Merci, monsieur le président, de me laisser la possibilité de m'exprimer en tant qu'élu corse, avec mes trois autres collègues. Dimanche dernier, en effet, la Corse était appelée aux urnes pour élire les soixante-trois conseillers de la nouvelle collectivité unique scellant la fusion de l'actuelle collectivité territoriale et des deux conseils départementaux.
Les résultats appellent au moins trois constats : la victoire franche de la majorité territoriale sortante, qui a obtenu quarante-et-un sièges sur soixante-trois en mobilisant sa base électorale et en l'élargissant ; la défaite des partis traditionnels, issus de ma famille politique comme de la majorité présidentielle, et l'absence de représentant des deux autres ; un taux d'abstention record frôlant 50 % et atteignant même des pics de près de 70 % dans certains quartiers sensibles d'Ajaccio et de Bastia.
Ainsi, les propositions des partis traditionnels ne fédèrent plus et la moitié du corps électoral ne se reconnaît pas dans l'offre politique, toutes tendances confondues ; elle ne se déplace plus pour voter dans notre île, connue jusqu'à présent pour la passion qu'y suscite le débat politique. Ce désintérêt pour l'action publique et ceux qui l'incarnent, plus net dans certains quartiers défavorisés, est la marque d'une fracture qui ne fait que s'accentuer.
Monsieur le Premier ministre, le suffrage universel est l'un des piliers de notre démocratie, comme l'égalité entre les citoyens et l'équité entre les territoires de la République. Ces piliers assurent la cohésion de notre pays. Ne pensez-vous pas que ce triste constat préfigure ce qui se produira demain dans d'autres régions de France continentale, confrontées aux mêmes difficultés en matière d'emploi, de logement ou d'accès aux soins et aux services ?
Ces problèmes sont plus aigus en Corse en raison de son insularité, de sa démographie et de sa réalité économique, mais ils peuvent le devenir demain sur le continent. Pour pallier ces carences, la Corse s'apprête à expérimenter une nouvelle organisation institutionnelle. Elle doit réussir afin de garantir un avenir meilleur à la Corse ainsi qu'à sa population et de faire en sorte que cette expérience serve aux autres régions françaises.