Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 7 octobre 2020 à 16h15
Commission des affaires sociales

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Sans vouloir polémiquer, je regrette vraiment le départ de certains parlementaires : que trois ministres répondent pendant plus de deux heures aux questions posées par trente parlementaires, cela me semble plutôt une audition de qualité !

Le financement de la recherche n'est pas à proprement parler inclus dans les 6 milliards d'euros d'investissements prévus par le « Ségur ». En revanche, comme je l'ai dit dans le discours que j'ai prononcé il y a quinze jours à la Sorbonne devant le milieu hospitalo‑universitaire, nous avons, avec Frédérique Vidal, abondé de manière assez significative les crédits du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation dédiés au financement des missions de recherche – nous vous transmettrons les chiffres exacts.

S'agissant de la lutte contre l'obésité, nous sommes quelques-uns à être d'ardents défenseurs du Nutri-score comme outil de prévention. Il se développe : 450 entreprises l'utilisent à ce jour, et 25 % de l'offre alimentaire est concernée. Les produits bio ont, par ailleurs, progressé de 28 % dans la restauration collective, et près de 5,4 millions d'élèves ont étudié les aspects nutritionnels dans le cadre de l'éducation à l'alimentation lors de l'année scolaire 2018-2019. J'ai confié au professeur Olivier Ziegler, président de la coordination nationale des centres spécialisés d'obésité, le pilotage de la feuille de route « Prise en charge de l'obésité » destinée à renforcer les actions en la matière. Je vois mal comment, dans le cadre d'un « Ségur de la santé publique », on pourrait ne pas traiter, plus généralement, des troubles alimentaires – car il y a aussi l'anorexie, la boulimie et tous les autres troubles du comportement alimentaire. C'est, pour moi, un engagement de longue date que je serais ravi de mettre en œuvre avec vous.

Rendre les transports bariatriques plus accessibles, cela passe par le développement pérenne de l'offre de transporteurs privés. Il faut donc adapter les modalités de rémunération de ces derniers afin qu'ils investissent dans les équipements nécessaires à la prise en charge des patients. Cela relève, non du PLFSS, mais des négociations avec l'assurance maladie, qui sont en cours. Les travaux nécessitent des expertises spécifiques, ce qui prend un peu de temps. L'accord à venir sera mis en œuvre dans le courant de l'année 2021.

Pour ce qui concerne les aides à domicile, outre l'engagement très fort de la ministre Brigitte Bourguignon, vous pouvez compter aussi sur le mien. D'ailleurs, mon premier déplacement sur le terrain en tant que ministre fut pour elles, de même que la première rallonge budgétaire que j'ai accordée. Nous aurons, je l'espère, quelques bonnes nouvelles à annoncer dans ce domaine à l'occasion des débats à venir. Brigitte Bourguignon en a fait le teasing. Vous vous doutez bien que quand un ministre ne ferme pas une porte lors de son audition par la commission des affaires sociales, cela signifie en général que la porte est plutôt ouverte... Un peu de patience !

Merci, en tout cas, pour votre engagement, que vous êtes nombreux à exprimer. Vous avez raison : cela fait trop d'années que les aides à domicile sont, pour beaucoup d'entre elles, des travailleuses pauvres. C'est une profession qui n'a pu bénéficier des mesures de revalorisation décidées dans le cadre du Ségur de la santé. De nombreux travaux préparatoires ont néanmoins été engagés sur le sujet, notamment des missions – je pense en particulier à celle de Myriam El Khomri. Cela doit aboutir à une réévaluation de leurs conditions de travail et de leurs revenus. Pendant le confinement, je me suis rendu à plusieurs reprises au domicile de personnes âgées pour rencontrer des aides à domicile : ce sont des gens en or. Toutefois, il ne suffit pas de le dire, il faut aussi agir pour valoriser ce métier.

S'agissant de l'impact des accords du Ségur de la santé sur les PLFSS à venir, je propose que nous ayons ce débat dans l'hémicycle. J'ai annoncé la saisine du HCAAM en vue d'un changement de modèle. Je ne sais même pas si l'on peut encore parler de taux d'évolution de l'ONDAM : déjà, cela n'avait pas nécessairement de sens auparavant, mais vu que l'on a affaire aujourd'hui à la plus forte progression de l'ONDAM depuis que celui-ci existe, peut-être ne nous fera-t-on pas grief de vouloir supprimer cet indicateur – qui, en vérité, n'en est pas un. Je pense que le ministre chargé des comptes publics ne me contredira pas : quand on enregistre une progression de plus de 6 % de l'ONDAM même après avoir neutralisé une partie des dépenses dues à l'épidémie de covid-19, on voit bien qu'on est complètement hors clous et que le taux d'évolution de l'ONDAM n'est pas le meilleur indicateur du monde ! Je pense, pour ma part, qu'il vaut mieux raisonner en euros, car une progression de 1 % ou de 6 % de l'ONDAM, les Français ne savent pas ce que cela veut dire ; 220 milliards d'euros par an consacrés à leurs dépenses de santé, voilà qui leur parlerait davantage.

Nous provisionnons 1,5 milliard d'euros environ pour le vaccin, somme qui englobe les dépenses en produit, en vaccination, etc. Le vaccin n'existe pas encore, on ne sait pas combien cela coûtera, et il faut donc provisionner une somme qui soit réaliste afin qu'on ne se retrouve pas à créer du déficit à cause de dépenses qu'on aurait fait semblant de ne pas anticiper. En l'occurrence, nous les anticipons.

Le Président de la République l'a dit, et la ministre Agnès Pannier-Runacher l'a répété : pour ce qui est de la production de masques, la France sera autonome d'ici à la fin de l'année pour une consommation courante – sachant que la consommation avait été multipliée par quarante pendant les semaines de confinement. Je crois qu'on peut féliciter l'industrie française, qui a su se réorganiser et a rouvert des usines de fabrication. Nous avons besoin d'elle.

Quant au sport santé, oui, mille fois oui ! Je suis totalement convaincu des effets bénéfiques du sport sur la santé. Il est important d'en faire, qu'on soit malade ou pas, qu'on soit jeune ou pas. Il faut l'encourager par de multiples voies. Pour ce qui concerne la cancérologie, l'expérimentation votée l'année dernière à l'initiative des parlementaires n'a pas été encore évaluée ; de même, il faudrait évaluer le coût de l'expérimentation sur le diabète. Cela suppose, en effet, de budgéter des sommes assez importantes. J'ai néanmoins envie qu'on avance et qu'on ne se contente pas de répéter que le sport santé, « c'est super », « y'a qu'à », « faut qu'on ». Il faut prévoir des dispositifs, d'autant que de nombreuses salles de sport vont se retrouver dans une situation financière très fragile en raison des mesures de gestion de l'épidémie – que l'on est bien obligé de prendre. Cela peut aussi être l'occasion de faire quelque chose d'intéressant. Je m'engage, en tout cas, à travailler en ce sens avec Bercy.

L'interopérabilité doit, en effet, aller de pair avec les investissements dans le numérique. On comptait, il y a quelques années, 600 systèmes d'information différents à l'AP-HP, tous n'étant pas forcément interopérables ! La situation s'étant peut-être améliorée, le chiffre est sans doute à actualiser, mais il faut que l'interopérabilité soit la règle de base pour le fonctionnement des systèmes d'information.

J'ai reçu hier la présidente du Conseil national de l'ordre des sages-femmes, et cela s'est très bien passé – je l'avais d'ailleurs reçue, ainsi que des représentants syndicaux, à plusieurs reprises auparavant. Il se trouve que les maïeuticiens hospitaliers sont représentés par les organisations syndicales des professions paramédicales, dont ils font partie du corps électoral. Si j'avais pris la responsabilité de ne pas faire représenter les sages-femmes par leurs syndicats, je pense que cela aurait fait l'objet d'une procédure devant le tribunal administratif ; j'aurais été sûr de perdre et cela n'aurait pas été très respectueux du dialogue social ! Nous avons néanmoins invité des représentants de la profession à participer au comité élargi du Ségur de la santé dès le début de la consultation, mais ils ne pouvaient être signataires d'accords majoritaires. La désignation des partenaires sociaux relève du droit, je ne les choisis pas. J'ai dit aux représentants de la profession que s'ils souhaitaient changer les règles de représentation syndicale, cela ne me posait aucun problème, mais ce n'est pas de ma responsabilité.

Par ailleurs, non seulement les sages-femmes bénéficient de la revalorisation socle de 183 euros attribuée aux personnels soignants et non soignants de l'hôpital, mais un travail a d'ores et déjà été engagé concernant les grilles salariales, les évolutions de carrière, la reconnaissance du diplôme et les missions des sages-femmes, ce qui leur permettra d'obtenir une revalorisation spécifique supplémentaire.

J'entends donc l'émotion qui s'exprime et j'ai reçu beaucoup de courrier de la part de parlementaires sur le sujet, mais je pense qu'il y a là une incompréhension. Ce que je viens de dire, ce sont des choses qui sont en train depuis le premier jour du Ségur – je l'ai rappelé hier aux représentants du Conseil national de l'ordre des sages-femmes. J'ai un profond respect pour la profession. La mission des sages-femmes est belle, généreuse, difficile, exercée souvent dans l'urgence ; elle est indispensable à notre système de santé. Je ne voudrais pas que l'on croie que je pense le contraire, alors que j'ai été de tous les combats – j'étais notamment favorable à ce que les sages-femmes puissent faire des consultations auprès des femmes non enceintes en ville et que ces consultations soit tarifées au même prix qu'une consultation médicale. Je suis par ailleurs, je l'ai dit hier, ouvert à toutes les propositions en matière de représentation et de gouvernance au sein de l'hôpital. Bref, j'espère que le message est passé.

S'agissant des hôtels hospitaliers, quand j'étais député, j'avais fait adopter le principe d'une expérimentation en la matière. Probablement les administrations et la ministre de l'époque n'y croyaient-elles pas trop, parce que l'expérimentation avait été dotée d'un budget de 1 million d'euros pour la France entière – quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Cette fois-ci, il y aura beaucoup plus d'argent de mobilisé pour le développement des hôtels hospitaliers : jusqu'à 70 euros la prise en charge par nuit. L'objectif n'est pas de fermer des lits ; cela doit éviter à des patients et des patientes d'être hospitalisés pour rien, simplement parce qu'ils habitent trop loin de l'hôpital. J'y crois énormément.

Personne ne m'a interrogé sur les maisons de naissance – probablement parce que cela fait consensus. Vous avez été nombreux à vous mobiliser en leur faveur ; il y en avait huit jusqu'à présent, vous allez avoir l'occasion d'en voter la création de douze supplémentaires. Cela me semble une bonne chose.

Tout ce qui concerne l'AME relève non du PLFSS, mais du volet santé du projet de loi de finances. Le décret sur le délai de carence n'ayant pas encore été publié, cette mesure n'a pas eu d'impact – si elle devait en avoir un.

De même, les mesures de revalorisation à destination des libéraux relèvent non du Parlement et du PLFSS, mais des négociations conventionnelles dans le cadre du dialogue social – ce sont, là encore, les règles en matière de représentativité qui s'appliquent. De l'argent sera injecté dans l'assurance maladie pour développer les communautés professionnelles territoriales de santé, renforcer la permanence des soins et développer les axes que plusieurs d'entre vous ont mentionnés, en liaison avec les syndicats de médecins libéraux. Tout cela avance – une nouvelle réunion avec eux est d'ailleurs prévue demain matin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.