse, de la citoyenneté et de la vie associative, inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche, fondateur et président d'honneur du Conseil représentatif des Français originaires d'outre-mer (CREFOM), président de la Coordination pour les chrétiens d'Orient (CHREDO), ancien délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer :

Je ne cherche pas à savoir si le racisme anti-juifs est une forme particulière, je constate simplement son essor dans un certain nombre de quartiers. Le sentiment anti-musulman monte également, dans une confusion généralisée : la famille de ma femme est musulmane, très pratiquante, et ce n'est pas un obstacle pour aimer la République, souhaiter y vivre et y prospérer. Il faut se garder du raccourci assimilant musulmans pratiquants et extrémistes. Moi, je respecte les pratiquants et je combats les séparatistes et tous ceux qui essaient d'imposer leurs propres règles dans nos quartiers.

En Orient, il y avait des juifs : il n'y en a plus. Les chrétiens et les minorités sont en voie de disparition. J'ai réalisé ma thèse sur l'islamisme politique, et j'ai voyagé en Irak, en Syrie et au Liban. Je suis également président de la coordination des Chrétiens d'Orient en danger ; j'ai emmené des parlementaires de tous bords au Levant et en Égypte. Le mouvement de fond qui se développe dans un certain nombre de pays a forcément des conséquences.

Certes, il existe des facteurs sociaux, mais il ne faut pas en faire la seule explication pour trouver des excuses. Aux Antilles, le revenu par habitant est à 65 % de la moyenne nationale, or tout le monde n'y est pas délinquant. Les problèmes sociaux n'entraînent pas nécessairement des comportements antirépublicains ou anti-Blancs, bien qu'il faille surveiller certains mouvements anti-Békés aux Antilles. Lorsque j'étais délégué interministériel, à l'époque du Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), la tentation de faire des Békés les boucs émissaires était déjà apparue. J'avais organisé une réunion à haut risque à Paris avec les leaders les plus durs des associations antillaises, notamment des Békés. Pendant quatre heures, en direct sur France O et tous les médias ultramarins, ils se sont expliqués et la tension est retombée. Il fallait démystifier la question, mais on sent qu'elle revient. Les Békés seront les premières cibles de violences si nous ne faisons pas preuve de fermeté. Kémi Séba n'aurait jamais dû être autorisé à mettre les pieds aux Antilles. La République doit être ferme à l'égard de certains discours, et sur les conséquences qu'ils peuvent avoir sur leurs auditeurs.

Pour combattre ces dérives, j'ai créé l'Union nationale des institutions pour la concorde républicaine. Elle n'a pas encore été dévoilée sur la place publique – nous le ferons en septembre-octobre –, mais elle regroupe déjà 240 associations rassemblant les têtes de réseau de toutes les communautés. Il nous a semblé important de nous réunir pour combattre les dérives que nous constatons et tenir un discours différent des propos caricaturaux que nous entendons. Nous négocions également une coordination entre UNIR, le CRIF et le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF). Nous souhaitons aborder la question du racisme sous l'angle universel, et surtout éviter que chacun travaille pour sa propre boutique.

Monsieur Habib, je vous remercie pour ces mots, très amicaux, mais je n'ai pas toujours été d'accord avec le CRIF. En 2005 ou 2006, certains de ses leaders avaient déclaré que les Antillais étaient antisémites parce qu'une représentation de Dieudonné en Martinique avait eu quelque succès. C'était inacceptable. Heureusement, le dialogue est aujourd'hui apaisé et constructif. Notre objectif est de désarmer tous ceux qui souhaitent faire jouer la concurrence des mémoires. Cette coordination est nécessaire, car la concurrence des mémoires sera à nouveau invoquée, et les Békés en feront les frais en outre-mer. Des associations se créent pour éviter qu'une partie de la population ne soit prise pour cible parce qu'elle est Béké. Ici, les Juifs seront en première ligne, et la question des Noirs se posera peut-être un jour.

Je suis un petit Arabe, né à Pointe-à-Pitre dans une famille pauvre. Avant que mon père ne puisse gagner suffisamment sa vie, quand j'avais onze ou douze ans, nous étions huit dans un petit deux ou trois pièces. Je sais que la question sociale est un faux débat, tout dépend de l'éducation et des valeurs qui nous sont transmises. On nous a appris à aimer la France et à chanter la Marseillaise. Mon père ne sait ni lire, ni écrire, et il ne parle pas français, seulement arabe et créole. Mais il m'a appris à aimer et respecter la France, et l'école transmettait aussi ces valeurs fondamentales.

L'éducation doit revenir au centre du projet. Le ministre tient un discours extrêmement séduisant : il doit se traduire en actes. Certaines universités sont aux mains des tenants de théories indigénistes ou racialistes, c'est extrêmement inquiétant. Vous avez reçu Frédéric Régent, c'est un homme estimable, responsable, ses ouvrages sur l'esclavage sont un modèle. D'origine juive, il ne pratique pas la concurrence des mémoires. Il faudrait que les universitaires témoignent que dans un certain nombre d'universités, une idéologie dominante conditionne les recrutements ou les promotions.

La France s'est construite sur un idéal universaliste, il serait grave de donner voix aux particularismes. Et pour l'outre-mer, cela signifierait la guerre civile.

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