Intervention de Dominique Potier

Réunion du mardi 15 décembre 2020 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Je salue au nom du groupe Socialistes et apparentés le président et les deux co-rapporteurs de la mission. Je faisais partie des sceptiques et je pense qu'il existe parfois un certain honneur à reconnaître avoir changé d'avis. Vous m'avez impressionné par votre travail, votre persévérance dans la durée et la qualité du travail rendu in fine. Je dois le dire, sinon je ne serais pas honnête intellectuellement.

Il me semblait que la méthode du Gouvernement consistant à laisser venir les crises l'une après l'autre, à traiter la question molécule par molécule n'était pas un bon chemin. Il se trouve que le glyphosate, par la charge symbolique qu'il avait prise dans notre société et par son caractère systémique, devait bénéficier d'un traitement singulier. Je dois l'admettre aujourd'hui.

Je voudrais simplement vous dire que pour ma part – et je suis un cas singulier dans mon groupe –, je n'avais pas voté l'interdiction du glyphosate. Je n'avais pas pris part au vote et cela m'a coûté très cher dans l'opinion. Il me semblait exister un véritable danger sur le fond, à ce que notre démocratie devienne une démocratie d'opinion et ne fasse pas confiance aux institutions alors que j'ai passé le premier quinquennat à bâtir le plan Écophyto 2. Nous avons bâti des institutions et adopté l'amendement sur la phytopharmacovigilance qui permet de retirer des molécules comme le métam-sodium qui était employé notamment pour la mâche nantaise. Une douzaine de molécules sont en cours d'examen et certaines seront retirées après leur mise sur le marché. Nous avons créé un « coupe-file » pour le biocontrôle et renforcé les moyens de l'ANSES. Ce travail crée des institutions démocratiques et ce n'est pas de la démocratie d'opinion.

Le marché a fait son œuvre et les firmes ont retiré les produits plus chers ; il ne s'est pas produit de substitution. Nous sommes bien à la recherche d'alternatives. Je n'ai rien à dire sur les exceptions que vous posez. Celles sur la vigne sont liées à des problèmes pédoclimatiques que nous ne pouvons pas ignorer à court terme et celle sur les systèmes racinaires de l'arboriculture n'a pas de solution mécanique pour l'instant.

Je suis plus étonné et dubitatif pour l'agriculture de conservation des sols. Je suis persuadé qu'un champ de recherche couplant la mécanique et la génétique permettra l'élimination des couverts à court terme. Nous disposons déjà de solutions sur les dicotylédones. La coupe sous-surfacique est envisagée pour les graminées. Nous pourrons demain faire du mulch, avoir des solutions écologiques et économiques performantes qui nous permettent de nous affranchir du glyphosate. L'agriculture de conservation peut jouer son rôle. L'associer au glyphosate, c'est la condamner alors qu'elle a une fonction à jouer dans les écosystèmes par ses bénéfices globaux.

Dans les régions intermédiaires, l'essentiel de nos problèmes n'est-il pas lié à l'écosystème avec une compétition sur les coûts qui a fait perdre le sens de la valeur ajoutée ? Nous sommes dans une impasse. Le manque de main-d'œuvre et la recherche des moindres coûts les ont amenées à produire pour la mondialisation des produits toujours moins chers. C'est une course sans fin, c'est une course perdue pour ces zones intermédiaires. Nous devons faire un grand plan économique et social pour retrouver de la valeur ajoutée humaine, agronomique, écologique et sur les produits. Il faut les reconnecter à l'élevage, il faut que le plan Protéines soit d'abord pour ces zones. Il faut allonger les rotations, il faut complexifier, il faut réinventer une agronomie du futur et des marchés du futur pour ces zones intermédiaires. Elles s'en tireront sinon par des mesures d'exception et vous le regretterez.

Enfin, vous relégitimez le plan Écophyto et souhaitez une gouvernance partenariale. Je le défends depuis trois ans, comme le plan Protéines et la certification HVE 3. Cela fait trois ans que nous plaidons dans le désert. Nous sommes satisfaits que cette position soit désormais défendue et je ne vous cache pas que je serais heureux de faire partie des quatre parlementaires présents autour de la table pour construire des solutions d'avenir réconciliant société et agriculture.

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