Intervention de Caroline Abadie

Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 14h30
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Abadie, rapporteure :

Nous n'avons pas l'intention de mettre en cause l'honneur ni la probité des policiers. Cela a été dit par plusieurs d'entre vous : les policiers ont un rôle à jouer et il leur est demandé d'être toujours plus exemplaires. Il est vrai qu'il suffit d'un cas pour salir l'uniforme. C'est absolument injuste pour les autres policiers, qui, toute l'année et durant toute leur carrière, ont des comportements exemplaires, même dans les situations les plus difficiles ou quand leurs nerfs sont mis à rude épreuve. Pour ma part, je n'arriverais pas à tenir longtemps dans une manifestation avec le calme olympien dont font preuve de nombreux policiers, des années et des week-ends durant ! Nous avons donc beaucoup d'estime à votre égard. Le rôle que jouent les policiers dans la cité est fondamental en ce qu'il lie les citoyens à leur sentiment d'appartenance à la nation.

S'agissant des contrôles d'identité nous avons reçu, monsieur Durante, des chercheurs qui ont pu constater, effectivement, l'incidence importante du lieu du contrôle sur le type de population contrôlé. Je voudrais comprendre ce qui participe au choix des lieux de contrôle. Pourquoi a-t-on l'impression qu'ils se situent toujours à la frontière entre le centre-ville et la périphérie, c'est-à-dire entre la zone culturellement et socialement riche et les quartiers marginalisés ? Les personnes qui habitent ces quartiers s'y sentent assignés, puisqu'ils sont contrôlés dès qu'ils traversent la gare du Nord à une certaine heure, par exemple. Je ne porte aucun jugement sur ces pratiques ; j'essaie de les comprendre.

Dans d'autres pays, quand des personnes squattent à trois ou quatre devant une boulangerie, empêchant les clients d'entrer, plutôt que de leur demander leur carte d'identité, les policiers leur disent qu'ils gênent et leur demandent de se déplacer. C'est un acte d'autorité, mais qui ne ramène pas la personne à son identité. Je trouve qu'il y a quelque chose de sain à concevoir une intervention de la sorte. Je ne dis pas qu'il faut changer votre façon de faire, mais j'essaie d'objectiver ce que je vous disais en resituant les propos que nous avons recueillis lors d'auditions précédentes.

En ce qui concerne les plaintes, je tiens à dire aux représentants d'Alliance que je n'ai absolument pas sous-entendu que, dans les commissariats, on empêchait les gens de porter plainte pour racisme. Le fait est que, derrière, il y a toute une chaîne pénale. C'est peut‑être un élément de réponse : le fait que la justice ne reconnaisse pas aisément le caractère raciste d'un délit, parce que la circonstance aggravante est extrêmement difficile à caractériser, décourage peut-être la population à engager des poursuites ; ce n'est pas forcément à cause du premier maillon de la chaîne, que vous représentez.

Je voudrais néanmoins savoir si d'autres facteurs peuvent entrer en jeu. Nous avons vu, en d'autres matières, que l'accompagnement d'un travailleur social dans les commissariats pouvait aider des femmes à porter plainte contre des actes de violence familiale, qui sont eux aussi très difficiles à signaler. Le racisme touche à l'intime ; les personnes se sentent niées dans leur existence parce qu'on les a traités de tel ou tel nom. Ne pourrait-on pas imaginer des solutions qui les inciteraient à signaler ces actes et porter plainte ? Je pose cette question, je le répète, sans remettre en cause le travail des policiers – qu'ils accomplissent avec une grande rigueur.

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