Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mardi 12 décembre 2017 à 15h00
Orientation et réussite des étudiants — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Je ne pense pas qu'ils ont traversé le pays pour simplement protester. Ils étaient là, madame la ministre, chers collègues, pour que vous puissiez les entendre, et pas seulement les écouter.

J'aimerais maintenant introduire mon exposé par une anecdote personnelle. Je n'ai pas d'abord rencontré les difficultés que vivent les acteurs du monde universitaire dans des rapports chiffrés, elles se sont présentées à moi peu de temps après ma prise de fonction. Lors de ma première permanence, un étudiant est venu me voir ; titulaire d'un BTS, il s'était vu refuser, pour la deuxième année consécutive, l'accès à l'université pour poursuivre ses études.

Ce constat d'injustice, nous le partageons tous ici. Cette motion de renvoi en commission offre à notre groupe une merveilleuse occasion de reprendre un débat de fond, trop souvent absent de cette assemblée ; ce débat porte sur les diagnostics et les motifs qui sous-tendent le projet de loi soumis à notre examen. Elle nous offre un temps pour développer les raisons de nos oppositions à la logique de vos projets, au-delà de tout procès d'intention. Je me réjouis donc de ce renvoi en commission et propose ici d'esquisser les axes de ce futur échange.

Mais avant de rentrer dans le contenu de ce projet de loi, permettez-moi, madame la ministre, chers collègues, un préalable qu'il me tient à coeur de partager à nouveau avec vous, en l'approfondissant. Comprenez que notre opposition n'est pas, comme on aime à le faire croire, systématique ou partisane. C'est une opposition de fond. N'en ayons pas peur, toute démocratie ressort grandie d'un débat libre, contradictoire et argumenté. Néanmoins, il s'agit là d'un sujet suffisamment grave – l'avenir de la jeunesse – pour que nous puissions dépasser les clivages habituels ! Pourquoi divergeons-nous alors ? Nous défendons un projet de société au service de tous les êtres humains, auquel aucun d'entre nous ne peut être indifférent. Et, bien sûr, nous n'avons pas en la matière le monopole du coeur.

Ce projet est fondé sur les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, qu'exprime notre devise républicaine et que vous partagez, j'en suis sûre. Mais du mot à la chose, d'une devise abstraite à sa traduction concrète, il y a un abîme dans lequel beaucoup trébuchent. Ainsi, trouvez-vous notre société fraternelle, alors qu'on ne cesse de parler de compétition ? Peut-on encore parler d'égalité, quand on organise la sélection ? C'est cette réaffirmation de nos valeurs républicaines qui servira de fil rouge à la contestation de ce projet de loi par mon groupe.

Pour rappel, ce projet de loi, relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, s'occupe, d'une part, des modalités d'accès à l'université et, d'autre part, d'offrir de nouvelles conditions à la vie étudiante. Comme évoqué en commission, seul le titre de cette loi nous convient. Comment, en effet, ne pas adhérer à la nécessité d'aider la jeunesse à s'orienter, d'autant que le monde est dans une totale désorientation ? Comment ne pas souscrire à l'idée de la réussite de tous les étudiants, en précisant que, pour la circonstance, la réussite dont nous parlons réside dans l'obtention d'un diplôme sanctionnant certaines connaissances, des savoirs et des aptitudes.

Mais le titre consensuel de cette loi ne saurait nous abuser sur son contenu, auquel nous disons « non », trois fois « non ». Non à l'interprétation des constats qui la motive, et donc aux remèdes que vous proposez. Non à sa faisabilité au regard des moyens alloués. Non au projet de société et aux valeurs qu'elle sous-tend.

Le premier constat est l'augmentation de 40 000 étudiants par an pendant trois ans. Cette année, elle a nécessité la mise en place de l'injuste tirage au sort dans les filières en tension et laissé sur le carreau plus de 3 000 lycéens. Difficile de nier ce constat. Mais quand il tombe sous le sens commun que, pour éviter le tirage au sort, il suffit d'augmenter le nombre de places, vous, vous préférez opérer une sélection sur dossier.

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