Je suis ravie que nous puissions examiner cette proposition de loi, dont l'objectif est d'améliorer notre système de santé et de poursuivre ce que « Ma Santé 2022 » avait engagé à travers la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé : davantage de confiance aux acteurs et de simplification de leurs tâches quotidiennes.
À l'origine de ce texte, il y avait la nécessité de simplifier le déclenchement des protocoles permettant à des acteurs de santé de coopérer en déléguant des tâches, afin de mieux prendre en charge les patients et ainsi améliorer l'offre de soins. C'est l'objet de l'article qui sera proposé après l'article 1er. La proposition de loi a ensuite été complétée par des mesures de simplification permettant de recruter plus facilement des praticiens hospitaliers dans les établissements publics et dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ces mesures font l'objet des articles 3 et 4.
Après avoir beaucoup travaillé sur les GHT, d'abord en tant que médecin responsable du projet médical partagé, au cœur du dispositif de construction du projet, puis comme députée, en écoutant les acteurs des GHT en France lors du travail de concertation que j'ai mené comme co-rapporteure en amont des débats sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, il m'a semblé indispensable de faire progresser ces GHT vers plus d'intégration. C'est l'objet de l'article 7.
Il ne s'agit pas de proposer leur fusion, trop prématurée et trop systémique – certains ne manqueront pas de le rappeler. Il s'agit seulement de franchir une étape vers des GHT plus efficaces, avec une offre de soins graduée par filière médicale et des professionnels mieux répartis sur le territoire. Les expériences ont montré que les directions communes sont un levier efficace pour progresser dans cette direction. Des rapports récents de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) l'ont confirmé.
Dans sa version initiale, l'article 7 propose une direction commune systématique dès qu'un poste de directeur d'un établissement appartenant au GHT devenait vacant. Devant les inquiétudes exprimées sur le caractère automatique de cette mesure, je vous proposerai une réécriture de l'article 7 : en cas de vacance, un intérim serait assuré par l'établissement support, relayé par une direction commune si ce projet recueille un avis favorable des élus du territoire. Je ne doute pas que cette solution de compromis permettra aux élus que nous sommes d'avancer, afin de créer une meilleure offre de soins dans nos territoires, coordonnée avec l'établissement support.
Autre mesure de confiance et de simplification, inscrite à l'article 2, les femmes enceintes pourront bénéficier d'un arrêt maladie prescrit par les sages-femmes, sans limitation de durée. Dans le même ordre d'idée, à l'article 14, je propose la création d'une plateforme numérique d'information et de services pour les personnes en situation de handicap.
À l'origine encore, cette proposition de loi comportait des mesures d'amélioration de l'offre de soins, de simplification et de confiance envers les acteurs. Puis la crise sanitaire est intervenue, d'une ampleur considérable. Depuis le printemps dernier, elle bouleverse la vie de la nation et de chacun de nos concitoyens. Cette crise a braqué le projecteur sur notre système de santé, soulignant l'urgence de porter attention à nos médecins et soignants. C'était l'objet du Ségur de la santé.
Les conclusions du « Ségur », présentées en juillet 2020 par le ministre Olivier Véran, donnent des orientations fortes pour poursuivre la modernisation du système de santé en France, améliorer le quotidien des soignants et la prise en charge des patients. Les accords signés par les partenaires sociaux prévoient des revalorisations salariales attendues par les personnels, qui ont été confirmées dans le PLFSS que nous avons adopté hier en nouvelle lecture.
Le Ségur de la santé a aussi ouvert de nombreuses autres pistes qui ne relèvent pas du domaine budgétaire, mais ont des effets tout aussi importants pour nos professionnels de santé. Elles ne doivent pas rester lettre morte. La proposition de loi s'est révélée un vecteur législatif approprié pour cela : sa vocation cadrait parfaitement avec les conclusions du « Ségur » insistant sur la nécessité d'apporter de la souplesse, de simplifier l'organisation et la gouvernance des établissements, de faire davantage confiance aux acteurs.
La proposition de loi ne reprend pas pour autant toutes les mesures annoncées lors du Ségur de la santé. Plusieurs d'entre elles ne relèvent pas du domaine de la loi et seront mises en œuvre par voie réglementaire – le ministre en a pris l'engagement auprès des signataires des accords.
La création d'une profession médicale intermédiaire, correspondant à la mesure 7 du « Ségur », est la première mesure que j'ai voulu reprendre. En France, l'exercice légal de la médecine conduit à un cloisonnement important des professionnels de santé : le médecin est diplômé à bac + 10 et l'infirmière, à bac + 3, quand certaines professions paramédicales le sont à bac + 4 ou + 5. Le fossé reste important entre les médecins et les auxiliaires médicaux, alors que de nombreux pays voisins ont considérablement avancé sur l'évolutivité des métiers des auxiliaires médicaux, pour mieux répondre aux défis médicaux de notre temps.
À l'issue du « Ségur », l'engagement avait été pris que les ordres des médecins et des infirmiers travailleraient ensemble à la définition des professions médicales intermédiaires, dans le cadre d'une mission confiée par le ministre. Le principe de ces professions ainsi défini devait ensuite être inscrit dans la loi par la proposition de loi. Mais l'Ordre des médecins a conditionné sa participation aux concertations au retrait de l'article 1er du texte initial. J'ai pris acte de cette situation de blocage, mais devant l'importance du sujet, sur lequel nous devons avancer sans attendre, je vous proposerai une reformulation de cet article.
Un amendement de rédaction globale de l'article 1er propose donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'état de mise en œuvre des protocoles de coopération et des pratiques avancées pour l'ensemble des auxiliaires médicaux. Il est indispensable que nous progressions sur la redéfinition des corps de métiers de chacun des professionnels de santé, afin de faire entrer notre pays dans le XXIe siècle. L'évolution des métiers des auxiliaires médicaux participe non seulement à la reconnaissance que nous devons à ceux-ci, mais aussi à l'amélioration de l'accès aux soins et de la qualité de prise en charge de nos compatriotes.
Les autres mesures du « Ségur » très attendues des professionnels des établissements publics concernent l'assouplissement de la gouvernance de ces établissements. C'est l'objet du chapitre IV de la proposition de loi. Là encore, il s'agit de redonner confiance aux acteurs, avec une gouvernance plus proche des soins, une gouvernance de proximité.
Les mesures que je propose sont issues des concertations conduites par le professeur Claris, dans le cadre de son rapport sur la gouvernance de l'hôpital, dont les conclusions ont été versées au « Ségur ». L'article 5 inscrit dans la loi le rôle essentiel du service comme unité de base, indispensable à l'organisation des établissements ; il restaure la fonction de chef de service, nommé par codécision administrative et médicale. Les articles 6 et 8 donnent encore plus de souplesse aux établissements dans leur organisation interne, en leur permettant de déroger au droit commun. Je présenterai des amendements visant à préciser la portée de ces articles, dans la foulée des auditions que j'ai pu conduire.
L'article 11 correspond à une attente majeure des hospitaliers : il propose d'ajouter au projet d'établissement un volet managérial, essentiel à la reconnaissance et à la motivation des équipes, afin d'améliorer la qualité de vie au travail des personnels et de réduire les risques psychosociaux.
Comme il est souhaitable d'ouvrir l'hôpital sur la cité, il est proposé de faire entrer les usagers, étudiants et soignants dans les instances de gouvernance. L'article 9 permet aux établissements qui le souhaitent d'intégrer des personnalités qualifiées au sein de leur directoire.
Une autre mesure importante du « Ségur » est la lutte contre le mercenariat et les excès de l'intérim médical constatés dans nos territoires, en particulier les plus en difficulté. L'article 10 prescrit aux comptables publics de bloquer les rémunérations des contrats d'intérim dépassant le plafond réglementaire et aux agences régionales de santé (ARS) de déférer au tribunal administratif les contrats irréguliers. Il s'agit d'adresser un message fort aux professionnels qui profitent des difficultés démographiques actuelles et de l'impérieuse nécessité pour les établissements de santé de garantir l'accès aux soins des populations les plus fragiles, en imposant des conditions de rémunérations déraisonnables.
Les sujets que nous allons examiner sont assez techniques, mais leur contenu répond aux attentes pressantes des professionnels de terrain. Ce texte n'a pas l'ambition de régler de manière exhaustive l'ensemble des sujets, mais bien d'insuffler une dynamique à poursuivre. Il s'agit d'un texte de progrès ; notre responsabilité d'élus est de faire en sorte que le système de santé permette une prise en charge de qualité dans tous les territoires, et que chacun des acteurs de santé puisse participer à l'amélioration. Tournons notre système vers l'avenir ; il est temps !