Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 7 octobre 2020 à 16h15
Commission des affaires sociales

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Je suis désolé que l'audition ne dure pas plus de deux heures – déjà en partie amputées par les interventions liminaires. Paradoxalement, c'est parce que nous entendons consacrer du temps au Parlement dans son ensemble : sitôt que nous aurons quitté votre commission, nous répondrons à la convocation de la commission des affaires sociales du Sénat. Croyez bien que nous consacrerons toute l'énergie et le temps nécessaires au Parlement – parole d'ancien rapporteur général et d'ancienne présidente de la commission des affaires sociales !

J'ai eu l'honneur de présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale au Président de la République et au Premier ministre aux alentours de midi. Le secrétariat général du Gouvernement a transmis le texte au Parlement vers 15 heures 30-15 heures 40. Il est donc à la disposition de l'ensemble des parlementaires depuis près d'une heure – c'est peu, mais il est disponible. Nous avons un accusé de réception du Parlement !

L'année dernière, à votre place, j'avais, moi aussi, déploré le délai très court séparant l'examen du texte en Conseil des ministres et sa transmission. Vous avez parfaitement raison de considérer que vous n'avez pas suffisamment de temps pour travailler dessus. C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix, cette année, de dévoiler le PLFSS une semaine avant sa présentation en Conseil des ministres, au cours d'une conférence de presse, avec diffusion d'un dossier de presse, et auprès des caisses de sécurité sociale, qui le font circuler très largement depuis une dizaine, voire une quinzaine de jours. Plusieurs parlementaires, dont des membres de l'opposition, m'ont communiqué des propositions d'amendement ; j'en déduis qu'ils ont commencé à travailler sur le projet de loi. Cela n'excuse pas, toutefois, les délais très contraints imposés au Parlement. Croyez bien que je le déplore avec vous.

Il y a un an, alors que j'étais rapporteur général de cette commission, les comptes sociaux étaient engagés sur un chemin tranquille, parfaitement balisé ; la température était clémente et l'optimisme avait tout lieu d'être. Un an plus tard, nous sommes sur la face nord de l'Everest en plein hiver, la visibilité est vraiment mauvaise et le contact radio avec le camp de base risque de se brouiller davantage. De la patience, de la volonté, un peu d'espoir, une bonne boussole : voilà les seuls outils à notre disposition. Sachons les utiliser à l'aube d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui ne ressemblera à aucun autre.

La situation hors normes que nous connaissons conduit à une situation financière de la même eau, aux antipodes de ce à quoi nous pouvions nous attendre il y a un an. Nous étions si proches du fameux retour à l'équilibre ! Après tant d'efforts consentis, il y a certes de quoi être frustré, de quoi enrager, mais nous ne devons pas laisser l'amertume dominer, ni oublier que les dépenses exceptionnelles qui ont été engagées ne l'ont pas été par fantaisie, mais par nécessité.

Depuis le début de la déferlante épidémique jusqu'à aujourd'hui – période de veillée d'armes car nous ne sommes pas tirés d'affaire –, le Gouvernement a fait le choix d'accompagner les Français et de ne laisser personne au bord de la route. Des dispositifs coûteux ont été mis en place pour éviter une déroute économique et une véritable catastrophe sociale. Ces décisions devaient être prises et nous les assumons pleinement.

De la même manière, le Gouvernement assume des mesures ambitieuses qui seront portées par le PLFSS. En font partie le Ségur de la santé et les revalorisations historiques qui ont été signées au mois de juillet, après des semaines de concertation et de négociations avec les organisations syndicales. Beaucoup, sur ces bancs, et j'en faisais partie, estimaient que les soignants dans les établissements de santé et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) étaient mal payés. Ces revalorisations étaient indispensables et je suis très fier que le Gouvernement les ait fait aboutir – la fiche de paie des soignants, discutée sans fausse pudeur, aura désormais une tout autre allure. Outre les revalorisations, qui n'étaient pas l'alpha et l'oméga du Ségur de la santé, nous avons engagé des transformations profondes dans l'organisation territoriale des soins et les modes de financement de l'hôpital, qui trouvent également leur place dans le PLFSS.

Au chapitre des grands défis de notre système de sécurité sociale, la création de la cinquième branche de la sécurité sociale s'avère indispensable pour nous préparer au mur démographique auquel nous allons devoir faire face. La crise sanitaire et le confinement ont mis en lumière les lacunes de notre système d'accompagnement des personnes âgées et confirmé la nécessité de repenser le maintien à domicile autant que l'accueil dans les EHPAD. Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, a été nommée à mes côtés pour mettre sur les rails une réforme du grand âge, dont j'ai la conviction qu'elle sera la grande réforme sociale de ce quinquennat.

J'avais annoncé que 1 milliard d'euros de dépenses nouvelles seraient dédiés à la création de la cinquième branche. En réalité, ce sont d'ores et déjà 2,5 milliards d'euros qui sont budgétés, dont 1,4 milliard au titre des revalorisations du « Ségur ». Je sais combien les parlementaires ont été sollicités, ces derniers mois, au sujet de l'accueil de nos aînés en établissement ou de leur accompagnement à domicile. Je ne doute pas que nos discussions permettront d'enrichir les mesures que nous voulons mettre en œuvre à leur service. Brigitte Bourguignon vous parlera du « Laroque de l'autonomie », qui devrait marquer, dans le prolongement du Ségur de la santé, une étape décisive.

Enfin, depuis bientôt deux ans, le Gouvernement s'est engagé dans une approche radicalement nouvelle de la petite enfance et de l'aide à la parentalité. Les 1 000 premiers jours de l'enfant, c'est non seulement le nom d'une politique de la petite enfance réinventée, mais aussi le paradigme que se fixe la société française pour lutter sans trembler contre les inégalités de destin. L'extension à vingt-huit jours du congé de paternité, soutenue avec beaucoup de détermination par Adrien Taquet, doit permettre aux parents de mieux accueillir l'enfant – nous savons combien les premiers jours et les premières semaines sont cruciaux. Cette extension permettra à la France d'occuper une position médiane dans le classement européen. Pour qui a vécu ce bouleversement qu'est l'arrivée d'un enfant, vingt-huit jours est une durée à la fois nécessaire et équilibrée.

Mesdames, messieurs les députés, PLFSS de gestion de crise ne signifie pas aveuglement sur la nécessité d'identifier de nouvelles régulations pour nos dépenses sociales. La situation de nos comptes sociaux ne peut pas me satisfaire. Je suis lucide et l'ancien rapporteur général que je suis n'a pas perdu ses réflexes : je suis aussi le ministre de l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Nous avons pris nos responsabilités à chaque instant, dès le début de la crise sanitaire et en préparant l'avenir sereinement pour ne pas reporter sur les générations futures les déséquilibres d'aujourd'hui. Le choix de rembourser notre dette sociale est confirmé, mais la sortie de crise ira de pair avec la nécessaire refondation de notre système de régulation en inventant de nouveaux outils.

Vous conviendrez avec moi qu'on ne peut pas revenir aux méthodes d'hier sans s'interroger. Le retour à l'équilibre implique des choix de long terme que l'on ne peut pas faire sans une large concertation et une réelle réflexion. Dans le cadre de l'agenda social, le Premier ministre nous a demandé de réfléchir au financement de la protection sociale, à la dette sociale, aux retraites, au grand âge. Sur ce dernier point, le rapport Vachey nous donne des pistes. J'ai également confié au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) une mission importante sur la rénovation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Il s'agit là d'une première étape, et il ne faudra nous interdire aucun sujet, aucun débat ni, bien sûr, aucune solution. Cela prendra un peu de temps, mais nous savons tous ici que cela est nécessaire si l'on veut aboutir à de nouvelles règles et à de nouveaux financements. La pérennité de notre système social dépend du retour à l'équilibre financier.

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