Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 15h00
Commission des affaires sociales

élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

Je remercie votre commission d'avoir accepté le report de cette audition. Je suis confuse que vous ayez été prévenus très tardivement mais nous avions une réunion avec les partenaires sociaux à propos du contexte sanitaire et des mesures qu'il implique. Après la conférence sociale de lundi dernier, le dialogue social est plus important que jamais afin de partager le diagnostic et d'échanger sur les réponses à y apporter dans ce contexte inédit. Je salue la très grande responsabilité dont les partenaires sociaux ont fait preuve hier. Chacun a conscience de la difficulté de la situation sur le plan sanitaire, de même que de la fragilisation de notre pays sur le plan économique et social. Nos échanges étaient donc empreints d'une grande gravité.

Je suis très heureuse de vous retrouver et de répondre à vos questions sur le projet de loi de finances pour 2021.

Le budget du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion est ambitieux ; il mobilise des moyens sans précédent, à la hauteur des circonstances, et doit nous permettre de traiter et de surmonter les conséquences économiques et sociales de la crise.

Ce budget de relance inclusive a été largement co-construit avec les collectivités, les partenaires sociaux et les acteurs de terrain, conformément à la volonté de concertation qui anime le Gouvernement.

Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion reposent sur deux volets.

Tout d'abord, les crédits de la mission Travail et emploi, indépendamment de l'action de relance, augmentent de 400 millions d'euros car nous souhaitons intensifier l'effort d'inclusion de tous dans l'emploi, conformément aux trajectoires prévues avant la crise.

S'ajoutent ensuite à cet effort les crédits exceptionnels de la nouvelle mission Plan de relance : 10 milliards d'euros sont ainsi alloués à mon ministère sur les 22 milliards d'euros de crédits de paiement ouverts pour 2021. Le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion est donc destinataire de près de la moitié des crédits de paiement de France Relance en 2021, ce qui montre à quel point les politiques de l'emploi et de l'insertion sont un pilier essentiel du plan de relance.

Ces politiques doivent permettre de surmonter les crises grâce à la formation, de renforcer la compétitivité de nos entreprises, de préserver et de développer les emplois et les compétences.

Le budget « socle » de mon ministère, hors relance, s'élève à 13,2 milliards d'euros et nous proposerons au vote du Parlement l'application ou le renforcement d'un certain nombre de mesures à la suite des récentes annonces du Président de la République et du Premier ministre dans le cadre du renforcement de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

Tous les dispositifs de formation et d'accompagnement vers l'emploi des jeunes et des salariés sont renforcés. Le plan d'investissement dans les compétences (PIC), doté de 14 milliards d'euros de crédits pour le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion sur l'ensemble du quinquennat, fait l'objet d'un nouvel engagement de 3,3 millions d'euros.

Les crédits de l'aide unique à l'apprentissage augmentent de près de 150 millions d'euros. La garantie jeunes et les parcours contractualisés d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) sont dotés de plus de 70 millions d'euros supplémentaires, hors plan de relance.

Les fonds destinés aux dispositifs d'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi sont également renforcés. Nous augmentons de plus de 204 millions d'euros les crédits alloués aux dispositifs d'insertion par l'activité économique (IAE), dont 62 millions d'euros issus du plan de relance. L'ensemble de ces crédits permettra l'accueil de 35 000 jeunes supplémentaires dans l'IAE et de 25 000 dans la création d'entreprises.

En outre, conformément aux annonces récentes du Premier ministre, nous proposerons au Parlement de renforcer encore le dispositif de 30 000 places supplémentaires et d'augmenter en conséquence les crédits de la mission de 150 millions d'euros.

Nous augmentons également de 23 millions d'euros le budget alloué aux entreprises adaptées, qui incluent dans l'emploi des personnes en situation de handicap, en coordination avec les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et l'emploi accompagné.

Nous maintenons le nombre de contrats aidés, hors plan de relance, notamment les 100 000 parcours emploi compétences (PEC). Dans le cadre des récentes annonces du Premier ministre, nous vous proposerons également d'augmenter le budget de 120 millions d'euros afin de renforcer le dispositif dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les zones rurales, en faisant passer le taux de prise en charge à 80 % et en doublant la cible en termes de volume.

Nous attribuons aux emplois francs consacrés aux QPV 93 millions d'euros supplémentaires d'autorisations d'engagement, lesquels bénéficieront à plus de 33 000 nouvelles entrées en emplois francs.

Nous dotons d'un budget de 23 millions d'euros l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » afin d'en financer la deuxième phase et dont la CMP, en effet conclusive, vient de permettre l'adoption du principe.

Les enjeux de mobilité sont essentiels pour l'insertion : une personne en insertion sur deux a déjà refusé un travail ou une formation en raison de ce problème. Le Gouvernement, en lien avec les collectivités locales, proposera donc au Parlement de voter une mesure nouvelle pour soutenir des plateformes mobilité et faciliter l'achat d'un véhicule pour les personnes en insertion.

Enfin, le service public de l'insertion et de l'emploi annoncé par le Président de la République à la fin de 2018 devrait se déployer dans trente territoires en 2021, puis dans trente-cinq nouveaux territoires en 2022. Nous proposerons au Parlement d'y consacrer 30 millions d'euros.

Ce budget « socle » de mon ministère est considérablement renforcé, quasiment doublé, grâce aux crédits de relance qui lui sont affectés et à ceux que nous allons proposer au vote du Parlement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.

Avec 10 milliards d'euros de crédits de paiement ouverts en 2021, France Relance permet de conduire un effort d'investissement sans précédent pour développer les compétences de nos concitoyens.

Notre première priorité, c'est la sauvegarde et le développement des emplois : près de 8 milliards d'euros lui sont consacrés. Nous faisons un effort substantiel de 7,6 milliards d'euros, dont 2,2 milliards d'euros sont financés par l'UNEDIC, pour prendre en charge l'activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé, en activité partielle ou en activité partielle de longue durée.

Une partie de ces fonds doit également financer la reconversion des salariés dans le cadre des trois dispositifs conçus avec les partenaires sociaux et les entreprises qui ont été présentés ce lundi à la conférence du dialogue social.

Deuxièmement, notre urgence, c'est de donner à tous les jeunes, quelle que soit leur situation, des solutions d'insertion dans l'emploi. Le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion pilote la plus grande partie des 6,7 milliards du plan « 1 jeune, 1 solution », répartis entre trois ministères, soit 5,7 milliards, dont 3,6 en 2021.

Comme vous le savez, nous créons des primes exceptionnelles pour encourager l'embauche des jeunes et la signature de contrats en alternance. Par ailleurs, la revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle a été votée avant-hier. Nous ouvrons également 300 000 parcours et contrats d'insertion sur mesure en renforçant les moyens qui leur sont déjà consacrés par le budget « socle ».

Pour accompagner tous les jeunes vers l'emploi, nous ouvrons 80 000 nouvelles places en PACEA et 50 000 nouvelles places en garantie jeunes, soit une augmentation de 50 %.

Pour insérer dans l'emploi les jeunes qui connaissent le plus de difficultés, nous ouvrons, au-delà des places dans l'IAE et dans l'accompagnement à la création d'entreprises, de nouveaux contrats aidés, notamment 60 000 contrats initiative emploi, 60 000 nouvelles places en PEC, en plus des 20 000 déjà prévues dans le « socle ». Enfin, nous renforçons fortement le budget des missions locales en leur allouant 100 millions supplémentaires, ce qui porte leur enveloppe à 472 millions d'euros.

Troisièmement, nous investissons plus de 1,7 milliard d'euros, dont 1 milliard d'euros dès 2021, dans les formations aux métiers d'avenir ou en tension. Notre objectif est de permettre l'accès à un emploi durable des jeunes, des demandeurs d'emplois et des salariés en reconversion.

Dans ce cadre, nous engageons tout d'abord 500 millions dès 2021 sur 1,2 milliard d'euros au total, pour ouvrir 200 000 formations aux métiers d'avenir s'adressant aux jeunes.

Ensuite, nous mobilisons près de 500 millions d'euros pour financer un vaste plan de digitalisation de l'offre de formation continue en France.

Par ailleurs, le budget 2021 présente de solides garanties de bonne exécution et d'efficacité des crédits alloués à mon ministère.

Tout d'abord, les conditions d'exécution du budget seront souples afin de garantir une efficacité maximale des dépenses. En effet, il sera possible de redéployer les crédits selon le niveau d'avancement des programmes grâce à un pilotage à la maille des territoires.

Ensuite, les dépenses de fonctionnement, notamment de personnels, participent à l'effort de maîtrise des finances publiques par l'État.

Le ministère est contributeur mais, compte tenu de la crise, j'ai veillé à ce que des ajustements en gestion soient consentis en fonction de la hausse de la charge de travail liée à la crise à travers des recrutements en contrat à durée déterminée (CDD) dans les services déconcentrés du ministère et à Pôle emploi.

Enfin, le projet de loi de finances comporte quelques évolutions législatives proposées par le Gouvernement.

Tout d'abord, pour rétablir la situation de l'opérateur France compétences, un plan d'action est en cours pour produire des effets à brève échéance. De manière plus structurelle, le Gouvernement propose de doter cet opérateur d'une règle d'or visant son retour à l'équilibre à compter de 2022.

Par ailleurs, comme vous avez pu le constater dans le cadre de l'examen de la mission Engagements financiers de l'État, le Gouvernement propose de relever le plafond de la garantie de l'UNEDIC d'un montant de 10 milliards d'euros supplémentaires.

Au-delà, en tant que ministre de l'emploi et de l'insertion, je m'assurerai que les secteurs bénéficiaires de France Relance s'engagent pour l'emploi, notamment à travers des clauses en faveur de l'apprentissage et de l'insertion, dans le cadre de marchés publics comme privés.

Déjà, des signaux de mobilisation nous remontent du terrain.

En août et septembre, les embauches ont un peu augmenté : + 1,3 % par rapport à 2019 pour les jeunes de moins de 26 ans recrutés en CDD de plus de trois mois ou en contrat à durée indéterminée (CDI) – près de 700 000 recrutements au total, ce qui est très rassurant.

Les primes à l'embauche des jeunes montent en charge. Les premiers chiffres montrent que le processus fonctionne bien – 43 000 demandes de primes entre le 1er et le 20 octobre – mais nous n'en sommes encore qu'au démarrage, moins de 10 % de réalisation de l'objectif ayant été réalisé.

La mobilisation de l'aide pourrait rapidement s'accélérer en raison des embauches qui ont eu lieu, ce que confirme une enquête menée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la part des entreprises de plus de dix salariés identifiant bien l'aide recouvrant 40 % des salariés du pays.

De la même manière, les perspectives de l'apprentissage sont positives, même si les demandes formelles de prime à l'apprentissage ne font que démarrer. Les derniers chiffres témoignent d'une dynamique très positive des conclusions de contrats, avec 314 000 contrats conclus. Si elle se poursuit, et nous ferons tout pour, nous aurons retrouvé le niveau de 2019, qui était une très belle année pour l'apprentissage. Là encore, l'enquête montre que la part des entreprises de plus de dix salariés ayant l'intention de recourir à l'aide représente un salarié sur deux.

Ce budget entend poursuivre la construction d'une « société des compétences », que la crise a rendue plus que jamais nécessaire. Elle repose sur l'idée, défendue dès le début du quinquennat par le Président de la République, que le travail est un facteur d'émancipation individuelle et de cohésion nationale, et que la formation constitue la meilleure des protections face aux crises.

Je suis prête à répondre à vos questions et à écouter les propositions d'enrichissement du texte que formulera votre commission.

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