Intervention de Claire Pitollat

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaire Pitollat, rapporteure pour avis :

Comme vient de l'indiquer Mme la présidente, c'est la première fois que la commission des affaires sociales a l'occasion de se saisir pour avis des crédits de la mission Cohésion des territoires. Je suis ravie d'être devant vous pour vous présenter mon avis sur les crédits attribués au logement. Les Français ont passé beaucoup de temps cette année dans leur logement, avec le confinement et le couvre‑feu.

Je commencerai mon propos par ce constat d'une enquête Ipsos réalisée l'été dernier, qui montre que l'appréciation de leur logement par nos concitoyens est strictement corrélée à leur niveau de revenus : plus les personnes interrogées ont des revenus modestes, moins elles ont jugé leur logement adéquat pendant le confinement. À ces inégalités se sont ajoutées les réalités vécues par les personnes sans abri ou sans habitat stable, qui ont subi de plein fouet la crise sanitaire en plus des difficultés auxquelles elles faisaient face.

Le logement est une question profondément sociale. Le logement, ce n'est pas seulement avoir un toit sur la tête, ce n'est pas seulement le lieu où les Français ont été confinés entre mars et mai 2020, ce n'est pas seulement avoir une adresse pour recevoir du courrier ; le logement, c'est surtout un droit fondamental, malheureusement encore trop partiellement appliqué.

J'ai observé attentivement l'évolution budgétaire proposée dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Au terme de mon analyse, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 177, 109 et 135 de la mission Cohésion des territoires. J'expose dans mon rapport les avancées réalisées en 2020, les perspectives proposées par le Gouvernement pour 2021 et des pistes d'amélioration.

La partie thématique de mon rapport s'intéresse à deux axes en particulier.

Le premier est l'hébergement d'urgence, notamment la nécessité pour les hébergés de sortir des schémas d'urgence au profit de l'insertion dans un logement durable.

Le second axe concerne le maintien dans un logement décent et la lutte contre l'habitat indigne. Je suis élue à Marseille, une ville qui a été assez durement touchée, et il n'est pas possible de rester inactif à l'approche du deuxième anniversaire du drame de la rue d'Aubagne, qui a fait huit victimes le 5 novembre 2018.

Ces deux axes ont été choisis pour leur dimension sociale et pour leur complémentarité. Je suis convaincue qu'il ne faut plus opposer le monde de l'hébergement et le monde du logement. L'hébergement et le logement sont des vases communicants. C'est pourquoi les politiques de l'hébergement et du logement doivent être traitées de manière globale et décloisonnée, par une coordination des efforts et une mutualisation des moyens. Un seul objectif doit être poursuivi : la recherche de stabilité pour les personnes sans abri ou mal logées.

L'hébergement est traité au sein du programme 177. Il faut considérer l'hébergement dans le contexte difficile qui est celui de 2020. Je tiens d'abord à saluer le travail accompli par tous les acteurs depuis le début de la crise. Grâce à ces efforts, des milliers de personnes supplémentaires ont été mises à l'abri, les structures d'hébergement ont réalisé des aménagements pour permettre le respect des contraintes sanitaires, les services de veille sociale du 115 ont été en mesure de répondre à un nombre croissant de demandeurs, des chèques services ont été distribués à 110 000 personnes pour remplacer l'accès aux cuisines partagées ou la distribution d'une aide alimentaire.

Une fois dit cela, je dois souligner un paradoxe sur lequel tous les acteurs auditionnés étaient d'accord : alors que les crédits de l'hébergement ont constamment augmenté lors des dernières années, les besoins restent criants et les conditions peinent à s'améliorer. Ces crédits augmentent à nouveau cette année de 10 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Lors des auditions, j'ai entendu que l'urgence dure trop. La durée moyenne de séjour dans les structures d'hébergement est longue : elle se situe autour de treize mois.

J'ai entendu également que le nombre de places augmente mais que ce nombre n'est jamais suffisant. La crise a accentué la tendance d'accroissement des dépenses d'hébergement. Plus de 30 000 places ont été créées de manière temporaire ou pérenne.

J'ai aussi entendu que pour obtenir des résultats durables, il faut attribuer des financements aux solutions de logement pérennes. Tous les acteurs s'accordent à dire que la politique du logement d'abord est une bonne politique. Elle consiste à encourager l'accès direct à un logement stable, sans passer trop de temps dans l'hébergement. Pour ce faire, les modes de logement dits adaptés doivent continuer à être développés. Les pensions de famille et l'intermédiation locative doivent donc être encouragées. Pour accroître les chances qu'une personne se maintienne dans le logement de manière stable et pérenne et éviter ainsi tout retour dans la rue, il convient d'adapter le plus possible l'accompagnement au profil de chacun.

Concernant les personnes qui n'ont pas la chance d'accéder à un logement, j'aimerais appeler votre attention sur un point : l'accès aux droits ne peut pas être garanti si le service de domiciliation n'est pas disponible. Comment entendre lorsque l'on n'a pas de logement qu'il n'est même pas possible d'avoir accès à une boîte aux lettres ? Recevoir son courrier, c'est faire partie d'un territoire, c'est pouvoir faire valoir ses droits à des prestations sociales, c'est le premier pas vers l'autonomie. Sans cela, c'est la condamnation à l'inexistence administrative et à l'abandon social. Ce sont des mots forts, mais qui recouvrent des réalités difficiles. C'est pourquoi je me félicite des 15 millions d'euros annoncés par le Premier ministre dans le plan pauvreté afin de développer l'offre de domiciliation. Je serai vigilante quant à l'utilisation de ces fonds supplémentaires.

J'ai entendu parler, lors des auditions, de la différenciation entre les personnes à « droits complets » et celles à « droits incomplets », autrement dit les personnes en situation régulière et les personnes en situation irrégulière sur le territoire.

Pour les personnes en situation régulière, accéder au logement est un droit inscrit dans la loi de 2007 instituant le droit au logement opposable (« DALO »), mais les moyens et l'organisation manquent pour l'appliquer. Il faut encourager davantage la réhabilitation du parc existant plutôt que la construction neuve, qui n'est qu'une goutte d'eau dans le parc immobilier et mobilise pourtant beaucoup d'énergie. Il faut assurer une organisation efficace pour l'accès au logement : un bon accès aux droits, une orientation et un traitement des dossiers efficaces et un accompagnement dans le logement.

Les personnes à « droits incomplets », c'est-à-dire en situation irrégulière, sont principalement les migrants qui errent dans l'hébergement pendant des années, voire des décennies. Il faut adopter un principe de réalité, dans une coopération constante avec le ministère de l'intérieur.

J'en viens à mon second axe. Parallèlement au travail sur l'hébergement, nous devons redoubler nos efforts pour lutter contre l'habitat indigne.

Je ne m'attarderai pas sur la hausse des crédits du programme 135. Ces crédits supplémentaires seront principalement consacrés à redonner des moyens aux établissements publics fonciers, dont l'action n'est pas le cœur de ce rapport, même si je salue leur engagement en matière de lutte contre l'habitat indigne.

Je regrette que l'action 03 du programme 135 ne bénéficie pas de davantage de moyens : les crédits diminuent de plus de 6 % en 2021, alors que les besoins sont criants en matière de lutte contre les risques sanitaires au sein du logement, de réalisation des travaux d'office en cas de carence du propriétaire, de relogement des occupants en cas de défaillance du propriétaire ou d'aide aux travaux pour les propriétaires modestes.

Ma conviction est qu'il faut refaire de la lutte contre l'habitat insalubre une priorité. Pour y parvenir, il faut améliorer l'information aux occupants pour lutter contre le non‑recours aux droits. Nous devons également encourager les expérimentations locatives telles que le permis de louer. Nous autorisons le diagnostic de performance énergétique (DPE) du logement : pourquoi n'assumons-nous pas de noter aussi ses performances sanitaires ?

Tout l'arsenal juridique nécessaire est désormais disponible pour faire appliquer les sanctions envers les propriétaires. La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (« ELAN ») vient d'être complétée par l'ordonnance du 16 septembre 2020 précisant la réforme de la police de l'habitat. Je veillerai à ce que les sanctions soient bien appliquées aux propriétaires qui refusent de faire des travaux dans les logements locatifs indignes ou insalubres et à ce que les personnes qui se trouvent dans ces situations soient relogées.

Je terminerai mon propos en disant que l'application du droit au logement est la première condition pour réduire les inégalités sociales et garantir l'insertion dans la société. Sans logement, il est plus que compliqué de trouver un travail et d'accéder à l'autonomie. Des efforts doivent être déployés, non seulement pour l'hébergement d'urgence mais surtout pour le logement durable.

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