Il est particulièrement utile de présenter aussi largement que possible l'organisation de la garde nationale et d'expliquer l'engagement des réserves opérationnelles. La compréhension globale des différentes dimensions de cet engagement, ainsi que des politiques menées à cet effet, est nécessaire pour appréhender la contribution des réserves et des réservistes à la résilience nationale.
La fin des années 1990 correspond à la suspension du service national et à la professionnalisation des armées. En découla, au début des années 2000, une grande rénovation des réserves. À la réserve de masse, constituée de 3 millions de réservistes – les anciens appelés du contingent âgés de moins de trente-cinq ans – vient se substituer une réserve d'emploi qui renforce en permanence les capacités des forces armées dont elle représente une composante. Celle-ci entretient l'esprit de défense et contribue au lien entre l'armée et la nation. À cette époque apparaissent la réserve citoyenne, composée de bénévoles agréés pour une expertise particulière ou des actions de rayonnement, et la réserve opérationnelle d'emplois de chacune des armées et de la gendarmerie nationale. La réserve opérationnelle appartient au format de l'armée. L'efficacité de son emploi repose sur une connaissance fine des besoins et des compétences, et une planification de l'activité. Elle est utilisée au quotidien sur la base du volontariat ou sous l'effet d'un rappel obligatoire. Il existe une réserve opérationnelle de niveau 1 (RO1) et une réserve opérationnelle de niveau 2 (RO2). La seconde est constituée d'anciens militaires à la retraite qui peuvent être rappelés dans un délai de cinq ans. Les réserves RO1 et RO2 constituent la réserve stratégique des forces armées. Après les attentats terroristes de 2015 et 2016, ces réserves opérationnelles acquièrent une nouvelle visibilité avec l'émergence du concept de garde nationale.
Au-delà des réserves opérationnelles des forces armées, la garde nationale comprend également les réservistes de la police nationale. En effet, face au désir d'engagement de nos concitoyens et à la nécessité de renforcer les forces actives, le recours à la réserve apparaît comme une réponse appropriée. Il a été décidé que les réserves en arme, seules à pouvoir répondre à une menace armée, constitueront la garde nationale.
La garde nationale s'appuie sur deux piliers : les forces de réserve du ministère des armées et celles du ministère de l'intérieur. Elle est constituée de volontaires qui servent sous contrat d'engagement. La garde nationale correspond à l'ensemble des réserves opérationnelles de niveau 1 de l'ensemble de ces composantes. Elle est placée sous l'autorité conjointe du ministère des armées et du ministère de l'intérieur. Elle dispose d'un comité directeur, d'un conseil consultatif et d'un secrétariat général de la garde nationale (SGGN). Elle répond à trois axes fondateurs : le besoin de militaires et de personnels dans les composantes de la garde nationale ; la réponse à l'élan citoyen ; la participation au renforcement de la cohésion nationale et de la résilience nationale.
Le modèle de la garde nationale est pluriel. Elle comprend dix composantes correspondant aux différentes directions et services des armées, de la gendarmerie nationale et de la police nationale, tout en étant un modèle uni fondé sur deux principes.
Tout d'abord, le principe d'intégration du réserviste à sa force d'emploi. Le réserviste constitue un complément régulier de chaque force, conformément à l'article 1er du décret du 13 octobre 2016 relatif à la garde nationale. Il a la qualité de militaire pour toutes les activités de la force dont il relève. Dans le cas de la police nationale, le réserviste a la qualité de collaborateur du service public. Il s'agit majoritairement d'anciens policiers. Pour les autres composantes, le réserviste est un militaire lorsqu'il est appelé et qu'il sert. Il reçoit une formation adaptée, effectue les mêmes missions que ses camarades professionnels à l'exception du maintien de l'ordre dans la gendarmerie nationale. Chaque force armée ou de sécurité intérieure définit les modalités d'engagement de ses réservistes. Ils sont soit en unité constituée, soit en complément individuel lorsqu'ils viennent s'intégrer dans des unités d'actifs.
Au principe d'intégration indispensable à l'efficacité opérationnelle afin d'être au plus proche du domaine d'emploi des armées, de la gendarmerie nationale et de la police nationale, s'ajoute le principe de subsidiarité des compétences. Dans ce cadre, le SGGN travaille avec le comité directeur (CODIR) sur les aspects communs et l'état des réservistes. Le statut de réserviste demeure particulier. Il s'agit d'une double citoyenneté : un citoyen engagé qui a une vie sociale et professionnelle en dehors des forces armées. Le SGGN réfléchit aux aspects liés au statut du réserviste. Ils sont au nombre de trois : la conciliation avec l'activité professionnelle, qui correspond au volet partenarial ; la reconnaissance, la valorisation et les aspects statutaires, c'est-à-dire le volet attractivité ; la connaissance de la spécificité de l'engagement citoyen volontaire opérationnel, pour le volet notoriété. Les forces armées et de sécurité intérieure restent les seules entités organiques auxquelles sont rattachés chacun des réservistes. Elles conservent leur responsabilité depuis le recrutement, la formation, la gestion, la préparation opérationnelle, l'emploi opérationnel jusqu'à l'engagement.
La garde nationale porte, dans son concept, cette forme spécifique d'engagement volontaire citoyen au plus près des opérationnels pour une efficacité d'action et une appréhension des questions générales au niveau du secrétariat général. Il y existe une diversité de personnels, mais également une homogénéité au regard de la double citoyenneté et des statuts.
La politique partenariale comporte deux volets. D'une part, elle œuvre pour une politique conventionnelle en démarchant auprès des employeurs civils pour établir des conventions qui offrent des conditions d'emploi plus favorables aux citoyens réservistes. D'autre part, elle pratique une politique d'incitation, constituée de différentes mesures pour compenser les absences des collaborateurs réservistes et faciliter leur engagement. Il s'agit de réductions d'impôt sur les sociétés, de réductions de la participation financière à la formation professionnelle ou encore de la valorisation au titre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Ces questions de fond sont traitées par le secrétariat général de la garde nationale.
Cette politique partenariale concourt aussi à la diffusion de l'esprit de défense et au renforcement du lien entre l'armée et la nation. En impliquant les employeurs, nous incluons davantage l'environnement autour du réserviste citoyen civil.
L'attractivité comprend également deux volets. D'abord un accompagnement financier auprès des étudiants et des ab initio, c'est-à-dire des citoyens qui n'ont jamais connu le métier des armées et qui s'engagent dans la réserve. Ensuite, une reconnaissance, notamment en termes de médailles, ce qui représente un axe fort de l'effort. Les réservistes ont besoin de reconnaissance. L'attractivité relève également de la valorisation des compétences pour l'étudiant dans son cursus universitaire ou scolaire. Nous travaillons à l'élaboration d'un passeport de compétences pour valoriser ces nouveaux savoirs – savoir-être et savoir-faire – auprès de l'employeur civil, notamment quand le réserviste est en recherche d'emploi. Enfin, nous nous concentrons sur le développement de la notoriété afin de faire connaître et reconnaître la garde nationale qui a tout juste cinq ans. Or le concept est parfois compliqué à comprendre, d'autant plus qu'il peut rappeler d'autres types de gardes nationales. Il s'agit également d'informer nos partenaires, les employeurs civils qui s'engagent auprès des réservistes, pour faciliter les conditions d'engagement et d'emploi de ces derniers. Nous souhaitons que les réservistes bénéficient d'un environnement socio-professionnel plus favorable. Ainsi, le réserviste étant mieux connu, il sera davantage reconnu et accepté.
La réserve est une composante intégrée de chacune des forces armées. L'objectif initial fixé lors de la création de la garde nationale tendait à réunir 85 000 réservistes répartis comme suit : 40 000 pour le ministère des armées, 40 000 pour la gendarmerie et 5 000 pour la police nationale. Sur ce contingent, nous souhaitions disposer de 9 250 réservistes employés quotidiennement, quel que soit le rythme des opérations : 4 000 pour le ministère des armées, 4 000 pour la gendarmerie nationale et 1 250 pour la police nationale. Un chiffre objectif de trente-six jours d'emploi par réserviste et par an a également été fixé. Pour le ministère des armées, les objectifs de 2016 ont été atteints depuis 2019. Du côté du ministère de l'intérieur, l'objectif n'est pas encore atteint concernant la gendarmerie nationale mais dépassé s'agissant de la police nationale.
Le budget est un facteur clé de succès. La loi de programmation militaire 2019-2025 a sanctuarisé le budget pour atteindre ces objectifs. Un budget est nécessaire à l'employabilité du réserviste au même titre qu'un emploi opérationnel dans les forces armées et une disponibilité acquise au travers des conventions partenariales. Le modèle de la garde nationale fonctionne. Elle peut atteindre ces objectifs.
Le dispositif de la loi de programmation militaire sur plusieurs années n'existe pas aujourd'hui au ministère de l'intérieur et la non-atteinte des objectifs de la gendarmerie nationale découle du fait que le budget nécessaire à la réalisation des objectifs n'a pas été mis en place. Il faut ajouter que, avec le budget consenti, la gendarmerie nationale essaye tout de même d'utiliser un nombre de réservistes qu'elle a décidé minimal avec une durée d'emploi annuelle importante. J'entends par là que le budget n'est pas simplement une masse, il faut également déterminer si l'on veut beaucoup de réservistes très peu employés ou un peu moins de réservistes un peu plus employés. La disponibilité est une variable mais la satisfaction d'être employé comme réserviste est également une variable et constitue un critère de fidélisation.
Quand on parle de réserves, on dit qu'il y a des « déserts militaires ». Au niveau de la présence des forces armées, c'est exact. En revanche, il y a des réservistes dans tous les départements français et pas simplement des réservistes de la gendarmerie ou de la police nationale. Aujourd'hui, nous comptons 77 000 réservistes pour 67 millions de Français, soit plus de 1 pour 1 000. Il y a effectivement des départements où nous sommes en dessous de cette moyenne et d'autres où nous sommes au-dessus, mais ce n'est pas nécessairement lié au fait que des unités militaires sont présentes, même s'il y a un fort lien.
La réserve opérationnelle de niveau 1 qui constitue la garde nationale est indispensable au fonctionnement des forces armées. Les chefs d'état-major et les directeurs généraux s'accordent sur ce fait. Désormais, les armées, la gendarmerie nationale ou la police nationale ne peuvent plus réaliser leur mission sans leurs réservistes. À ce jour, nous dénombrons plus de 6 000 réservistes employés quotidiennement.
La réserve, de par sa souplesse d'emploi, est une réponse efficace aux besoins de fonctionnement des forces armées et des forces de sécurité intérieure. En effet, la particularité des réserves repose sur le pilotage d'activité. Nous rémunérons le réserviste à la journée d'activité. Cette souplesse caractérise également l'emploi complémentaire. Ainsi, la fréquence de l'engagement du réserviste n'incite pas à un équivalent temps plein. Dans de nombreuses fonctions, les armées, la police et la gendarmerie ont besoin de renforts ponctuels et les réservistes ne sont pas employés de manière permanente sur des postes. La réserve représente donc une force de régénération pour les armées, la gendarmerie et la police, ainsi qu'un renfort en périodes creuses – retours de mission, week-ends, congés, etc.
Les réservistes constituent également une ressource mobilisable en cas de crise. La doctrine de rappel des réservistes est la suivante : en temps normal, le réserviste n'est convoqué que s'il est volontaire. Pour qu'il y ait une activité professionnelle, il faut donc une disponibilité de ce volontaire mais également un besoin opérationnel. En fonction des niveaux d'alerte, de la nature, de l'intensité et de la durée présumée de la crise, ce volontariat peut atteindre un niveau dit intermédiaire pour lequel des clauses de réactivité sont instaurées, c'est-à-dire que l'on va demander au réserviste de venir plus vite que ce que prévoit la loi en temps normal. Au-delà de ce seuil, il s'agira du volontariat dit renforcé avec des mesures de rappel aux employeurs et une obligation de disponibilité. Dans le cadre d'un volontariat renforcé, il s'agira, dans un premier temps, d'une réserve de sécurité nationale, puis de mise en garde et enfin de mobilisation. En revanche, l'emploi de ces réservistes, quel que soit le stade ou le niveau d'alerte, restera identique. Leurs tâches seront celles des forces armées et de la sécurité soit dans un cadre interministériel ou de concours selon la règle des « quatre i », soit de sollicitation des réserves pour la réserve de sécurité nationale, soit d'engagement des armées dans le cadre de la défense militaire du territoire.
Il existe deux facteurs clés de succès : connaître sa ressource humaine et être en mesure d'assurer le soutien face à un rappel massif – contrôler, accueillir, équiper, voire former.
Concernant la RO2, les forces armées éprouvent des difficultés à rappeler des personnes ayant quitté l'institution depuis plus de cinq ans. Elle se focalise donc davantage sur le créneau des deux ans, car le vivier est encore présent, et les coordonnées ainsi que la visite médicale périodique (VMP) sont encore à jour.
Aujourd'hui, la réserve constitue une composante pleine et entière de la garde nationale. Nous encadrons la montée en puissance de la gendarmerie nationale et de la police nationale. Je vous ai dit qu'en 2016, l'objectif de la gendarmerie nationale était d'atteindre 40 000 réservistes, il sera question de 50 000 réservistes à l'horizon 2027. L'évolution est plus forte encore pour la police nationale, qui a pour projet de changer son modèle de réserve. À ce jour, il s'agit essentiellement d'anciens policiers. Prochainement, il sera question d'un modèle global à l'instar de celui des armées ou de la gendarmerie. Ainsi, des citoyens qui n'ont jamais exercé ce métier pourront entrer dans la police. L'objectif affiché est de 30 000 réservistes à l'horizon 2030. Avec l'actualisation stratégique 2021 du ministère des armées et la vision stratégique présentée par le chef d'état-major des armées (CEMA), il est question de réserves renforcées, massives, plus autonomes et mieux territorialisées. Elles seront aptes à couvrir le contrat opérationnel du territoire national et à s'engager au-delà de la fonction de protection. Ces scénarios sont en cours d'élaboration. En outre, il sera nécessaire de s'armer pour pouvoir répondre à un scénario d'engagement en cas de conflit de haute intensité.
Le réserviste constitue un élément de l'efficacité opérationnelle et de l'emploi des forces. Par sa double citoyenneté, il est également porteur de son engagement dans le monde civil et représente un facteur de résilience. Les forces armées de sécurité forment un pilier de résilience. Le réserviste, en étant intégré, appartient à la résilience et fournit de la résilience aux forces armées. Il est aussi porteur de son engagement. Il est un vecteur de l'action des forces armées et de compréhension de cette action ainsi qu'un vecteur d'adhésion et d'acculturation aux risques auxquels la population nationale est confrontée. Au-delà de ces éléments, il a acquis des mécanismes, une formation, de l'expérience. Il a été préparé à agir, il a agi en période de crise et pourra retranscrire ses savoir-faire et savoir-être. Ces éléments ne se mesurent pas de manière quantitative. En revanche, lorsque ce citoyen-réserviste est dans son milieu civil, il peut également diffuser ces éléments. Il ne s'agit pas d'une action immédiate, mais d'un processus à long terme de forte soutenabilité. Le citoyen-réserviste s'appuie sur son sens de l'engagement qui devient moteur. En cas de choc, il passera outre le stade de la sidération et pourra mobiliser au sein de son environnement civil, quelle que soit la nature de la crise. Il a donc valeur d'exemple. En ce sens, nous travaillons à la conciliation de la vie militaire et de la vie civile afin de permettre cette double citoyenneté et ce rayonnement. Soutenir ce maillon fort du lien entre l'armée et la nation, et bientôt du lien entre la police nationale et la population, participe à la compréhension de nos concitoyens face à l'intervention des forces armées ou à l'emploi de la force. Il s'agit d'un prérequis à la cohésion nationale et à la résilience. Si les effets ne sont pas immédiats, il existe un bénéfice et un réel investissement.
Cette double citoyenneté a deux enjeux : la conciliation – la politique partenariale notamment – et le rayonnement – aider ce citoyen engagé à devenir une valeur d'exemple, susciter des vocations autour de lui. Nous travaillons actuellement sur ce second enjeu : le réserviste doit être volontaire pour parler de son engagement.
Concernant les retours d'expérience (RETEX) des différentes crises, notamment celle du covid, nous constatons qu'après chaque choc subi, la population souhaite apporter son concours dans tous les domaines. Il existe également une action volontaire et spontanée de certains employeurs qui s'engagent à soutenir leurs réservistes au travers de conventions. Pendant le premier confinement, nos réservistes non appelés ont prêté assistance notamment à l'Assistance publique–Hôpitaux de Paris (APHP). Nous constatons que beaucoup de réservistes ont de multiples engagements. Nombre d'entre eux appartiennent par ailleurs à la protection civile ou sont aussi pompiers volontaires. Pendant la crise sanitaire, un certain nombre de nos réservistes ont prêté assistance aux créneaux sanitaires en besoin de soutien. Autour de l'engagement, il existe des viviers disposant de vases communicants qui peuvent être mis en relation pour s'entre-aider.
Face à un choc, la communication à destination du réserviste doit être précise, car il est prêt à s'engager et doit pouvoir s'organiser. Les outils de rappel doivent être connus de tous afin d'éviter une réaction anxiogène. Pour disposer de nombreux réservistes face à un choc important, nous aurions besoin d'une demande massive de la part des employeurs institutionnels. Il faut pouvoir capter et absorber rapidement la ressource et identifier au plus vite la compétence spécifique nécessaire. Une meilleure agilité est essentielle en fonction de la nature de la crise et des transferts d'engagement.
À l'aune de ce RETEX, les objectifs du SGGN sont d'être en mesure de diffuser rapidement et au plus proche, de capter au plus tôt et de communiquer au plus juste. Nos actions sont pragmatiques : il s'agit de pouvoir anticiper un élan et un besoin massif d'engagement. Ainsi, nous entretenons une collaboration étroite avec la plateforme www.jeveuxaider.fr. Nous devons être en mesure de capter cet élan citoyen et d'identifier rapidement les postes en besoin. Au regard des appétences en effectifs, les armées, la gendarmerie nationale et la police nationale recrutent. Il s'agit par ailleurs d'aider les réservistes dans leur rôle d'ambassadeurs en élaborant des éléments de langage commun et en valorisant les moteurs de la garde nationale que nous avons définis avec des réservistes en 2020. En outre, nous travaillons sur les effets de réseaux. Des personnes sont réellement investies dans le soutien et le service envers l'autre. Ce phénomène a valeur d'exemple.
Par ailleurs, nous soutenons l'acceptabilité de nos citoyens au-delà de l'engagement armé que porte la garde nationale.