Intervention de Christian Sommade

Réunion du mercredi 3 novembre 2021 à 17h15
Mission d'information sur la résilience nationale

Christian Sommade, délégué général de Résilience France :

Le terme de « résilience » est aujourd'hui galvaudé. En effet, il est régulièrement utilisé sans que nous ne sachions le paramétrer en fonction des sujets traités. J'ai intégré des définitions du concept de la résilience individuelle versus celui de la résilience collective. Concernant les formes de la résilience, il est ici question de résilience organisationnelle, c'est-à-dire de la capacité à absorber un choc, avec des techniques que sont l'analyse du risque, la planification, la prévention, la préparation, la veille, l'alerte, la gestion de crise, la continuité de l'activité, la post-crise, le retour d'expérience. La résilience structurelle est davantage liée, quant à elle, aux changements et aux adaptations de notre société. Elle concerne, par exemple, le changement climatique. Dans de tels cas, il est question d'anticipation, de prospective des scénarios, d'effets cascade, ou encore de crises systémiques. La résilience structurelle a également trait à la réduction des vulnérabilités et à l'adaptation dynamique aux changements environnementaux et sociétaux. Lorsque nous établissons un plan, nous le pensons avec les moyens du jour, pourtant il ne sera pas mis en application immédiatement mais dans cinq ou dix ans. Cela exige un concept de révision dynamique de la planification qui existe peu aujourd'hui et qui fait défaut. La prise en compte de ces deux éléments liés à la résilience en permet la planification.

Il existe différentes sortes de résiliences : technique, des matériaux, écologique, psychique, ou encore psychologique, chère au professeur Boris Cyrulnik. Il importe, en matière de résilience, de parler de valeurs intrinsèques nécessaires à l'approche de ces questions et des valeurs positives et objectives. Au travers des politiques de résilience, nous recherchons la réduction de l'impact humain occasionné par des désastres et la réduction du coût des catastrophes – ce sont les objectifs des Nations unies, autour de la Disaster Risk Reduction Policy. En effet, les crises engendrent du stress et posent des problèmes de différentes natures. Nous entendons également insuffler une dynamique de progrès face à la complexité et au risque. À mon sens, il s'agit de disposer d'une assurance sociétale face au risque. Nous ne pouvons pas tout gérer, la technologie progresse rapidement, tandis que la population développe une peur du lendemain. Les politiques de résilience peuvent constituer des balances ou des contre-aspects à ces risques. Les rapports bénéfice-coût sont importants. Ainsi, les Nations unies suggèrent un rapport d'un à six en matière de prévention des risques, mais il n'existe pas d'étude macro-économique sur des politiques de résilience globale. Il serait possible d'atteindre des résultats encore bien supérieurs, de l'ordre de dix ou vingt. Des recherches dans ce domaine seraient toutefois un préalable.

La situation de la France en matière de gestion des grands risques intéresse votre mission d'information. J'ai repris une présentation que j'avais faite pour l'inspection générale de l'administration, à sa demande en janvier 2019. Elle évoque les dix scénarios « méga catastrophiques » ou « méga chocs », soit des situations dont le coût économique est de l'ordre de 50 à 100 milliards d'euros minimum. Il s'agit par exemple de crue centennale de la Seine ou de la pandémie de covid-19. Nous essayons de dégager de ces dix scénarios les points forts de la culture française de gestion du risque, mais aussi les points faibles. Parmi ces points forts, nous pouvons citer l'existence en France d'un cadre juridique puissant ; de grandes ressources publiques civiles et militaires – bien que celles-ci aient tendance à se restreindre – ; d'un système de santé professionnel – même s'il demeure limité quantitativement. Nous bénéficions également d'une forte présence territoriale de l'État – même si, sur certains plans de sécurité civile et de planification, nous constatons des faiblesses au niveau territorial – ; d'une grande proximité du citoyen avec un échelon public ; d'un système de commandement unique ; de grands opérateurs d'infrastructure ; d'un système européen de protection civile ; et d'un bénévolat large et généreux avec 80 000 bénévoles œuvrant dans le domaine du secours et 200 000 bénévoles dans les associations sociales. Ces derniers éléments traduisent une solidarité sociétale forte. Néanmoins, nous avons également des points faibles. Ainsi, notre culture est régalienne et peu sociétale concernant les démarches de gestion de crise. Si nous disposons d'une culture de prévention technique, nous effectuons peu de préparation aux situations d'exception par la planification et les exercices. Nous avons ainsi une culture qui est davantage basée sur la réaction, sur laquelle on dépense beaucoup, et très peu sur l'anticipation, sur laquelle on ne dépense pas. On dépense beaucoup d'argent pour pas grand-chose. Nous avons un système pyramidal très hiérarchisé mais des moyens limités, notamment en cas de gestion de crise dégradée, comme on l'a vu outre-mer. Une culture de l'homme providentiel plus que des équipes, souvent incarnée par le préfet. Il est l'alpha et l'omega de la gestion de crise et ce n'est pas possible. Nous avons des process minimum, nous écrivons peu, nos plans demeurent particulièrement légers en comparaison de ceux d'autres pays, notamment anglo-saxons. Nos exercices confinent à la démonstration. Notre mémoire est faible. Il existe un fort turn-over des personnels qui n'engage pas à la capitalisation. Enfin, les collectivités et les entreprises sont peu incluses dans le dispositif de gestion de crise publique, ce qui engendre une méfiance de la population sur ces sujets.

À partir de ces constats, nous formulons des propositions dont la première est la nécessité de construire des doctrines, des plans, des scénarios extrêmes sur lesquels il est essentiel de concentrer une réflexion. En cas de situation dégradée, une nouvelle approche s'avère primordiale par rapport à la planification traditionnelle. Nous n‘avons rien sur la planification extrême. Le boulot de la résilience est de voir tout en noir.

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