Intervention de Adrien Quatennens

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Vu la mission que nous avons à examiner ce matin, on s'y attendait un peu, mais vous devriez avoir honte, chers collègues... Au cœur d'une crise sanitaire dont les conséquences sociales sont d'ores et déjà désastreuses et promettent de l'être encore davantage, alors que la pauvreté atteint dans notre pays un niveau jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale, vous devriez avoir honte, dis-je, de remettre sur le tapis, en ressortant les mêmes éléments de langage, une réforme des retraites qui a avorté et que 70 % des Français rejetaient. Et vous revenez avec votre petit sourire en coin nous resservir exactement les mêmes arguments ! Eh bien, puisque votre intention est de la remettre sur la table, la nôtre est de faire en sorte qu'elle reste bien profondément enfouie dans la poubelle où elle se trouve à cette heure.

Mais puisque vous relancez le débat de fond, allons-y : il est toujours aussi passionnant. Rappelons que sous couvert de simplification, de justice et d'égalité, l'objectif non avoué de votre réforme – bien que la discussion dans l'hémicycle ait provoqué certains aveux sur le banc du Gouvernement – est de procéder à une rupture historique : alors que, jusqu'à présent, lorsque la part des seniors dans la population s'accroissait, on augmentait la part de richesse consacrée aux retraites, vous entendez désormais la plafonner à son niveau actuel ; le produit intérieur brut (PIB) augmentant, expliquiez-vous, la richesse nationale allait augmenter et que nous n'aurions rien à craindre pour le financement des retraites... La suite des événements a montré quelle catastrophe en serait résulté si nous avions appliqué vos solutions de sorciers du fric... Le PIB a reculé de manière considérable, nous vivons une récession historique : si nous avions consacré la même part du PIB aux retraites, c'eût été un véritable désastre.

De plus, la réforme proposée place les Français devant une alternative simple : soit devoir travailler toujours plus longtemps pour atteindre le même niveau de pension, soit partir à la retraite à l'âge fixé, mais avec des revenus diminués – à moins de les compléter grâce aux assurances privées, qui n'ont cessé de faire des propositions en ce sens, ce que nous avions à l'époque dénoncé.

Mais surtout, elle soulève un problème d'ordre philosophique. Historiquement, avec le progrès, la productivité s'est considérablement accrue en France ; en parallèle, le temps de travail nécessaire pour produire la même chose s'est réduit, et c'est une des raisons pour lesquelles l'espérance de vie a augmenté – je ne dis pas que ce soit le seul facteur qui a joué, mais cela y a incontestablement contribué. Or ce vous nous proposez est antinomique avec le progrès.

Pour ce qui est du financement, je veux vous rassurer. Je sais que vous n'êtes pas honnêtes intellectuellement et que votre but est de faire travailler les gens plus longtemps, mais admettons un instant que vous le soyez et que, monsieur le rapporteur pour avis, vous soyez viscéralement inquiet pour le financement des retraites. Il n'y a aucune inquiétude à avoir. Pourquoi ? Parce que la question qui se pose est uniquement celle de la répartition de la richesse produite. Or, bien que seul le travail humain produise de la richesse, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 60 % en cinq ans ! En dix ans, en France, les dividendes ont augmenté de 70 % tandis que, dans le même temps, l'investissement productif reculait de 5 % et que le salaire minimum n'augmentait que de 12 %. Il est là, le cœur du problème : si la répartition de la richesse produite se faisait en faveur du travail et du salaire plutôt que du capital, que vous survalorisez depuis trois ans, nous n'aurions pas de problèmes pour financer notre système de retraite. Cessons donc les faux débats ; ce que vous voulez, c'est que les Français travaillent plus longtemps, parce que vous voulez consacrer une richesse toujours moins importante au travail humain et à sa rémunération, notamment par les retraites.

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