Monsieur Bassères, vous êtes loin de nous être inconnu : vous êtes en effet directeur général de Pôle emploi depuis décembre 2011, ce qui fait déjà trois mandats de trois ans. Notre commission vous a auditionné pour la dernière fois le 27 octobre dernier, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.
Depuis trois ans, le marché de l'emploi a connu un bouleversement significatif, auquel Pôle emploi doit faire face : 369 000 demandeurs d'emploi supplémentaires sont inscrits depuis février et, selon les estimations de l'UNEDIC, environ 670 000 emplois seraient détruits d'ici à la fin de l'année 2020 tandis que 300 000 emplois salariés pourraient être créés en 2021.
Dans un premier temps, je souhaiterais vous demander ce que vous faites depuis octobre pour réagir à l'évolution de la situation sanitaire. Comment Pôle emploi a-t-il fait face au second confinement ? Le premier confinement vous a-t-il incité à réfléchir au développement de vos services à distance, dont vous nous avez déjà quelque peu parlé ? Alors que le recrutement d'un salarié nécessite un ou plusieurs entretiens en tête à tête, Pôle emploi a-t-il réfléchi à des solutions techniques pour favoriser les embauches pendant le confinement ? Que recommandez-vous aux employeurs ?
Dans un deuxième temps, j'aimerais examiner votre bilan au vu des objectifs qui vous ont été assignés. La convention tripartite État-UNEDIC-Pôle emploi conclue en octobre 2019 et qui s'applique jusqu'à la fin de l'année 2022, prévoit une évaluation externe des indicateurs stratégiques de performance en 2021. Trois orientations stratégiques avaient été retenues : accélérer et faciliter le retour à l'emploi durable des demandeurs d'emploi, en adaptant la personnalisation et l'intensification de l'accompagnement aux besoins de chacun, tout au long de son parcours ; lutter plus efficacement contre les difficultés de recrutement des entreprises, en répondant de manière personnalisée et réactive aux besoins des entreprises, notamment des PME ; développer et valoriser les compétences et les qualifications des demandeurs d'emploi afin de favoriser les recrutements, en proposant notamment des formations plus pertinentes, plus personnalisées, plus lisibles et plus rapidement accessibles. Pour chacun de ces points, pourriez-vous compléter votre présentation en indiquant les résultats que vous avez obtenus ?
Vous avez précisé les objectifs que vous proposez pour le mandat triennal qui pourrait vous être confié. Au vu des défis qui vous attendent et de la situation de l'emploi, n'est-il pas temps que l'État et Pôle emploi remettent à plat les objectifs définis en 2019, dans le cadre d'une nouvelle convention ? Comment quantifier et évaluer les nouveaux objectifs que vous avez fixés pour les trois ans à venir ? Face à l'augmentation des besoins, il faudra faire plus.
Dans un troisième temps, il faudrait évaluer les moyens mis à votre disposition pour atteindre ces objectifs.
En termes financiers, la convention triennale avait prévu que l'État diminue sa subvention pour charges de service public de 14 % sur trois ans. En 2021, le plan de relance vous accorde cependant deux subventions exceptionnelles – une première enveloppe de 250 millions d'euros pour recruter 1 500 agents, et une seconde de 65 millions pour organiser l'accompagnement des jeunes. Faut-il pérenniser le montant de 1 milliard d'euros ainsi fourni chaque année par le budget de l'État ?
En termes d'emplois, dans le cadre du plan de relance entériné par le projet de loi de finances pour 2021, Pôle emploi a été autorisé à recruter, dès septembre 2020, 2 150 agents supplémentaires, dont 650 équivalents temps plein pour l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ). Les recrutements seront majoritairement réalisés en contrat à durée déterminée (CDD), le nombre de contrats à durée indéterminée (CDI) ne pouvant être supérieur à 500, afin de s'ajuster au plus près des besoins. Des effectifs supplémentaires pourront être autorisés dans le cadre de deux clauses de revoyure. Où en êtes-vous dans ces recrutements ? Seront-ils suffisants face à l'afflux de nouveaux demandeurs d'emploi ? Le dispositif d'accompagnement intensif des jeunes a pour objectif d'atteindre 135 000 bénéficiaires en 2020 et 240 000 en 2021 : disposez-vous des moyens humains nécessaires pour éviter de perdre des jeunes en chemin ? Faut-il que Pôle emploi repense ses méthodes pour faire face à l'afflux de nouveaux demandeurs d'emploi ?
Le volet suivant de mon questionnement porte sur le développement des partenariats locaux et le pilotage au niveau local de l'action de Pôle emploi. Cette tendance concerne, dans un premier temps, le niveau régional. Dans son discours devant le quinzième congrès des régions de France, le 1er octobre 2019, le Premier ministre Édouard Philippe avait proposé d'ouvrir « la possibilité d'expérimenter dans quelques régions un nouveau rôle pour les régions dans la gouvernance de l'action de Pôle emploi dans le domaine de la formation professionnelle ». Six régions ont été sélectionnées pour expérimenter le pilotage régional de l'action de Pôle emploi en matière de formation des chômeurs, en articulant cette expérimentation avec la mise en place du service public de l'insertion, qui fait actuellement l'objet d'une concertation. Alors que le PIC est appelé à devenir le véhicule de mise en œuvre d'une grande partie du volet compétences du plan de relance, les régions réaffirment leur souhait de piloter l'ensemble de ce volet, c'est-à-dire la formation non seulement des demandeurs d'emploi et des jeunes, mais aussi des salariés au chômage partiel et en reconversion, ce qui implique d'ouvrir les pactes régionaux d'investissement dans les compétences à d'autres champs d'action que ceux prévus dans les documents signés pour la période 2019-2022. Où en êtes-vous de ces expérimentations ? Est-il souhaitable de les étendre afin d'impliquer les régions dans l'ensemble de l'activité d'accompagnement des demandeurs d'emploi, hors indemnisation ?
Je souhaiterais également évoquer les partenariats locaux. Vous avez contractualisé pour coordonner vos actions avec celles des missions locales et des antennes de Cap emploi. Dans le cadre d'appels à projets, vous développez des partenariats avec les maisons de l'emploi et, bientôt, les conseils départementaux. Quels autres partenariats pourriez-vous développer pour que l'action de Pôle emploi soit plus ancrée et plus adaptée à la diversité des territoires et des bassins d'emploi ? Pourrait-on imaginer une généralisation de ces partenariats, avec des objectifs communs ?
Le sixième axe de mon questionnement porte sur la différenciation de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Comment prenez‑vous en compte l'éloignement du marché de l'emploi ? Quels services pourraient être dématérialisés pour les nouveaux demandeurs d'emploi relativement rompus aux mécanismes du marché de l'emploi ? L'ouverture de l'accompagnement des demandeurs d'emploi à des organismes privés, plaçant Pôle emploi en situation de concurrence sur certains segments de son activité, serait-elle de nature à améliorer la qualité du service rendu à certains publics ? Quels dispositifs innovants Pôle emploi pourrait-il mettre en place, en s'inspirant notamment des expériences de ses homologues étrangers ?
Le dernier axe de mon questionnement concerne l'action de Pôle emploi en matière de formation des demandeurs d'emploi. Quel bilan faites-vous de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel s'agissant de la formation des demandeurs d'emploi ? Observe-t-on un réel effort en faveur de leur qualification pour retrouver un emploi ? Combien de demandeurs d'emploi ont suivi une formation l'année dernière ? Comment Pôle emploi peut-il améliorer son dispositif de formation des demandeurs d'emploi, et avec quels moyens ?