Nous avons également souhaité profiter de ce rapport d'application pour dresser un premier bilan de la conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées (CFPPA). Cette conférence est, à nos yeux, particulièrement intéressante. Elle a l'avantage de faire travailler ensemble, au sein d'une même structure, l'agence régionale de santé (ARS), le département et l'interrégimes. De plus, des moyens supplémentaires ont été accordés afin qu'elle agisse dans le domaine essentiel de la prévention. Cela doit nous amener à faire mieux en la matière, afin de prévenir le vieillissement.
Je ne reviens pas sur les objectifs de cette instance, qui garantit une coordination et une mutualisation effectives des acteurs de la prévention de la perte d'autonomie. Avant même la généralisation du dispositif, vingt-quatre départements pilotes ont expérimenté ce format dès 2015. Nous pouvons désormais tirer certains enseignements d'une première année pleine d'exercice.
Les travaux menés mettent tout d'abord en lumière le rôle indispensable de l'appui de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), et notamment du financement du chargé de mission dans chaque conférence des financeurs. Il importe de pérenniser cet appui afin de garantir le succès d'une instance ambitieuse, appelée à devenir le pivot du financement des politiques de prévention en matière de perte d'autonomie. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 va dans ce sens en reconduisant ces crédits.
Madame la ministre, nous confirmez-vous la reconduction des crédits engagés à ce titre au-delà de l'année prochaine ? Ils sont indispensables au déploiement de la conférence des financeurs.
Les premiers retours d'expérience de la conférence des financeurs montrent également qu'il est nécessaire de coordonner l'intervention des acteurs mobilisés dans l'adaptation des logements à la dépendance. L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) est membre de la conférence des financeurs tout en finançant ses propres projets d'adaptation. Le choix des actions à financer manque donc encore de cohérence et de fluidité.
Nous formulons une proposition visant à conforter la conférence des financeurs dans sa position d'instance pivot de l'adaptation des logements à la perte d'autonomie. Les programmes de l'ANAH pourraient être systématiquement étudiés dans les conférences afin d'identifier les besoins les plus urgents et d'orienter utilement les crédits disponibles.
Au-delà de son rôle d'interlocuteur unique, la conférence des financeurs doit également offrir un cadre de financements prévisibles pour les acteurs de la prévention de la perte d'autonomie.
L'incertitude qui pèse sur la reconduction des financements d'une année à l'autre doit être corrigée par une vision pluriannuelle et un engagement sur la durée. Des conventions triennales permettraient de sécuriser les crédits alloués et de conforter les projets de prévention au-delà de leur première année. Il s'agit d'offrir de la visibilité à des porteurs de projets et à des projets qui ne peuvent s'inscrire que dans la durée et la stabilité.
Il apparaît également que certains dispositifs ou outils financés par la conférence des financeurs restent malheureusement théoriques, parce qu'ils sont confrontés à des obstacles pratiques. Nous nous sommes notamment intéressées à l'enjeu du financement des aides techniques, qui ne peut être mobilisé que si les plafonds d'APA sont saturés. Alors que beaucoup de moyens sont disponibles, ils sont très peu utilisés parce que les contraintes techniques ne le permettent pas. Le relèvement des plafonds d'APA a conduit à une désaturation des plans d'aide, rendant de fait la faculté de mobiliser ces nouveaux financements impraticables. Nous proposons donc, comme pour le répit, de revenir sur cette condition de saturation de l'APA afin de garantir l'accès aux financements disponibles.
En somme, la conférence des financeurs est représentative de nombreuses mesures de la loi ASV : plusieurs voies et chemins ont été ouverts, mais ils ne sont pas encore mobilisés. Il apparaît pourtant indispensable de s'appuyer sur le cadre juridique désormais posé pour accélérer l'adaptation de la société au vieillissement en partant des besoins de la personne et en axant les politiques d'autonomie dans une logique de parcours.
Deux sujets ne sont aujourd'hui pas réglés et doivent être mis sur la table pour atteindre cet objectif.
Je pense d'abord à l'insuffisance du pilotage transversal de la politique de dépendance.
La conduite nationale de cette politique par le ministère des solidarités et de la santé, qui est fondamentale, s'appuie sur de nombreuses compétences relevant d'autres ministères – le logement et les transports en constituent deux exemples majeurs – et d'autres acteurs – au premier rang desquels les départements, confortés dans leur chef de filât. Le bien vieillir implique en effet d'articuler de nombreux secteurs et acteurs, du sport à la culture en passant par la citoyenneté et le mobilier urbain. Les réseaux Villes-amies des aînés et MONALISA s'inscrivent pleinement dans cette démarche plurielle qui doit désormais devenir générale. En d'autres termes, il faut se demander comment articuler efficacement l'ensemble des politiques publiques pour créer un « pays ami des aînés ».
Les moyens mis à la disposition de l'État pour créer le lien et le liant entre tous ces acteurs apparaissent insuffisants. Nous le regrettons. Pour résoudre ce problème, nous formulons avec Mme Charlotte Lecocq une préconisation qui constitue le fil rouge de nos travaux et un prolongement direct de la loi ASV. Nous proposons de mettre en place une délégation interministérielle à l'adaptation de la société au vieillissement. C'est à cette condition qu'une approche uniquement sanitaire ou médico-sociale pourra être dépassée, et que l'impératif d'adaptation de la société au défi du vieillissement sera mis en oeuvre.
Madame la ministre, nous formulons le voeu que cette proposition soit entendue et redonne vie et force à une réforme qui déterminera l'avenir de nos aînés.
Je pense ensuite au financement de la politique de dépendance. Cette question, qui prend fréquemment le nom de « cinquième branche », reste pleinement d'actualité et n'a pas été tranchée par la loi ASV.
Je considère que nous ne pouvons pas la laisser de côté sans prendre le risque d'un financement durablement inadapté de la perte d'autonomie. La question est moins celle des moyens à consacrer que celle de la logique du financement : sur quels principes la prise en charge de la perte de dépendance doit-elle reposer ? Par quelles solidarités financières doit-elle passer ? Quelles modalités – assurantielles, solidaires, probablement les deux – doivent la fonder ? Autant de questions qui restent pour l'instant sans réponses alors que nos concitoyens expriment de fortes attentes. Espérons que nos débats soient l'occasion de remettre l'ouvrage sur le métier afin de garantir la pleine intégration de la dépendance dans le champ de la sécurité sociale, car il s'agit aussi du patrimoine de nos aînés.