Je demandais récemment à un expert de m'expliquer pourquoi les patrouilles de police américaines se rendaient parfois sur site avec seulement une ou deux personnes, contrairement à ce que l'on peut observer chez nous. Une partie de la réponse réside dans une meilleure connaissance – du fait d'un partage de données plus élargi – des zones d'intervention, qui permet de mieux dimensionner les forces en présence. En France, les forces de l'ordre ont récemment essuyé des tirs dans le cadre de plusieurs interventions parce que les données liées à la détention d'armes – notamment dans les milieux survivalistes – n'avaient pas été portées à leur connaissance. J'ai bien noté que la CNIL n'était pas nécessairement l'élément bloquant, mais la mise à disposition des données pourrait encore s'améliorer pour que nos forces de l'ordre sachent où elles mettent les pieds.
Pour en revenir à la résilience des réseaux, avez-vous une estimation du nombre de bulles tactiques dont nous disposons, sachant que ces bulles n'apportent qu'une solution de contournement localisée lorsque le réseau primaire est hors service ?
Plus globalement, je m'interroge sur l'indépendance vis-à-vis d'internet. Au niveau géopolitique, tous les grands compétiteurs stratégiques mondiaux se préoccupent de l'indépendance de leurs réseaux internet : les Chinois, pour une raison de maîtrise de l'information, mais aussi de résilience ; les Russes ; la question ne se pose pas dans les mêmes termes pour les Américains, puisqu'ils détiennent les clés d'internet pour les sujets de gouvernance, de serveurs, etc. ; les Anglais ne se posent pas non plus la question, puisque leur dépendance aux Américains ne leur pose aucune difficulté. En tout cas, j'ai l'impression que la France – et plus globalement la plaque européenne – est le seul membre du conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) qui s'expose à une faiblesse dans ce domaine.
Dans ce contexte, comment évaluez-vous le degré de fonctionnement des opérateurs télécom sans internet ? Le réseau mobile français et vos interconnexions dans le cadre du RIE peuvent-ils fonctionner sans internet ? Ne pensez-vous pas que, pour être véritablement résilients, nous devrions nous interroger sur la maîtrise du fonctionnement d'internet, à l'instar des réflexions menées à Pékin comme à Moscou ? Si nous devions un jour nous confronter à ces acteurs, nous serions sans doute moins en capacité de perturber leurs réseaux que l'inverse.