Intervention de Adrien Taquet

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9h30
Commission des affaires sociales

Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles :

Je tenais à être présent dès l'examen de cette proposition de loi en commission, afin de pouvoir échanger avec vous sur un sujet qui me tient à cœur. C'est un enjeu essentiel pour de nombreuses familles, qui suivent probablement nos débats ce matin.

Je vous remercie d'avoir adopté, il y a deux ans, la proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli et d'avoir continué à travailler sur ce sujet, en lien avec les familles concernées et les associations, mais aussi avec les administrations et les caisses de sécurité sociale. Cela vous a permis de repérer certaines failles dans le dispositif, que cette proposition de loi va combler.

Elle va compléter un dispositif déjà très dense, que le rapporteur a présenté. L'AJPP est une prestation qui peut être versée aux parents bénéficiant de jours de congé de présence parentale pour s'occuper d'un enfant malade, d'un enfant ayant été victime d'un accident ou en situation de handicap. Le nombre maximal de jours de CPP et d'AJPP dont peuvent bénéficier les parents est fixé à 310, dans la limite d'une durée de trois ans. Ce droit à 310 jours peut être renouvelé en cas de rechute ou de récidive de la maladie, dès lors que la période de trois ans est écoulée. Ce dispositif permet de traiter 95 % des situations, mais vous avez identifié une faille dans la loi de 2019, puisque le droit au renouvellement de l'AJPP ne peut être ouvert qu'après l'expiration de ce délai de trois ans, ce qui n'est pas adapté pour les traitements longs, qui nécessitent un arrêt total d'activité de la part de l'un des parents. Ce cas de figure ne concerne que 5 à 6 % des bénéficiaires de l'AJPP, soit, 560 des 10 300 foyers recensés en février 2020, mais il est essentiel de prendre en compte leur situation, souvent très difficile.

L'approche retenue par le rapporteur permet de résoudre parfaitement le problème identifié. La proposition de loi prévoit que l'AJPP puisse être versée au-delà de 310 jours quand la situation le justifie. À titre exceptionnel, et par dérogation au dispositif actuel, il sera désormais possible, sans attendre la fin de la première période de trois ans, d'ouvrir droit à un nouveau compteur maximal de 310 jours de congé et d'AJPP, dans la limite de trois années, sous réserve de la transmission d'un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l'enfant et d'un accord explicite du service du contrôle médical. Les parents pourront ainsi bénéficier de deux fois 310 jours d'AJPP dans les cas les plus difficiles.

Nous avons besoin de ce texte pour compléter le dispositif de soutien et d'accompagnement des parents ; il améliorera la situation des familles dont les enfants sont atteints d'un cancer ou souffrent d'une autre pathologie nécessitant des soins lourds et de longue durée, avec un accompagnement renforcé ; il donnera de la visibilité à des familles et à des associations pleinement mobilisées.

Il était extrêmement important, je le répète, que le Gouvernement soit présent dès l'examen du texte en commission, à la fois pour lui apporter son soutien et pour donner quelques précisions sur deux points : la question des délais d'attribution et de gestion du versement de l'allocation, d'une part ; la question de l'information, d'autre part.

Les situations dont nous parlons relèvent de l'urgence et il est impensable – pour ne pas dire inadmissible – que les parents doivent attendre longuement la réponse de l'administration. Les textes réglementaires évoquent un délai de trois mois, correspondant à deux « sous-délais », au terme duquel le silence de l'administration vaut accord : un délai de deux mois pour validation complète de la demande d'AJPP, d'abord – il est dû au fait que la demande doit obligatoirement être complétée par un certificat médical, transmis dès sa réception par la caisse d'allocations familiales (CAF) ou de mutualité sociale agricole (MSA) à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ; un délai d'un mois pour l'activation effective du versement de l'allocation. Fort heureusement, ces délais sont généralement bien moindres et la pratique montre que les CPAM, bien conscientes que les refus du contrôle médical sur ces dossiers sont rarissimes, procèdent la plupart du temps à des avances.

Une autre difficulté allonge également les délais. Pour procéder au versement de l'allocation, les caisses doivent attendre d'avoir reçu l'attestation indiquant le nombre de jours de congé pris au cours du mois. La procédure de validation de cette attestation est d'un autre âge, puisqu'elle repose sur une transmission par courrier entre la caisse, l'employeur et le salarié. Outre que la procédure n'est pas dématérialisée, cette prestation, qui ne concerne qu'un peu plus de 10 000 familles, est peu connue des responsables des ressources humaines et des gestionnaires de paie dans les entreprises. Pour toutes ces raisons, des difficultés et des retards ont malheureusement été constatés. On peut aisément comprendre qu'un tel système suscite l'incompréhension des familles concernées, des associations et de la représentation nationale.

Je tiens à vous assurer que ce problème est pris en compte et qu'il trouvera une solution naturelle dans les tout prochains mois, quand les données du dispositif de ressources mensuelles (DRM), alimenté par les déclarations mensuelles des employeurs aux URSSAF via les logiciels de paie, seront utilisées pour servir l'AJPP : cela supprimera, de fait, les attestations mensuelles. Cette mesure, attendue de longue date, va simplifier le quotidien de centaines de familles et nous pouvons nous en réjouir. Il était temps !

Soyez convaincus que je suivrai de très près ce chantier informatique, qui symbolise la volonté du Gouvernement de moderniser une administration dont nous souhaitons tous qu'elle soit pleinement au service des citoyens.

J'en viens, enfin, à la question de l'information. Vous savez combien je suis soucieux de faire connaître au plus grand nombre les politiques d'accompagnement à la parentalité et, plus globalement, les politiques familiales. Je pense par exemple à celle des 1 000 premiers jours, qui a vocation à se déployer sur l'ensemble du territoire. Dans ce cadre, une application « 1 000 jours » est en cours de développement, qui devrait être opérationnelle dès l'année prochaine. Elle complétera un paysage déjà très riche. Le site monenfant.fr, par exemple, qui est géré par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), recense déjà un grand nombre d'informations utiles aux parents, et il est très fréquenté. L'offre d'information existe et elle est en constante expansion.

Dans ce contexte, est-il préférable de nourrir l'existant ou de créer un système d'information nouveau, au risque de créer un doublon ? Pour qu'une nouvelle plateforme fonctionne et soit consultée, il faut la faire connaître : cela a un coût et cela prend du temps. Pour ma part, je suis favorable à l'option qui consiste à nourrir l'existant : je pense qu'il vaut mieux utiliser les sites que les parents ont déjà l'habitude de consulter. Je suis très heureux, en tout cas, que les parlementaires partagent cet objectif d'information et je souhaite que nous réfléchissions collectivement non seulement à l'outil, mais aussi au contenu des messages qu'il convient d'adresser aux parents et aux enfants qui vivent des situations difficiles. Croyez que je veillerai, d'où je suis et avec les moyens dont je dispose, à ce que les informations relatives au CPP et à l'AJPP soient largement diffusées.

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