Intervention de le rapporteur général

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 15h00
Commission des affaires sociales

le rapporteur général :

Je suis très heureux que nous abordions la question de la réforme du reste à charge aux urgences, car il s'agit d'un sujet politique très important – j'ai lu avec beaucoup d'attention vos nombreux amendements.

La création du forfait de participation aux urgences est issue de la réflexion menée par le ministère après l'adoption, l'an dernier, de la réforme du financement des urgences, à la faveur d'un amendement qui m'avait été inspiré par les travaux sur le pacte de refondation des urgences. J'observe que cette mesure a suscité de nombreux malentendus dans la presse ; je pense notamment à des articles publiés dans Les Échos ou L'Humanité. Votre amendement me donne donc l'occasion de clarifier les choses.

Le malentendu me semble en partie lié à la situation actuelle. En effet, ces articles de presse sous-entendent qu'actuellement, les patients se rendant aux urgences n'ont pas à s'acquitter d'un reste à charge. Or, ils sont bien redevables d'un ticket modérateur équivalent à 20 % de chacune des prestations dont ils ont bénéficié lors de leur passage aux urgences, soit 20 % du forfait accueil et traitement des urgences, qui est d'environ 25 euros, et 20 % de chaque acte ou consultation réalisé aux urgences. Ainsi, le reste à charge peut être très élevé, surtout pour les patients les plus âgés, qui ont souvent besoin d'un nombre plus important d'examens complémentaires. Toutefois, personne ou presque ne s'en rend compte, car ces tickets modérateurs sont pris en charge par les mutuelles.

Actuellement, les patients invalides ou souffrant d'une affection de longue durée (ALD) ne payent pas ce ticket modérateur uniquement si leur passage aux urgences est en lien avec leur ALD – ce qui correspond à un tiers seulement des passages aux urgences des patients en ALD. Ainsi, si un diabétique se rend aux urgences pour son pied diabétique, il est exonéré ; s'il s'y rend parce qu'il s'est cassé le pied en glissant, il ne l'est pas.

Pourquoi proposons-nous cette réforme ?

La réforme du financement des urgences que nous avons adoptée l'année dernière, sur ma proposition, permet de simplifier la tarification des urgences en abandonnant le comptage de chaque acte – nous partageons tous, me semble-t-il, cet objectif, notamment ceux de nos collègues qui siègent sur les bancs de gauche. Dès lors, continuer à recueillir et à renseigner ces éléments dans le seul but de calculer le ticket modérateur serait chronophage et complexe pour l'hôpital. En effet, les personnes chargées de la facturation devraient courir derrière l'information, afin d'identifier les actes qui ont été pratiqués, d'établir si l'infection du patient avait un rapport ou non avec son diabète ou avec sa maladie cardiaque...

Du reste, cette complexité pèse déjà sur l'hôpital, notamment sur l'hôpital public, au point que seulement 30 % des factures liées à un passage aux urgences sont actuellement recouvrées. Ce manque à gagner, outre qu'il est très chronophage sur le plan administratif, creuse les déficits de nos hôpitaux. Et, ne nous voilons pas la face, ce sont les hôpitaux publics qui en payent le prix fort.

Le système est aussi et surtout illisible pour le patient, qui n'a aucune idée, en arrivant aux urgences, du montant dont il devra s'acquitter, souvent via sa mutuelle, à la sortie.

Le forfait ne concernera que les passages aux urgences non suivis d'une hospitalisation dans l'établissement. Actuellement, le ticket modérateur moyen est de près de 19 euros dans le public et le privé associatif et de 20 euros dans le privé. Désormais, il sera le même partout et tout le temps. Son montant sera de 18 euros, ce qui évitera les restes à charge trop importants, et, pour les personnes en ALD ou en invalidité, qui sont actuellement parfois exonérées, parfois non, il sera de 8 euros tout le temps.

L'article 28 maintient par ailleurs une exonération totale du ticket modérateur en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, lorsque les soins sont prodigués aux personnes victimes d'un acte de terrorisme et aux mineurs victimes de sévices sexuels pour les actes, soins et traitements consécutifs aux sévices dont ils ont été victimes.

Les patients bénéficiant d'une ALD seront-ils pénalisés ? Actuellement, pour ceux d'entre eux qui passent aux urgences sans hospitalisation, le reste à charge est plus élevé que la moyenne car, pour ces patients, souvent plus âgés, le recours à des actes techniques, d'imagerie et de biologie est plus fréquent. Par ailleurs, certains patients sous ALD devront désormais s'acquitter d'une participation alors que ce n'était pas le cas auparavant, mais son montant unitaire sera moindre. Globalement, la masse des restes à charge pour les patients en ALD baisserait de 32 % grâce à cette réforme.

Celle-ci n'est pas une mesure d'économie pour l'assurance maladie : elle se fait à budget constant. Pour preuve, je défendrai ultérieurement un amendement qui vise à maintenir une exonération totale pour les patients qui en bénéficient déjà actuellement et qui ont été oubliés dans cet article, à savoir les femmes enceintes et les nourrissons. Caroline Fiat a par ailleurs soulevé la question des invalides de guerre, et je l'en remercie car j'avais omis de les intégrer dans mon amendement ; ce sera chose faite.

Enfin, ces tickets modérateurs sont actuellement obligatoirement couverts par les contrats responsables. Ce sera également le cas de cette participation, qui sera calculée de façon à éviter tout déport entre assurance maladie et complémentaires. Pour les plus précaires, cette participation sera entièrement couverte par la complémentaire santé solidaire ; elle le sera également pour les patients bénéficiant de l'aide médicale de l'État (AME).

Cette présentation complète du forfait de participation aux urgences me semblait utile tant cette mesure a suscité de malentendus. Je suis donc défavorable à l'amendement AS728.

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