Intervention de le médecin général des armées Philippe Rouanet de Berchoux

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 17h15
Mission d'information sur la résilience nationale

le médecin général des armées Philippe Rouanet de Berchoux, directeur central du service de santé des armées :

Je crains effectivement que cela ne devienne un droit de tirage, et le pire avec un tel contrat opérationnel – même si je suis mal placé pour le dire – serait de maintenir des personnels inemployés dans l'attente du jour où la santé publique en aurait besoin. Mieux vaut les employer dans leur mission de tous les jours, et les mobiliser en cas de besoin. La richesse du SSA tient précisément au fait que ce que nous faisons tous les jours, nous le mettons au service des autres. En définitive, le droit de tirage n'aurait d'autre effet que de brouiller l'identité du service, de sanctuariser des moyens qui pourraient ne pas être employés.

Rappelons qu'il y a deux organisations différentes : le ministère de la santé s'appuie sur des moyens publics et privés, régionalisés, et des plans spécifiques, plans blancs et autres, auxquels d'ailleurs nous participons ; l'organisation du SSA est, quant à elle, plutôt verticale et centralisée. C'est cette organisation et la présence de huit HIA sur l'ensemble du territoire qui me permettent de garantir la résilience. Lorsqu'une vague de covid est arrivée dans l'Est, à Mulhouse, j'étais plutôt heureux que le SSA dispose d'un HIA à Brest ! Grâce à nos hôpitaux, nous pouvons couvrir l'ensemble du territoire ; tous nos œufs ne sont pas dans le même panier. L'organisation du service autorise une flexibilité et lui permet de répondre aux sollicitations du Président de la République et du chef d'état-major des armées. C'est aussi pour cette raison que j'estime qu'un contrat « résilience » sèmerait plus le doute qu'autre chose.

En revanche, nous pouvons tout à fait préparer les personnels civils, c'est même le principe. Pour tenir compte de l'un des retours d'expérience de l'attentat du Bataclan, nous préparons des chirurgiens et des réanimateurs civils dans nos centres de préparation et de simulation.

Nous ne sommes pas en concurrence avec le secteur civil. Chacun a sa place. Le ministère de la santé est seul garant de la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Cela étant, le SSA peut intervenir quand la situation l'impose, au début ou à la fin. Il est souvent question de nous solliciter à la fin, comme l' ultima ratio, mais nous pouvons aussi intervenir au début, s'il y a besoin de nous dans l'ingénierie. L'important est que nous le fassions de manière temporaire et utile.

Un recours permanent nécessiterait de constituer des unités spécifiques. À ce stade, les forces armées ne s'inscrivent pas dans cette logique, mais plutôt dans une logique de participation à la demande. Si la logique changeait, le SSA devrait évidemment s'interroger.

J'ai parlé, dans une interview, de « haute intensité sanitaire », car on peut considérer que la lutte contre le covid présente toutes les caractéristiques d'un combat de haute intensité, pour reprendre la distinction établie tout à l'heure par le médecin général Angot. C'est un engagement qui dure, avec un seuil très élevé et une usure du personnel que l'on sous-estime. Le personnel soignant du SSA rencontre exactement les mêmes problèmes que le personnel soignant civil : le problème de durée, le problème des conjoints, des gardes d'enfants et des crèches, etc. Tout ce que l'on peut lire à propos du système de santé français est applicable à notre service.

Au sein du SSA, le moral reste très bon, et nous faisons tout pour qu'il en soit ainsi. Les gens ont le sens de la mission, lié à leur identité militaire ; cela fait partie du métier. Mais il faut veiller à ne pas dévoyer la mission. Un contrat opérationnel spécifique rendrait sans doute la mission beaucoup plus floue. C'est tout au moins ce que je pense.

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