Intervention de Olivier Kempf

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 16h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Olivier Kempf, chercheur associé, Fondation pour la recherche stratégique (FRS) :

L'internet au sens large, qui constitue une partie du cyberespace, a été conçu et construit par les Américains. Le rôle éminent des États-Unis s'est d'abord manifesté en matière de réglementation et de standardisation, puis par la mise en place de géants du numérique. Cela dit, nous observons une autonomisation croissante de la Chine à l'égard de ce système mondial. La Chine est probablement le seul pays au monde à être parvenu à bâtir une cyber-souveraineté pour les trois couches du cyberespace, que sont respectivement: la couche physique, qui comprend les équipements physiques et notamment les infrastructures : la Chine n'est pas tout à fait souveraine pour son approvisionnement en semi-conducteurs, mais elle l'est assurément pour le fonctionnement de ses infrastructures, comme le montre le déploiement de ses propres réseaux de câbles ; la couche informationnelle et logicielle, qui comprend les codes et les protocoles : les restrictions d'emploi de certains outils informatiques américains comme Google, Amazon ou LinkedIn sont le corollaire de cette recherche d'indépendance en matière de logiciels ; la couche sémantique, qui comprend les données en circulation : à titre d'exemple, 47 des 50 sites internet les plus fréquentés en France sont d'origine américaine, contre seulement 3 des 50 sites les plus fréquentés en Chine.

La recherche par la Chine d'une souveraineté numérique, trouve un écho dans la stratégie d'autres pays, qui développent toutefois des politiques moins complètes faute de moyens : c'est notamment le cas de la Russie, de l'Iran et de la Corée du Nord. D'autres États réputés plus coopératifs affichent des stratégies curieusement semblables, comme la Géorgie – qui profite des spécificités de sa langue et de son alphabet – ou encore Singapour. La fragmentation lente et continue d'internet transforme progressivement cet espace mondial en un ensemble de plaques interconnectées qui ont tendance à se séparer, comme autrefois la Pangée, le continent unique dont procèdent ceux que nous connaissons.

Un troisième acteur doit également être pris en compte, à savoir les entreprises privées que sont Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft – les GAFAM. ¨Au cours de leur développement, marqué notamment par la constitution de réseaux autonomes de câbles sous-marins, les acteurs privés perturbent la lecture classique de la géopolitique centrée sur les États et accentuent la fragmentation du cyberespace en général et de l'internet en particulier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.