La prise de conscience de ce sujet est en elle-même une avancée. Il faut rassurer tout le monde sur le fait que l'on ne mélange pas les objectifs. Si les Chinois veulent assurer leur autonomie, c'est certainement avant tout pour maîtriser les flux informationnels. Au contraire, les démocraties peuvent travailler sur le sujet de l'autonomie pour la résilience en garantissant qu'il n'existe, bien entendu, aucune volonté de maîtriser le contenu en tant que tel et de porter atteinte à la neutralité du net. Par ailleurs, l'objectif final n'est pas de se vanter de posséder un internet autonome, mais bien d'avancer en termes de DNS, de pouvoir détecter les flux sans intervenir dessus et éventuellement de disposer d'une capacité de blocage ciblé. Il s'agit simplement d'adapter nos dispositifs au niveau de la menace. Se l'interdire serait irresponsable.
L'ANSSI a grandement contribué à faire avancer la réflexion sur le cloud de confiance. On voit bien que les démarches nationales, qui étaient binaires, qui voulaient absolument impulser un acteur français, ont été rattrapées par la réalité. Modération et humilité sont donc deux valeurs indispensables dans ce domaine pour viser l'efficacité. Néanmoins, il est assez inquiétant de constater qu'Airbus, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ou encore Thalès, d'une certaine manière, se résignent à une telle approche. Cette résignation ne me semble acceptable et soutenable que si l'on ne franchit pas le point de non-retour. Certes, on va se prémunir du droit américain, mais par ailleurs on va contribuer à accroître l'adoption de technologies qui ne seront jamais souveraines. Je me désole de l'absence de fixation de clauses de retour technologique. Lorsqu'on vend des sous-marins ou des Rafale, il est toujours question de transfert de technologies. N'existe-t-il pas un risque d'irréversibilité dans une telle approche ?