Intervention de François Ruffin

Réunion du mercredi 27 mai 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin, rapporteur :

Vous témoignez tous de votre reconnaissance. Vous dites que le sujet est important, que vous y êtes attentifs. J'entends que je ne suis pas le meilleur des législateurs possibles, bien que des administratrices remarquables – d'autres invisibles, peut‑être –, m'accompagnent dans ce travail. J'entends que la proposition de loi présente des incohérences, des insuffisances, tout ce que vous voulez. Mais que mettez-vous sur la table, en face ? Pour l'instant, beaucoup de vide. Madame Lecocq, j'aurai un mot pour vous à la fin...

Vous le savez, je n'y vais pas par quatre chemins. Dire qu'il faut passer par des négociations, revoir les conventions collectives, c'est, comme Ponce Pilate, s'en laver les mains. Si vous passez par des négociations, rien ne changera.

Les syndicats en sont très conscients. Jean Hédou, secrétaire général de la Fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services (FEETS FO) l'affirme : « Je suis pour laisser la liberté à la négociation conventionnelle, mais la sous-traitance s'oppose au principe de l'égalité des salariés. La base même de la sous-traitance, c'est l'inégalité. L'égalité doit être préservée. Ce que la loi rend possible avec la sous-traitance, la loi peut le corriger. »

La CGT Ports et docks, la Fédération des services CFDT et la FEETS FO, tous trois signataires de la convention collective, réclament une loi qui fixe un mieux-disant. Le directeur de cabinet de Marlène Schiappa dit aussi qu'une loi est nécessaire. Et les entreprises font la même réponse, lorsqu'on les interroge.

La négociation, je le répète, se fait à 80 % avec des femmes, dominées dans leur entreprise. Surtout, ces personnes négocient au niveau de leur branche. Or, c'est le rapport de forces avec le donneur d'ordre qui importe, ce que les conventions ne corrigent absolument pas.

Entre le fort et le faible, il faut la loi. C'est elle qui protège, quand la liberté opprime. Vous renvoyez aux négociations, en disant qu'il sera temps de légiférer si elles ne changent rien, mais cela fait vingt ans que la situation ne change pas, que les syndicalistes se réunissent autour d'une table et que, parfois, quelqu'un du ministère vient. Derrière, il n'y a rien.

Quand on interroge sur le plan proposé, on nous répond d'abord qu'un groupe de travail a été constitué au niveau du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, lequel doit rendre une étude nationale, qu'une expérimentation sera menée au sein de notre assemblée, que la direction générale de l'administration et de la fonction publique a ensuite été missionnée, mais que le processus s'est enrayé car les organismes n'ont pas pu fusionner. Il n'y a rien de concret !

On m'invite à la prudence – c'est un de mes principaux traits... Pour donner 5 milliards à Renault ou 8 milliards à l'industrie aéronautique, il n'y a pas de prudence, mais s'il s'agit de donner aux femmes de ménage, il faut faire preuve de beaucoup de mesure, de patience et de prudence. Il me semble que ces femmes ont été très patientes au cours des dernières décennies. Je crains qu'elles ne doivent encore le rester, mais ce n'est pas parce que les gens ne se révoltent pas ou qu'ils n'ont pas de possibilité de pression auprès des ministères ou de l'Élysée, qu'il ne faut pas changer leurs conditions d'existence, lorsqu'on a l'occasion de le faire.

Il n'est pas vrai de dire que l'on reviendra avec une autre proposition de loi, si on laisse passer cette fenêtre d'opportunité. La crise du covid-19 a donné lieu, pour une fois, à des articles sur ces personnes. Six mois, deux ans passeront, et vous ne serez peut-être plus là. Aujourd'hui, il n'y a aucune autre proposition de loi sur la table. Si on avait critiqué la mienne en proposant un autre texte, je l'aurais examiné.

Madame Lecoq, je saisis l'ouverture que vous proposez. Vous dites que ces pratiques sont inacceptables et que vous rendrez obligatoire le travail en journée. Pourtant, ce n'est l'objet d'aucun de vos amendements. La stratégie de la majorité vise à vider le texte, à changer le titre, à prétendre qu'elle rédigera un autre texte sur le sujet. (Exclamations.) Il faut se détendre un peu.

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