Intervention de Patrick Soulé

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 14h30
Mission d'information sur la résilience nationale

Patrick Soulé, adjoint au directeur général de la prévention des risques au ministère de la transition écologique :

La résilience et le retour à la normale le plus rapide possible sont des expressions à la mode, et la résilience est d'autant plus difficile à mettre en place que la mémoire collective se perd. Jusqu'à la moitié du XXe siècle, les populations étaient moins mobiles et savaient traduire l'histoire de leur territoire en conscience du risque de retour de l'événement, grâce à des repères de crues par exemple. Dans notre ère très connectée, comment obtenir des prescripteurs d'opinion au sens large, élus, journalistes ou influenceurs sur internet, qu'ils expliquent de manière attrayante les gestes qui peuvent sauver ? Nous essayons d'inculquer des réflexes en dehors des périodes de risque avec des campagnes de communication. Nous avons, par exemple, obtenu des concessionnaires autoroutiers qu'ils affichent nos campagnes de communication pour éviter que les usagers ne jettent leurs mégots par la fenêtre : 80 % des feux de forêt sont en effet d'origine humaine. Lors d'événements climatiques violents, comme en cas de risque cévenol, il faut par exemple apprendre aux populations à ne pas descendre au sous-sol. Sans habitude, on ne connaît pas ces gestes, qui doivent être diffusés par des relais d'opinion crédibles, car les fonctionnaires et les préfets sont peu audibles dans l'opinion aujourd'hui. C'est l'enjeu de la mission que la ministre a confiée à M. Frédéric Courant et dont le rapport a été publié cet été. Cette anticipation est nécessaire, car quand l'événement arrive, il est trop tard.

En deuxième lieu, il faut garder des plans de gestion de crise. Le préfet est alors à la manœuvre et l'administration au sens large lui apporte dans le plan d'opération interne (POI) la meilleure prévision possible sur la nécessité de passer à l'étape suivante pour anticiper le risque. Il y a cependant des freins. À Trèbes, dans l'Aude, l'EHPAD se situait en zone inondable, ce qui nous rappelle la vigilance particulière qu'il faut avoir envers certaines populations, situées par exemple dans un désert informatique. Nous nous interrogeons, dans ce cas, sur la remise en place de sirènes, ou des alertes à travers les téléphones mobiles, que nous souhaitons mettre en œuvre, mais qui requièrent tout un savoir-faire. Nous devons pour cela apprendre des pays où ces systèmes fonctionnent très bien, comme le Japon ou le Chili. Malheureusement, il faut encore que ce type d'événement survienne pour qu'on en prenne conscience. Cette formation et cette culture de la résilience nous permettent toutefois déjà de mieux maîtriser les conséquences sur la vie humaine que dans le passé. À Trèbes, malgré sa très grande ampleur, l'événement a généré beaucoup moins de pertes de vies humaines qu'il ne l'aurait fait plusieurs années auparavant. De bons réflexes ont été pris, l'habitat a été amélioré, et les zones d'expansion des rivières ont été mieux respectées.

En tant qu'ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, j'ai participé à la croyance selon laquelle les digues et le béton suffiraient à régler bien des sujets. Nous nous appuyons aujourd'hui davantage sur des solutions multiples, reposant sur la nature. Nous savons que les digues ne sont pas infaillibles, et que construire des maisons derrière celles-ci peut avoir des conséquences sur les vies humaines en cas de submersion marine plus importante. En particulier dans les territoires très attractifs et des grandes villes comme Dunkerque ou Le Havre, ce travail de conviction des élus est difficile, ingrat, mais nécessaire.

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