Intervention de Jérôme Moisant

Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 14h30
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Jérôme Moisant, secrétaire national d'Unité SGP Police FO :

Le jugement que l'on peut porter sur l'IGPN varie selon le point de vue. Pour les policiers, l'IGPN est une institution qui fait parfaitement son travail, ce qui a pour conséquence d'entraîner la sanction de très nombreux collègues : nous sommes de très loin la corporation la plus sanctionnée. Les conclusions des enquêtes ou des audits de l'IGPN sont toujours très équilibrées, provoquant systématiquement pour qui satisfaction, pour qui insatisfaction. Cela étant, l'IGPN ne fait que présenter des préconisations ; il revient ensuite à l'autorité publique de les suivre ou non. Quand bien même l'IGPN serait-elle ouverte à d'autres personnes que des policiers, il faudrait donc remettre aussi en question l'autorité publique qui applique la sanction ou engage des poursuites.

Concernant les plaintes, je ne pense pas que l'accueil des victimes d'actes de racisme ou de discrimination soit problématique. C'est une situation que les collègues maîtrisent en général assez bien. Ils vérifient surtout que les éléments constitutifs d'une infraction sont réunis. Je vous accorde qu'il peut arriver qu'on effectue un certain filtre ou tri dans la mesure où les indicateurs de service sont plus favorables lorsque des procédures sont lancées à l'encontre de personnes connues des victimes. Malheureusement, quand les faits de racisme se déroulent sur la voie publique ou dans les transports en commun, il arrive souvent que les infractions soient commises par des personnes inconnues des victimes. On peut imaginer que, dans ce cas, l'accueil dans les services ne soit pas forcément des plus favorables.

De même, s'agissant des contrôles d'identité, on a tendance à choyer les « infractions relevées par l'action des services » (IRAS), qui permettent d'aboutir à un taux d'élucidation plus élevé. Les contrôles d'identité permettent de relever une infraction à la législation sur les stupéfiants, une infraction à la législation sur les étrangers, ou encore une infraction à la législation sur le port des armes – donc de cocher les cases correspondantes dans les documents qui renseignent l'activité des services.

Pour ce qui est des discriminations en interne, il est compliqué d'appeler à une forme d'autodiscipline parce que la police est très corporatiste. Dans la police plus qu'ailleurs, il est nécessaire d'avoir une confiance absolue et aveugle dans son coéquipier. Il est par conséquent difficile d'imaginer rapporter les faits ou méfaits d'un collègue. Cela vaut pour des actes répréhensibles comme la discrimination, comme pour d'autres. Ainsi, nous mettons actuellement en place le réseau Sentinelles qui a vocation, dans le cadre du programme de mobilisation contre le suicide, à identifier les personnes qui pourraient être en situation de vulnérabilité. Or, même sur ce sujet, l'accueil des agents est extrêmement réservé, leur crainte étant de désigner quelqu'un qui ne serait pas en situation de fragilité mais qui, du coup, pourrait se trouver marginalisé par sa hiérarchie ou au sein de son service.

Voilà la situation actuelle. Pour être franc, elle est difficile. À l'instar de ce qui se passe pour les infractions de droit commun, il est difficile d'identifier les agents à l'origine de tels comportements. Quand on les identifie, il faut les écarter et se donner les moyens pour qu'ils ne puissent plus nuire, susciter des violences ou blesser des personnes dans leur environnement de travail.

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