Intervention de Patrick Soulé

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 14h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Patrick Soulé, adjoint au directeur général de la prévention des risques au ministère de la transition écologique :

Les domaines d'activité de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) sont les risques naturels, technologiques, miniers, et ceux pesant sur la santé d'origine environnementale. Notre objectif est de maîtriser les risques technologiques et de réduire les pathologies ayant pour cause l'environnement, par exemple liées aux pesticides. Notre action vise également la transition vers une économie circulaire. Nous portons dans ce sens les mesures d'anti-gaspillage, de réduction des emballages et de l'utilisation du plastique.

Dans le projet de loi de finances pour 2022 est inscrit, pour la première fois, un budget supérieur à un milliard d'euros, en particulier grâce à la budgétisation du fonds Barnier, qui était auparavant un fonds sans personnalité juridique géré par la Caisse centrale de réassurance. La LFI 2021 a rebudgétisé ce fonds, tout en augmentant ses moyens de 50 %, puis de 30 millions supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2022. Cette augmentation de plus de 70 % en deux ans démontre l'importance que le Gouvernement attache à la prévention des risques.

La DGPR porte également le budget de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ainsi que ceux d'un certain nombre d'opérateurs, comme l'Agence de la transition écologique (ADEME), moins présente sur la gestion des risques mais qui relaie un certain nombre de politiques du ministère de la transition écologique. Le budget porte aussi celui de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), notre bras armé pour l'analyse des risques de provenance industrielle en amont ainsi que pour la gestion de crise.

Chacun a en tête les tristes anniversaires des explosions d'AZF il y a vingt ans et de Normandie Logistique à Lubrizol il y a deux ans, et, à l'étranger, les explosions du stockage d'ammonitrates à Beyrouth en août 2020 ou de Chempark en Allemagne en juillet 2021. Ces événements et ceux qui les ont précédés ont permis de construire, au fil du temps, la politique et la réglementation dans le domaine de la prévention des risques.

La DGPR s'appuie sur environ 1 600 ingénieurs d'industrie et des mines chargés du contrôle des installations classées pour l'environnement. Ils disposent des moyens de contrôler le respect de la réglementation, de mettre en demeure les industriels qui ne la respecteraient pas ou d'imposer des travaux ou la fermeture des sites dangereux.

Le réchauffement climatique conduit à une augmentation du nombre d'événements et de leur intensité. Nous sommes en pleine période de risque cévenol : alors que la Méditerranée est très chaude, des phénomènes climatiques bloquent les nuages et peuvent provoquer des orages brutaux. Les inondations les plus meurtrières ont eu lieu à Nîmes en 1988, mais le Gard en a connu de nouvelles il y a une dizaine de jours, heureusement sans conduire à un seul décès. Ces événements sont très brutaux, car plusieurs centaines de millimètres d'eau tombent en quelques heures et saturent rapidement les réseaux et les rivières. En 2020, la tempête Alex a conduit à de très grands débordements dans les vallées de la Roya et de la Vésubie dans les Alpes-Maritimes. Si nous ne pouvons empêcher ces événements, nous pouvons cependant un peu mieux les prévoir grâce à d'importants efforts d'investissement, notamment auprès de Météo France et des services de la DGPR : le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI) annonce, sur le site Vigicrues, ses prévisions en matière d'évolution de l'hydrographie des rivières et des risques sur la santé humaine. Ces services permettent de mieux prévenir les populations et de leur donner, ainsi qu'aux services de gestion de crise, une meilleure capacité d'anticipation.

La gestion de la crise ne relève en revanche pas de notre mission, mais de celle de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Nous travaillons, en amont, pour essayer de tirer des enseignements de ces événements à répétition et de réduire les conséquences des aléas, à travers le fonds Barnier et les crédits du programme 181.

Ce travail ne serait pas possible sans une action interministérielle. Nous travaillons avec le ministère de l'intérieur et la direction de l'urbanisme et de l'habitat, qui œuvrent pour la prise de conscience de l'anticipation des risques par les architectes et pour sa prise en compte par le droit de la construction. À la fin du XXe siècle, nous avons trop construit dans le lit des rivières, artificialisé les sols, et imaginé que les digues et la technologie suffiraient à réduire l'impact des événements météorologiques. Ce ne sera pas possible et la lutte contre le réchauffement climatique sera longue. Il faut donc se préparer à des événements dont l'intensité et le nombre croissent et qui auront des conséquences sur la sécurité des populations.

Notre deuxième axe d'activité porte sur des territoires ponctuels particulièrement exposés. Nous essayons, par exemple, avec nos collègues de l'urbanisme, d'anticiper le recul du trait de côte. Ce dernier est inéluctable sur les façades atlantique et méditerranéenne. À travers les travaux du GIEC, nos simulations prévoient une augmentation moyenne du niveau de la mer de 60 cm à l'échéance de la fin de ce siècle, associée à des tempêtes, des marées importantes et d'autres événements brutaux. Nous essayons de convaincre les acteurs, et en particulier les élus, de ne pas construire en zone à risque. 9 millions de nos concitoyens sont concernés par ce risque. À travers la loi Climat résilience, l'État français est le premier à s'être doté d'un corpus réglementaire et législatif qui permet de concevoir la ville de demain en retrait par rapport à la zone de risque qui sera régulièrement inondée dans les trente prochaines années. Nous devons trouver des moyens durables de financement de cette politique, et vous aurez peut-être un rôle à jouer dans le cadre de ce projet de loi de finances.

Les DOM, et en particulier les Antilles et la Guyane, constituent la deuxième zone très exposée aux risques naturels. Le président Chirac a lancé, il y a dix-huit ans, le plan Séisme Antilles pour anticiper un séisme majeur, car si les événements qui se sont produits au XIXe siècle survenaient aujourd'hui, ils causeraient des dizaines de milliers de morts et des milliards d'euros de destructions matérielles. Le risque sismique et volcanique n'est pas lié au réchauffement climatique, mais il faut s'y préparer.

Ce risque s'accompagne du réchauffement climatique et de l'augmentation en nombre et en intensité des cyclones. Irma en a été un exemple. Alors que les cyclones de niveau 5 étaient très rares il y a quelque temps, ils vont peut-être devenir la norme. Il faut se préparer à la répétition et à la combinaison de ces événements, en construisant mieux et en renforçant les bâtiments de gestion de crise, que la disparition de la préfecture de Saint-Martin pendant Irma avait rendue encore plus difficile. Nous nous réjouissons de disposer de plus de moyens pour ce travail et de constater une certaine prise de conscience dans la population.

Enfin, il faut transformer la culture du risque en culture de la résilience. En Dordogne, par exemple, nous savons que les rivières montent régulièrement. Les plus anciens transmettent leur connaissance de ces événements marquants aux plus jeunes, mais cet enseignement se perd. La ministre de la transition écologique est convaincue de la nécessité d'une culture de la résilience. Dans les enquêtes d'opinion, nous constatons par exemple que la population de Rouen est consciente de la présence d'usines Seveso à proximité. Cette anticipation est un axe fondamental pour réduire les enjeux et les conséquences de l'avènement d'un aléa sur les vies humaines et sur la destruction de biens matériels. Pour cela, il est important de disposer de bases juridiques et réglementaires.

L'article 249 de la loi Climat et résilience permet que les gestionnaires de réseaux d'importance vitale se préparent à ces événements et que la gestion des réseaux d'eaux usées, d'électricité ou de téléphone reviennent rapidement à la normale. La mairie de Paris a récemment relancé une étude sur les conséquences d'une crue majeure de la Seine. La dernière crue, en juin 2016, a vu le niveau monter à 5,80 mètres, contre 9,62 mètres lors de la crue de 1910. En 2016, les conséquences ont été de grande ampleur et ont menacé les réseaux de métro et de chauffage urbain. Pour se préparer à une crue comme celle de 1910, des travaux ont été réalisés en amont de Paris en vue d'en réduire les effets. Chacun doit se tenir prêt : l'État, mais aussi les citoyens, les collectivités locales et les relais de l'opinion que sont les élus ou les journalistes.

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