Intervention de Adrien Taquet

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Adrien Taquet, secrétaire d'État :

J'ai déjà apporté de nombreux éléments relatifs aux PMI. Cependant, la situation des PMI varie en fonction des territoires. Certains départements ont fortement investi dans ce domaine depuis plusieurs années, d'autres les ont un peu délaissées. Dans le cadre de la contractualisation que je mène avec les départements – qui ne représente pas l'essentiel de la politique, mais qui en constitue un levier –, les départements sont soumis à deux obligations : d'une part, réinvestir dans les PMI et d'autre part, proposer des dispositifs d'accompagnement des enfants en situation de handicap. Nous affichons une véritable volonté de remise à niveau et de convergence des pratiques des différentes PMI.

Au-delà des PMI, les réalités territoriales, notamment dans le domaine de la santé, sont différentes. Les difficultés ne se situent pas exclusivement dans les milieux ruraux. Les problématiques de désertification médicale existent également en milieu urbain. Dans le sujet que nous évoquons, il est évident que la notion de réseau est fondamentale. La mise en réseau des acteurs sera essentielle dans la dynamique mise en œuvre. Le parcours « 1 000 jours » ne présente pas un modèle unique. L'État apportera des moyens au renforcement d'institutions professionnelles, mais les parcours seront également adaptés à la réalité territoriale en s'appuyant sur les CPPS et sur l'ensemble des dynamiques de coopération qui sont déjà à l'œuvre.

Le congé parental et le congé de paternité constituent un ensemble indissociable. Je pense qu'à l'avenir, comme dans d'autres pays, ces congés seront fusionnés. Je me réjouis malgré tout du doublement de la durée du congé de paternité. Vous évoquez vingt-cinq jours, mais il convient d'ajouter les cinq jours alloués pour la naissance. Nous imposons également une part obligatoire qui n'avait jamais été évoquée précédemment et dont je considère qu'elle constitue un véritable progrès. Un certain nombre d'éléments ne sont pas encore stabilisés parce qu'ils font l'objet de discussions et de concertations avec les partenaires sociaux. Il en est ainsi pour ce qui concerne le fractionnement, qui peut d'ailleurs apporter un élément de réponse pour les indépendants pour lesquels la question des congés est souvent complexe. La concertation porte également sur le délai de prévenance et sur la période au cours de laquelle il sera possible de poser ces congés. J'en profite pour indiquer que la période actuelle est de quatre mois et couvre donc les deux pics de dépression post-partum. Lorsque ces discussions auront abouti, je serai en mesure de vous indiquer en séance les orientations que nous aurons définies. Nous convergeons vers un relatif consensus qui devrait convenir à tous, notamment aux parents et aux enfants.

La réforme du congé de paternité actuel s'inscrit dans une réflexion plus globale que nous prendrons le temps de mener sur la réforme des congés parentaux. J'ignore si les deux systèmes cohabiteront à l'avenir. Il semble néanmoins que l'ensemble des acteurs s'accordent pour estimer que le congé actuel est trop long et insuffisamment rémunéré et qu'il serait souhaitable de le raccourcir et de le rémunérer davantage, à l'instar de ce qui est pratiqué dans d'autres pays. La question de la part obligatoire pourra également être débattue.

De nombreux pays, nordiques notamment, ont instauré ce congé parental depuis plusieurs années et commencent à en tirer des enseignements dont nous bénéficierons. En Finlande et en Suède, le congé parental est disponible jusqu'au huitième anniversaire de l'enfant. Les parents ont tendance à l'étaler et ce fonctionnement n'est plus conforme à l'objectif qui consistait à assurer une présence des parents, notamment au cours de la première année de l'enfant. Le dispositif suédois sera donc probablement revu. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un sujet de long terme et je l'assume comme tel.

S'agissant des places disponibles dans les crèches, il est raisonnable d'espérer la création de douze à quinze mille places d'ici 2022. Il ne s'agit pas d'un engagement de ma part puisque je n'ai pas de mandat pour m'exprimer au nom de la CNAF. Des difficultés sont liées au contexte, notamment au contexte électoral, puisque les décisions de créations de places dans les crèches relèvent en partie de la responsabilité des exécutifs municipaux. Nous sortons d'une période d'élections municipales, qui a traditionnellement tendance à geler les créations de places. De plus, cette dernière campagne électorale s'est prolongée sur plusieurs mois en raison de la crise sanitaire, ce qui a d'autant plus gelé les prises de décisions. Il s'agit donc d'un des facteurs qui expliquent le retard que nous accusons dans les créations de places dans les crèches.

La notion d'ateliers de « pair-expertise » est intéressante. Les parents estiment que ces ateliers sont très enrichissants et le dispositif se développe de plus en plus dans les PMI, dans les maisons de type « Les Pâtes au Beurre » que j'évoquais précédemment, etc. Ces rassemblements permettent de bénéficier d'expertises de professionnels, mais également de discuter entre parents. En collaboration avec la CNAF, nous nous attacherons à encourager la mise en place et la généralisation sur l'ensemble du territoire de « groupes de naissance » afin de favoriser le dialogue entre primoparents. Ces dispositifs existent dans les pays nordiques. Ils maillent le territoire, organisent un peu la vie de quartier et se prolongent souvent au-delà de la première année de l'enfant. Nous nous en inspirerons.

Les statistiques démontrent que, dans l'ensemble des pays de l'OCDE, il n'existe plus aucune corrélation entre le niveau des prestations et le taux de natalité. Le niveau de prestations ne constitue plus le levier qu'il a représenté dans le passé.

Comme l'indique le titre de ma fonction, je suis secrétaire d'État à l'enfance et aux familles. Je tenais à ce pluriel qui ne se réfère pas uniquement aux familles homoparentales, au sujet desquelles nous avons été amenés à débattre notamment dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique, mais également aux familles monoparentales, qui souffrent particulièrement dans cette période de crise, aux familles nombreuses, aux familles recomposées, etc. ; bref, tout ce qui constitue la richesse des familles de France.

La crise a en effet remis en valeur le rôle des grands-parents et, plus largement, les solidarités intergénérationnelles. Il serait intéressant de mener une réflexion sur ce sujet. Dans ce cadre, j'ai rencontré votre collègue, la députée Olga Givernet, et Mme Armelle Le Bigot, la présidente de l'association européenne des grands-parents, afin que nous réfléchissions ensemble à la place et au rôle des grands-parents dans la société actuelle.

La France compte actuellement environ cinq cents maternités. Nous identifierons les établissements qui nécessitent les plus importants renforts en personnels psycho-médico-sociaux et ils constitueront des priorités pour les deux cents créations de postes que nous envisageons, qui leur donneront les moyens d'un meilleur accompagnement pluridisciplinaire des parents. Notre objectif consiste à terme à créer cinq cents postes supplémentaires dans les maternités. Nous l'évoquerons, je l'espère, à l'occasion de l'examen du prochain PLFSS.

Les services d'accompagnement à la parentalité des personnes handicapées s'articuleront bien sûr avec les dispositifs existants. Notre objectif consiste à créer un service dans chaque région à l'horizon 2022. Il nous appartient encore d'élaborer un cahier des charges et de mettre en place des équipes avec des ressources disponibles. Le projet est lancé, mais je ne dispose pas d'une visibilité plus précise quant au calendrier.

La question de la contractualisation ne concerne pas uniquement les PMI. Il s'agit d'une stratégie de prévention et de protection de l'enfance qui porte également sur la modernisation de l'aide sociale à l'enfance. Les critères qui ont présidé au choix des départements ne s'appliquent pas uniquement aux PMI, mais plus globalement à la situation du département au regard de la protection de l'enfance, au sens large du terme. Nous avions initialement choisi trente départements et quarante autres dans un deuxième temps, ainsi que je l'ai annoncé la semaine dernière. Nous poursuivons le déploiement de cette stratégie ; nous l'accélérons et nous l'amplifions. Les départements ont été sélectionnés sur la base de la pertinence des projets en fonction de la réalité du terrain et des besoins du territoire. À titre d'exemple, l'absence de structures permettant d'accueillir des fratries constitue un des critères qui ont présidé à notre choix. Nous évaluons la pertinence des projets en regard de la politique que nous souhaitons mener et des besoins du territoire. Nous intégrons également des critères socioéconomiques. Nous avons privilégié les départements qui rencontrent les difficultés financières les plus importantes. Enfin, la contractualisation impose de réinvestir dans les PMI, de proposer des offres destinées aux enfants en situation de handicap et d'être doté d'un observatoire départemental de la protection de l'enfance. La contractualisation constitue un des outils de convergence des pratiques.

Les territoires d'outre-mer font l'objet d'une attention très particulière. Je me suis déplacé en Guyane l'année dernière. Je partirai à Mayotte en fin de semaine et j'ai prévu un déplacement à La Réunion. J'ai veillé à intégrer des départements d'outre-mer à la politique de contractualisation. Ainsi en fut-il de La Réunion et de la Guyane l'année dernière ; de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon cette année. Je regrette que ni la Martinique ni la Guadeloupe n'aient proposé de contractualiser, mais j'ai bien conscience des problématiques spécifiques auxquelles elles sont confrontées. Je pense néanmoins qu'il n'est pas possible de les appréhender correctement depuis Paris. Les sujets liés à l'enfance en particulier nécessitent de se rendre sur place, et c'est notamment le cas pour Mayotte.

Nous avons prévu de bâtir un référentiel pour les entretiens prénataux précoces, notamment dans le cadre de l'investissement dans les réseaux de santé périnatale. Le carnet de santé sera réactualisé et nous lui intégrerons les messages de santé publique. Il fera peut-être l'objet d'une numérisation à l'avenir. En outre, nous créerons une application « 1 000 jours » qui contiendra des informations et proposera des services de proximité tels que, par exemple, le recensement des lieux où se déroulent les entretiens prénataux précoces. Nous espérons que cette application entrera en vigueur à la fin du premier semestre 2021.

La question de l'exposition aux écrans sera intégrée aux messages de santé publique que nous délivrerons. Il est cependant complexe d'établir des repères précis puisque le consensus scientifique sur ce sujet n'est pas encore stabilisé. La première règle consiste à ne pas utiliser d'écran devant ses enfants. En effet, au cours des 1 000 premiers jours, l'enfant se construit par mimétisme. Au-delà, il conviendra de veiller à ne pas culpabiliser les parents. Nous savons que l'usage est plus problématique que l'écran en lui-même. Cependant, un usage partagé présente également des vertus. Quoi qu'il en soit, nous nous attachons à stabiliser des messages en ce sens qui figureront dans le carnet de santé et dans l'application « 1 000 jours ». Par ailleurs, nous soutenons les ateliers dédiés à la parentalité numérique qui, par la force des choses, se multiplient à la CNAF, dans les PMI, dans les maisons des parents, etc. En effet, plus les enfants grandissent, plus les questionnements liés au rapport au numérique sont importants.

S'agissant de la question de la rupture de l'accompagnement des mineurs non accompagnés à leur majorité, je regrette la confusion observée dans les débats issus de l'attentat perpétré par un jeune qui, finalement, s'est révélé être majeur. L'évaluation constitue un sujet complexe et je suis tout à fait disposé à ce que nous y réfléchissions. Nous avons encouragé l'ensemble des préfets à signer des conventions avec les départements de sorte qu'au dix-septième anniversaire de l'enfant soit examinée une éventuelle trajectoire d'insertion. Un tel dispositif permettrait d'anticiper les situations, de diminuer la pression ressentie par le jeune, mais sans aucune promesse puisque la régularisation intervient uniquement à l'âge de 18 ans. Nous pourrions ainsi éviter les ruptures à 18 ans. Souvent, le parcours administratif est engagé trop tard et un jeune qui travaille en alternance par exemple, se retrouve en situation irrégulière à 18 ans et son patron ne peut pas lui signer de contrat d'embauche. Il est essentiel de prévenir de telles situations.

Par ailleurs, le Gouvernement investit massivement en direction des jeunes via le plan jeunes, le dispositif « 1 jeune, 1 solution », le déploiement des garanties jeunes, etc., de sorte que cette génération dite « covid » ne soit pas une génération sacrifiée. Il me tient à cœur de m'assurer que l'ensemble des jeunes de l'aide sociale à l'enfance, pour lesquels nous savons que le rapport à l'emploi et à l'embauche est plus complexe, bénéficient effectivement de l'ensemble de ces dispositifs. Nous travaillons actuellement en collaboration avec Mme Brigitte Klinkert à l'élaboration d'un dispositif qui permet de s'assurer que les jeunes de l'aide sociale à l'enfance bénéficient des actions mises en œuvre à leur intention.

Entre 20 et 25 % des jeunes de l'aide sociale à l'enfance sont en situation de handicap. Ils se situent au croisement entre le social et le médico-social. Notre pays fonctionne encore beaucoup en silos et les croisements entre deux politiques sont souvent vertigineux. Honnêtement, nous ne savons pas prendre ces jeunes en charge. Certaines initiatives sont mises en œuvre dans les territoires par des associations telles que la Croix-Rouge à Moulins, par exemple, ou parfois par des départements qui inventent des solutions. Cette carence nous a conduits à imposer aux départements de proposer des dispositifs spécifiques dédiés à ces enfants dans le cadre de la contractualisation. C'est très important. En effet, nous évoquons souvent la sortie de l'aide sociale à l'enfance. Entre 20 et 25 % d'enfants passés par l'aide sociale à l'enfance se retrouvent à la rue, mais nous ignorons depuis combien de temps ils étaient à l'aide sociale à l'enfance – la veille ou depuis leur naissance ? –, s'ils y ont fait un court passage ou un long passage, s'ils y ont effectué des allers-retours, si d'autres facteurs expliquent qu'ils se retrouvent à la rue. Récemment, je me suis entretenu avec un directeur d'Enfance et Famille qui, précédemment, avait travaillé dans l'hébergement d'urgence. Il m'a dit connaître ces enfants qui, désormais à la rue, étaient passés par l'aide sociale à l'enfance. En réalité, l'ensemble de ces enfants dispose d'une reconnaissance délivrée par une maison départementale des personnes handicapées et souffre de problèmes psychologiques. Cela explique en partie leur incapacité à trouver un emploi. Il importe de connaître les racines du mal pour le soigner. Nous ne les connaissons pas, mais selon toute probabilité, les problèmes psychologiques et le handicap constituent un facteur de la désocialisation totale de ces jeunes.

Je conviens que l'enjeu de la communication relative à l'entretien prénatal précoce est important. C'est pourquoi nous avons investi dans les réseaux de santé périnatale.

Par ailleurs, je suis en effet convaincu qu'il importe d'enrayer les inégalités de destin au moment où elles se forgent, sans attendre qu'elles s'accroissent, et en les atténuant grâce à la redistribution.

Les actions que nous avons mises en œuvre ne relèvent pas d'expérimentations, à l'exception du référent 1 000 jours, que nous ciblerons sur les familles les plus fragiles, du remboursement des consultations de psychologues dans les deux cents maisons de santé et de la création des groupes de naissance en collaboration avec la CNAF.

Je ne sais pas répondre à la question relative à la télé‑expertise qui, pour autant, constitue un véritable sujet de réflexion. Les carences en pédopsychiatres touchent l'ensemble des territoires et nous rencontrons des problèmes de démographie médicale dans de nombreuses régions, au-delà des territoires ruraux. Nous tenterons de traiter ce sujet et je vous apporterai des éléments de réponse ultérieurement.

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