Mes chers collègues, j'ai l'honneur d'être parmi vous aujourd'hui pour vous présenter la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Pour cette proposition de résolution, le groupe auquel j'appartiens, le groupe Libertés et Territoires, a fait usage de son droit de tirage. En effet, il ne vous a pas échappé qu'en vertu de l'article 141, alinéa 2 du Règlement, chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l'exception de celle précédant le renouvellement de l'Assemblée, la création d'une commission d'enquête. Nous sommes bien là dans ce cas de figure, puisque c'est la première fois que mon groupe utilise son droit de tirage.
La commission permanente compétente, c'est-à-dire la nôtre, n'est pas appelée à se prononcer sur l'opportunité de la création de la commission d'enquête, comme c'est le cas habituellement, mais uniquement sur sa recevabilité au regard des critères établis par la loi et le Règlement de l'Assemblée nationale. Autrement dit, nous ne sommes pas censés parler du fond, mais seulement de la forme. Cependant, je trouverais frustrant de ne pas vous exposer brièvement les raisons de mon intérêt fort et celui de mon groupe pour la santé environnementale. J'espère donc que vous me pardonnerez de m'extraire quelques instants du carcan réglementaire.
Commençons toutefois par examiner la recevabilité de la proposition de résolution qui nous est soumise puisque c'est le cœur de notre réunion. L'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées fixe d'abord une exigence de contenu. Selon les termes de cette ordonnance, une commission d'enquête peut être créée pour « recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales ». En l'occurrence, la commission d'enquête que nous voulons créer aurait vocation à évaluer les politiques publiques de santé environnementale. Qu'est-ce que la santé environnementale ? Ce sont les aspects de la santé humaine qui sont déterminés par des facteurs de notre environnement. Avec cette commission d'enquête, il s'agit bien d'examiner la gestion des services intervenant dans ce domaine. Ce premier critère ne paraît donc pas poser de problème particulier.
L'ordonnance de 1958 fixe ensuite une exigence de fermeté dans la mise en œuvre d'une commission d'enquête, afin de protéger la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire. La commission d'enquête ne doit pas porter sur des faits ayant donné lieu ou donnant lieu à des poursuites judiciaires. Comme l'impose notre règlement, le président de l'Assemblée nationale a donc écrit à la ministre de la justice, Mme Belloubet, pour notifier le dépôt de cette proposition de résolution. Celle-ci a répondu, dans un courrier daté du 19 juin, que le champ de la commission d'enquête était susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours. C'est en réalité une réponse assez habituelle qui ne fait pas obstacle à la création de la commission d'enquête mais nous imposera simplement d'être vigilants dans le programme de travail pour ne pas empiéter sur le domaine de la justice.
Nous devons vérifier une dernière condition de recevabilité imposée cette fois par l'article 138 de notre Règlement, à savoir qu'il n'est pas possible de créer une commission d'enquête ayant le même objet qu'une précédente commission d'enquête avant l'expiration d'un délai de douze mois après la fin des travaux. La même règle s'applique aux missions d'information dotées des pouvoirs d'une commission d'enquête. Cette exigence ne pose pas de problème particulier. Notre assemblée ne s'est en effet jamais penchée sur la gestion publique en matière de santé environnementale en tant que telle, même si elle a déjà pu aborder tel ou tel sujet qui relève de ce champ. Or c'est bien là, à mon sens, l'apport spécifique de la commission d'enquête que nous voulons créer.
Cela me fournit l'occasion de laisser de côté les conditions de recevabilité, dont nous venons de voir qu'elles sont toutes remplies, pour en venir à ce qui nous anime et ce qui, j'en suis sûre, anime la plupart d'entre vous. Il n'y a pas à l'heure actuelle de vraie politique publique de prévention en matière de santé environnementale et cela malgré l'engagement du candidat Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017 de protéger la santé et l'environnement des Français. Force est de constater que ce n'est pas encore devenu une priorité du quinquennat. Pourtant, c'est désormais une évidence non contestée, de nombreux facteurs de notre environnement ont un impact grave sur la santé de nos concitoyens. J'en veux pour preuve que 20 millions de personnes sont affectées par des maladies chroniques en France ou encore qu'un individu a aujourd'hui près de deux risques sur trois de développer un cancer. Toutes ces questions commencent à avoir une plus grande visibilité. On parle de plus en plus de perturbateurs endocriniens par exemple. Mais ce que l'on continue à ne pas prendre en compte dans nos politiques publiques, c'est l'« effet cocktail » de différents risques environnementaux qui se conjuguent entre eux pour produire des maladies qui sont aujourd'hui les premières causes de mortalité en France. Si l'on ne prend pas en compte ces « effets cocktail », c'est précisément parce qu'on n'a pas de vision globale dans ce domaine, pas de recherches suffisamment coordonnées, pas d'approche territoriale.
Alors que nous sommes encore plongés dans la crise du covid-19, je pense que vous percevez tous combien il est essentiel que nous regardions de plus près notre gestion publique dans le domaine de la santé environnementale. C'est la vocation de notre commission d'enquête dont il appartiendra au Gouvernement et au législateur de tirer tous les enseignements sans attendre la prochaine crise.
Je suis convaincue que la santé environnementale est un enjeu du XXIe siècle. Cela étant, comme je vous l'ai dit en introduction, nous n'avons pas aujourd'hui à tenir le débat de cette question, mais simplement à constater la recevabilité de la présente proposition de résolution. Je vous propose donc de voter en faveur de cette recevabilité qui, comme je vous l'ai montré, ne pose pas de difficultés particulières.