Intervention de Patrick Karam

Réunion du jeudi 23 juillet 2020 à 11h05
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Patrick Karam, vice-président du conseil régional d'Île-de-France en charge des sports, des loisirs, de la jeunesse, de la citoyenneté et de la vie associative, inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche, fondateur et président d'honneur du Conseil représentatif des Français originaires d'outre-mer (CREFOM), président de la Coordination pour les chrétiens d'Orient (CHREDO), ancien délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer :

Aujourd'hui, nous disposons déjà de certains éléments tels que l'origine des parents ou le lieu de naissance.

J'ai engagé des centaines de procès à la tête du CollectifDom et fait prononcer des condamnations à tour de bras, y compris de parlementaires.

Je considère que les statistiques ethniques posent un problème. Aux Antilles, elles rappellent un épisode odieux de l'histoire. Je fais mienne l'histoire de France, si les Gaulois n'étaient pas mes ancêtres au sens biologique, ils le sont au sens spirituel. Napoléon ayant rétabli l'esclavage pour les Noirs, il a fallu savoir qui était « noir ». Un procès s'était tenu pour savoir si un homme blanc de peau devait être considéré comme un Noir, et donc esclave. Il en avait été décidé ainsi car un de ses ancêtres de quatrième génération avait du sang noir.

La question raciale a perduré, et l'esclavage a produit du racisme au sein des sociétés antillaises. On parle de peau « chappée » pour les enfants dont les peaux sont plus claires que celles des parents. On incitait les enfants à épouser des partenaires à la peau plus claire, et à ne pas se marier avec les « Nègres », à la peau noire. C'est du racisme – j'ai connu cela enfant.

En Guadeloupe, le métissage s'est répandu beaucoup plus tard qu'en Martinique, mais nous pouvons observer la stratification de la société martiniquaise. La belle-fille d'Aimé Césaire m'a raconté l'histoire de sa famille. Sa mère avait été reniée après avoir épousé un homme plus noir qu'elle. À la naissance de sa fille, la grand-mère qui était presque aveugle a constaté que les cheveux de l'enfant étaient lisses, et donc qu'elle était mulâtre. C'est alors qu'elle a accepté de renouer le dialogue. C'est un témoignage direct, cette femme doit avoir 65 ou 70 ans aujourd'hui.

La question des statistiques ethniques est très concrète pour les Antillais, car elles ont servi de support à la ségrégation. Demain, elles pourraient servir à dénombrer les prisonniers noirs, ou arabes, ou musulmans, pour rapporter ces ratios à ceux de la population générale. Et l'on pourrait présenter les Arabes et les Noirs comme plus violents, et donc les stigmatiser. On pourrait aussi constater qu'ils sont moins représentés dans un certain nombre de métiers, et en déduire qu'ils ne sont pas adaptés pour les exercer parce qu'ils sont moins intelligents, etc.

Je ne crois donc pas que les statistiques ethniques soient la solution ; nous avons d'autres outils à disposition. En outre, l'intérêt n'est pas de quantifier, mais de combattre. Avant même d'être vice-président de la région Île-de-France, lorsque j'étais délégué interministériel sous le président Nicolas Sarkozy, j'ai lancé une politique de testing massif avec SOS racisme et la Maison des potes. J'ai d'ailleurs reçu un courrier peu aimable du directeur de cabinet de François Fillon me reprochant d'avoir demandé à la Maison des potes d'attaquer EuroDisney en justice.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.