Il est vrai que le racisme s'exprime dans notre société, se traduisant par des attitudes d'hostilité systématique à l'égard d'une catégorie déterminée de personnes – c'est du moins ainsi qu'on peut le définir. Nous sommes ainsi confrontés au « racisme anti-jeunes », au sexisme, à l'homophobie, mais également au « racisme antiflics ».
La police n'est que le reflet de la société ; elle est composée d'hommes et de femmes issus de la métropole ou de l'outre-mer, dont les origines sont multiples et les cultures aussi. Les comportements que nous rencontrons dans notre institution, qu'il s'agisse de propos ou d'actes, peuvent se produire dans d'autres structures publiques ou privées.
Cela étant, compte tenu de son rôle et des missions de service public qu'elle remplit, la police a un devoir d'exemplarité. Lorsque des policiers ont failli dans leur mission, du fait de manquements, d'une perte de sang-froid, d'un manque de discernement dus à la fatigue physique à un défaut de formation ou à un défaut de professionnalisme – par exemple, lorsque de jeunes collègues se retrouvent dès la sortie de l'école sur la voie publique, seuls et sans encadrement, amenés à apprendre sur le terrain les rudiments du métier –, cela peut poser un problème.
Vous parliez des ressources humaines. Une autre piste à creuser serait la pratique professionnelle, à commencer par la composition des équipages de police : il est bon que ceux-ci comportent à la fois des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes. Il importe que la diversité s'applique ; cela permet de réunir des gens ayant plus de métier et de recul dans l'appréhension des situations. Cela me paraît essentiel dans la gestion quotidienne des services.
Évidemment, si cela est possible lorsque les équipages se composent de trois fonctionnaires, cela l'est moins dans les petites circonscriptions où, malheureusement, les équipages de police ne comportent très souvent que deux policiers. Or, avec deux policiers, le schéma de répartition est établi en fonction des effectifs que vous avez sous la main. C'est malgré tout un outil qui mériterait d'être utilisé et qui, à notre sens, l'est aujourd'hui insuffisamment.
Compte tenu de la mission qui est la nôtre, le métier de policier est véritablement compliqué. Sur le terrain, le policier doit s'adapter en permanence. Il n'y a pas que le volet répressif, contrairement à ce que l'on peut dire sur les réseaux sociaux ; il apporte également beaucoup d'aide et d'assistance, à tous les publics, à la fois dans les quartiers difficiles, les centres-villes et les quartiers plus aisés. Il est présent partout pour assumer sa mission de service public. Cette mission d'aide et d'assistance n'est pas suffisamment valorisée par notre ministère. Elle mériterait pourtant de l'être davantage.
L'action répressive fait aussi, bien sûr, partie de nos missions. En fonction de l'affectation du policier, elle répond à des réquisitions ou se fait d'initiative. Elle répond à des réquisitions lorsque des personnes nous appellent parce qu'il y a des rodéos, parce que des jeunes restent dans les allées, parce qu'à minuit il y a encore du bruit dans le square en face de l'immeuble et que personne ne peut dormir, ou parce que des bruits suspects se font entendre dans un local. Sur l'ensemble de ces missions, nos collègues sont amenés à intervenir et à procéder aux contrôles d'identité dont vous parliez. Dans ce cadre, le contrôle interviendra forcément par rapport aux personnes susceptibles de causer ces dommages et d'être à l'origine des appels « police secours ».
Ensuite, il y a le travail d'initiative. Il s'agit alors de fonctionnaires en civil ou en tenue qui font de la dissuasion, de la présence sur le terrain ou qui sont à la recherche du flagrant délit – des unités sont même dédiées à ce travail, notamment les brigades anticriminalité (BAC) et les compagnies de sécurisation et d'intervention (CSI). Cette mission demande une connaissance du terrain et de la population à laquelle on a affaire. Le professionnalisme c'est, par exemple, savoir déterminer les bons contrôles, ceux qui permettront de déboucher sur une situation intéressante – le tout dans le cadre légal de l'article 78-2 du code procédure pénale, bien évidemment. Il s'agit non pas de contrôler à tout-va, mais d'orienter les contrôles, ce qui suppose de bien connaître le terrain et les personnes. Ce n'est pas sa tenue vestimentaire qui fait d'une personne un dealer ou un voleur à la tire, c'est son comportement.
En ce qui concerne les fautes, vous avez bien fait, monsieur le président, d'indiquer la thématique de l'audition et de préciser que votre mission d'information avait été créée en décembre 2019, hors du contexte actuel. C'était important pour que nous puissions débattre et exposer les choses différemment. Même si nous sommes en pleine médiatisation de ces sujets, ils ne doivent pas être abordés seulement sous l'angle de l'actualité.
La police est un service public ; elle doit donc rendre des comptes, et les policiers aussi. En tant qu'organisation syndicale, nous avons très souvent à défendre, exposer, expliquer. Le problème, dans notre institution, c'est qu'il y a peu de communication. Les policiers de terrain ne peuvent pas s'exprimer directement sur ce qu'ils font, ou sur leur malaise, ou sur les difficultés qu'ils rencontrent lors des interventions ; la communication est trop souvent à sens unique : certains discours dénoncent les attitudes des policiers, alors que les policiers eux‑mêmes, sans les organisations syndicales, ne peuvent pas s'exprimer.
De ce point de vue, le ministère de l'intérieur ne communique pas suffisamment, et ce depuis de nombreuses années, je ne mets donc pas en cause seulement le ministère actuel. Il ne communique pas suffisamment sur les belles opérations, qui ont lieu sans heurts, sans blessures ni dommages collatéraux. À l'inverse, les policiers se retrouvent systématiquement sous les projecteurs en cas de manquements – et ce d'autant plus que nous sommes dans une période préélectorale, où le thème de la sécurité est mis en avant. Il est bien plus facile et plus « vendeur » de montrer les fautes des policiers que le travail correctement effectué, surtout quand on cherche le « buzz ». Mais ce phénomène accentue la distance qui s'instaure entre une partie de la population et les policiers et crée un malaise chez ceux-ci. On l'a vu ces cinq derniers jours : l'affaire qui s'est déroulée dans le 17e arrondissement a été l'occasion d'un amalgame ; c'est le procès de la police nationale qui a été fait. Du jour au lendemain, tout a été remis en cause. Nous ne disons pas que notre institution n'a pas besoin de modernisation ni qu'il ne faut pas remettre en cause certaines choses, mais cela ne doit pas se faire à l'occasion d'un fait divers et sous le coup de l'émotion.