Intervention de le médecin général Emmanuel Angot

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 17h15
Mission d'information sur la résilience nationale

le médecin général Emmanuel Angot, adjoint au directeur central du service de santé des armées, chef de la division « opérations » :

Je me concentrerai sur la fonction intervention.

Vous nous interrogez sur la haute intensité. Celle-ci n'est pas encore clairement définie, mais disons qu'au niveau tactique, cela peut être Barkhane demain, et qu'au niveau stratégique, elle correspond à l'hypothèse d'engagement majeur (HEM) définie dans le contrat opérationnel, à savoir une major joint operation impliquant 25 000 à 30 000 hommes en instantané au niveau français.

Il faut bien comprendre qu'il y a deux situations complètement différentes.

La situation opérationnelle de référence, qui est le premier scénario d'intervention du contrat opérationnel, est celle que nous connaissons aujourd'hui sur les théâtres d'opérations, à savoir trois théâtres dont un théâtre majeur, avec une composante maritime. Puisqu'il s'agit de la situation opérationnelle de référence, le service doit être capable de tenir cette couverture du risque pendant une carrière, soit globalement une vingtaine d'années.

Quant à l'HEM, elle repose sur un effort circonscrit dans le temps, puisqu'elle est définie selon un scénario de montée en puissance de six mois environ suivie d'une gestion de crise de six mois également.

À partir de ces deux scénarios, nous établissons des modèles qui permettent de définir le modèle de service. Il s'agit de couvrir aussi bien la gestion de crise dans la durée – la situation opérationnelle de référence – que l'HEM. Paradoxalement, la situation opérationnelle de référence consomme plus dans le modèle, puisqu'elle doit être soutenable dans la durée. Ainsi, pour le service, une année de projection représente 1 800 à 2 000 personnes projetées en opération. Dans l'HEM, le chiffre est bien supérieur, mais il ne se maintient pas à ce niveau tous les ans pendant vingt ans.

Il n'est nul besoin, je pense, de décrire ce que nous soutenons aujourd'hui ; vous connaissez les opérations en cours. Nous sommes soumis à un impératif de performance très élevée, voire de surperformance. Les intérêts vitaux nationaux n'étant pas directement menacés, ce qui est attendu est une prise en charge optimale de chaque soldat malade ou blessé, avec la recherche asymptotique d'une survie à 100 %. C'est évidemment inaccessible, mais nos chiffres tangentent les 96 %.

Dans une HEM, avec des pertes beaucoup plus élevées et avec la perte de la suprématie aérienne, ce taux serait forcément très différent. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faudrait renoncer, car renoncer serait prendre le risque d'afficher une vulnérabilité accrue, voire le consentement à des pertes – ce qui entamerait directement la combativité des forces armées.

Les deux hypothèses se rejoignent dans la mesure où les progrès de l'hyper-performance actuelle fondent les standards de demain et les innovations qui permettront de compenser des difficultés tactiques ou opératiques que nous pourrions rencontrer. Je prends deux exemples très concrets. Les modes opératoires de chirurgie en vol que nous expérimentons aujourd'hui au Sahel fonderont peut-être demain, en haute intensité, des options de prise en charge précoce, non plus seulement sur des vecteurs aériens mais aussi sur des vecteurs routiers. De même, lorsque l'on réanime un blessé de Barkhane pendant son rapatriement en avion de transport tactique ou stratégique, Falcon ou MRTT – avion ravitailleur multirôle –, on poursuit les soins. C'est le prolonged field care : on cherche une amélioration continue de l'état clinique du blessé, un gain de temps à chaque étape. C'est une approche essentielle, qui s'oppose à une vision « en marches d'escalier ».

Voilà comment se caractérisent les deux scénarios d'intervention du contrat opérationnel, en quoi ils diffèrent et en quoi ils se rejoignent, et en quoi le modèle de service de l'ambition SSA 2030 est cohérent pour y répondre.

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