Le cadre juridique d'engagement des armées repose sur trois points : la réquisition administrative d'un préfet, une demande de concours ou l'utilisation d'un certain nombre de protocoles ; l'article 16 de la Constitution, qui autorise le Président de la République à prendre des mesures exceptionnelles, y compris l'emploi des armées ; enfin, l'état de siège. Je rappelle que, dans le cas d'une menace militarisée, celui-ci permet au Gouvernement de confier à une autorité militaire des opérations militaires de résistance sur un secteur déterminé et de coordonner les actions d'ordre public.
En 2015 et 2016, des réflexions ont eu lieu sur ces questions, en particulier dans le cadre du rapport au Parlement sur les conditions d'emploi des armées lorsqu'elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population, visant à consolider l'assise constitutionnelle de l'opération Sentinelle et à montrer qu'elle n'était en rien une opération de police militaire. La notion d'état de siège, liée aux crises de la fin du XIXe siècle, a été maintenue sans doute par prudence, tant la situation actuelle ne sera peut-être plus du tout la même dans vingt ou trente ans. La défense opérationnelle du territoire permet également de prendre de telles dispositions qui, sur un plan symbolique, sont très fortes mais ne me semblent pas forcément nécessaires pour atteindre les objectifs de défense recherchés.
En effet, face à une menace militarisée sur le territoire national, il n'est pas nécessairement utile et adapté de confier à l'autorité militaire la détermination de mesures d'ordre public. Nous considérons plutôt qu'il conviendrait de maintenir le plus longtemps possible l'ensemble des autorités compétentes, dont les forces de sécurité intérieure. Ce sont elles qui connaissent les enjeux et les techniques de maintien de l'ordre public. Un basculement de cette responsabilité vers l'autorité militaire tel qu'il est prévu dans nos lois soulèverait de nombreuses questions. Nous n'avons aucune pratique en la matière et nous veillons le plus possible à n'en pas avoir, notamment dans le cadre de l'opération Sentinelle : telle n'est pas notre vocation. Pour autant, en cas de chaos absolu et d'agression militarisée sur le territoire national, il ne faudra pas s'interdire d'apporter une réponse militaire. Ce choix relèvera des autorités gouvernementales et du chef des armées.