Les questions étaient nombreuses, ce qui est tout à fait normal ; je vais essayer de structurer ma réponse en quelques points, pour laisser le temps aux autres parlementaires d'intervenir.
En ce qui concerne la transparence, nous avons publié hier un tableau au format PDF contenant la totalité des vaccinations réalisées, la répartition régionale ainsi que le pourcentage de la population vaccinée par région. J'ai demandé que soient publiées tous les jours, à 19 heures 30 au plus tard, les données dont nous disposons, c'est-à-dire le nombre de vaccins injectés par région, la proportion de la population protégée et le nombre de doses dont disposent les régions, ce qui permet aussi d'indiquer le pourcentage de doses consommées dans chaque région. Je veux que ces données soient en accès libre. Cela me semble tout à fait naturel.
S'agissant de la pharmacovigilance, nous avons eu l'occasion d'expliquer le mécanisme en détail lors de la présentation au Parlement de la stratégie vaccinale : elle sera assurée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la HAS, Santé publique France et les centres nationaux de référence. Les leviers classiques en matière de pharmacovigilance sont renforcés ; cela permet à tout un chacun de déclarer des effets indésirables.
De manière à vous montrer que la transparence est non pas un handicap mais une valeur que je continue à porter en étendard – comme c'est le cas, du reste, depuis le premier jour de la gestion de crise –, je tiens à vous dire que nous avions enregistré, hier soir, un seul cas d'effet indésirable de nature allergique, correspondant d'ailleurs à ce qui a été constaté à l'étranger. L'issue a été favorable et les suites simples. Comme je l'avais moi-même expliqué jeudi dernier, il faut s'attendre à un cas d'effet indésirable de nature allergique pour 100 000 personnes vaccinées. Or nous en étions hier à 138 000 Français vaccinés.
Le carnet de vaccination électronique est un très bon outil, monsieur Isaac-Sibille, et je remercie les professionnels de santé qui y travaillent. La seule difficulté tenait à la possibilité de le déployer et de le mettre en œuvre dans des délais serrés, ainsi qu'à sa capacité à supporter une charge extrêmement élevée. En l'état, il était donc inexploitable, mais, je le répète, c'est un outil dont je souhaite me servir le plus vite et le plus largement possible.
En ce qui concerne la coopération entre soignants et la question de savoir qui va procéder aux vaccinations, je rappelle que le vaccin est administré sur prescription médicale obligatoire, mais que l'opération en elle-même peut être déléguée à des soignants. Par ailleurs, nous avons fait le choix qu'un médecin soit toujours présent dans les sites où la vaccination a lieu, qu'il s'agisse des centres de vaccination à destination du monde de la ville ou des centres de vaccination hospitaliers.
Pour l'administration d'un vaccin comme celui de Pfizer, dont les conditions de conservation sont extrêmement délicates et les modalités d'utilisation très précises, nous avons fait le choix de petits centres de vaccination, privilégiant la proximité, et non de « vaccinodromes » comme certains pays voisins. Il est évident que, lorsque nous disposerons – le plus vite possible, je l'espère – de vaccins se conservant plusieurs jours au réfrigérateur, entre 2 et 8 degrés, d'usage plus simple et plus classique, nous nous appuierons sur l'ensemble des soignants maillant le territoire. En tout cas, je le souhaite ardemment. La vaccination antigrippale se fait aussi bien chez le médecin que chez l'infirmier ou le pharmacien, ce qui nous permet de vacciner plusieurs millions de Français par semaine. J'attends donc l'avis de la HAS, dans le cadre de l'élaboration d'un protocole de coopération.
Les centres de vaccination ont d'ores et déjà la possibilité de recruter des personnes, sur une liste de soignants – en exercice, en formation ou retraités – habilités à vacciner. Le décret a été publié il y a plusieurs jours et il est utilisé au quotidien. Je remercie d'ailleurs tous les soignants qui s'engagent – personnels médicaux ou autres, qu'ils exercent dans le public ou dans le privé. Je remercie aussi la réserve sanitaire, la réserve civique et l'ensemble des acteurs qui permettent aux centres de vaccination de bien fonctionner.
J'ai expliqué que nous voulions avoir cent centres ouverts la semaine dernière, monter progressivement à trois cents au cours de cette semaine et, à terme, disposer de cinq à sept centres par département. Je ne souhaite pas qu'il y en ait plus car, en les multipliant, nous risquons de multiplier également les déconvenues liées à un défaut d'alimentation en vaccins. En effet, dès lors qu'un département reçoit un contingent de doses, plus il répartit ces dernières entre un nombre de centres élevé, plus rapidement certains d'entre eux risquent de manquer de vaccins.
Nous avons donc opté pour une vision cohérente et fait le choix de la proximité. Nous mettons aussi en place avec les élus des moyens d'aider les personnes âgées vivant à leur domicile à se déplacer lorsqu'elles ne peuvent pas le faire par elles-mêmes. J'y reviendrai.
Je n'ai donc pas fait le choix de gros vaccinodromes, à l'échelle régionale, qui auraient impliqué, pour des personnes âgées de 85 ans et plus, de faire 150 kilomètres et des heures de queue à l'extérieur d'un gymnase, en plein hiver. Je revendique cette décision, qui me semble d'ailleurs très bien acceptée par les élus.
Le dispositif facilite également l'acheminement des vaccins. À cet égard, je le répète, l'acheminement suit la production. Nous avons communiqué de manière transparente sur le nombre de doses des cinq principaux vaccins, validés ou dont nous attendons et espérons la validation, qui nous seront acheminées. Ainsi, chacun est en mesure de saisir les enjeux – j'y reviendrai.
Mercredi dernier, en France, nous disposions de 1,8 million de doses de vaccins Pfizer et nous sommes ravitaillés à raison de 500 000 – et bientôt un million – de doses par semaine. Nous avons reçu hier les cinquante mille premières doses du vaccin Moderna, dont j'ai annoncé le déploiement préférentiel dans les communes des territoires qui font face à une recrudescence épidémique. Ces vaccins viendront renforcer les capacités de vaccination dans ces communes. C'est un choix revendiqué et il sera effectif dès cette semaine.
Sur la question du matériel, comme vous, je lis la presse. Il suffit parfois qu'une équipe, dans un établissement, se fasse l'écho de difficultés à trouver des aiguilles pour qu'on évoque un problème national de logistique ! Nous disposons de 3,3 millions d'aiguilles et nous allons recevoir 2 millions supplémentaires dans les prochains jours. Nous avons un stock de 4,6 millions de seringues et nous allons également en recevoir dans les jours à venir.
En ce début de semaine, 850 000 aiguilles et 600 000 seringues sont déstockées à destination des territoires. Elles s'ajoutent à tout le matériel d'injection dont disposent déjà, par nature, les hôpitaux. La complexité est liée au nombre de références : il en existe quinze pour les aiguilles et pas moins de seize pour les seringues, qui permettent toutes de réaliser une intramusculaire et d'injecter le vaccin. Nous avons donc fait le choix de commander ces seringues et ces aiguilles – toutes compatibles donc –, puis de les répartir dans les hôpitaux. Si un hôpital ne dispose plus d'une des quinze références, cela ne veut pas dire qu'il n'a pas les quatorze autres...
Tous les départements français sont équipés en supercongélateurs activés, sécurisés, autonomisés, permettant de stocker les vaccins. Le dernier sera livré à Mayotte le 20 janvier. Il avait été initialement prévu que Mayotte bénéficie de transferts de vaccins depuis La Réunion, mais elle a souhaité disposer de cet équipement, et nous le mettons en place avec le soutien du service de santé des armées, qui nous a aussi aidés à déployer les congélateurs et à acheminer du matériel dans les territoires ultramarins. Rassurez-vous, nous ne nous privons d'aucune aide. Je remercie d'ailleurs Florence Parly pour son soutien.
Au ministère, la logistique du dispositif est pilotée par une task force, une équipe solide qui travaille depuis des mois, encadrée par un général des armées et à laquelle participent deux lieutenants-colonels. Vous le voyez, nous avons donc mobilisé l'armée.
Il existe deux flux de distribution des vaccins à destination des territoires : le flux A et le flux B. Le flux B est utilisé dans les centres de vaccination, de façon courante ; le flux A est réservé à la campagne de vaccination dans les EHPAD – c'est pourquoi il n'est réparti que sur quelques centrales au niveau national. Les EHPAD disposent de la date à laquelle nous intervenons dans leur établissement pour vacciner et les circuits de distribution privilégient la contiguïté territoriale, considérant que ce petit brin d'ARN messager est bien fragile et qu'il n'aime pas les trajets et les transports. Ainsi, nous avons dû différer l'envoi des vaccins en Corse pendant environ quarante-huit heures, non pas parce que nous aurions échoué d'un point de vue logistique – comme j'ai pu le lire – mais parce que les conditions météorologiques risquaient d'entraîner trop de secousses. La Corse a été livrée, je vous rassure, et nous avons complété par un navire afin d'acheminer les vaccins à l'autre bout de l'île. La logistique est certes complexe, mais nous tenons le choc.
J'entends les critiques : l'administration ne saurait pas faire. Pour ce qui me concerne, je tire mon chapeau à cette administration parce que, le 24 décembre au soir, le 31 décembre au soir, je peux en attester, elle était au boulot ! La grande administration française, ce sont des hommes, des femmes, mobilisés jour et nuit dans les territoires et au niveau national, pour l'intérêt général. Ce sont des personnes que vous ne voyez pas, que vous n'entendez pas, mais qui ont des oreilles, des yeux et qui lisent. Je profite de cette audition pour les remercier car ces milliers de personnes sont engagées depuis des mois et, sans elles, nous n'aurions pas organisé les transports sanitaires entre hôpitaux en plein pic épidémique, nous n'aurions pas été capables d'acheminer des masques et des tests et nous ne serions pas le pays qui teste le plus en Europe, avec l'Angleterre.
Vous m'avez interrogé sur les prestataires privés : il est tout à fait classique et cohérent de s'appuyer sur l'expertise du secteur privé. J'entends régulièrement les deux critiques : l'administration serait toute-puissante mais il serait scandaleux de passer par des prestataires privés ! Nous faisons les deux, mon colonel, si vous me permettez l'expression. Nous travaillons effectivement avec un prestataire sur la logistique vaccinale. Il a été sélectionné dans le cadre d'un marché public avec un système de carrousel et opère dans de très nombreux pays européens.
La France insoumise m'a également interrogé sur nos prestataires internet. Monsieur Quatennens, nous travaillons effectivement avec trois entreprises, capables de fournir des solutions numériques pour la prise de rendez-vous du grand public. Selon vous, nous aurions dû tout construire au sein du secteur public, en partant de zéro. Mais il s'agit d'acteurs français ! Ainsi, pour n'en citer qu'un, Doctolib est non seulement français mais il offre également ses solutions de prise de rendez-vous pour la vaccination en Allemagne. La France dispose donc de très solides entreprises, capables de fournir tous les services et ce serait « sale » parce qu'elles sont privées. Ce n'est pas du tout ma vision de la France, de son esprit d'entreprendre et de notre capacité à nous appuyer sur toutes les compétences ! Nous pouvons nous enorgueillir que des sociétés françaises fonctionnent bien et soient prêtes !
Nous ne disposons pas encore de données suffisamment solides permettant d'établir que le vaccin préserverait de la transmission du virus. Nous savons que les vaccins Pfizer ou Moderna protègent les poumons des formes graves de covid. C'est pourquoi nous ciblons en priorité les personnes âgées, les plus fragiles et les plus vulnérables. Nous ne vaccinons pas les personnes plus jeunes pour l'instant, mais leur tour viendra.
Nous produisons également des vaccins. En parfait franglais, nous réalisons du fill and finish en France. Trois entreprises de biologie pharmaceutique travaillent avec les principaux laboratoires producteurs de vaccins afin d'augmenter nos capacités de production aux niveaux national et européen.
Monsieur Quatennens, j'ai entendu que M. Mélenchon regrette que le vaccin soit américain. Je le cite, il aurait préféré un vaccin russe, cubain ou chinois. Je me réjouis que vous ajoutiez la France à la liste des pays légitimes pour faire de la recherche !
Vous m'avez interrogé sur le rôle des élus. Juste après cette audition, je rejoindrai les présidents de Régions de France, de l'Association des départements de France, de l'association des maires de France et de France urbaine, représentant les grandes collectivités, comme je le fais très régulièrement depuis plusieurs mois, afin de poursuivre la concertation. Elle se déroule, à chaque fois, très bien.
Pour illustrer le rôle des élus dans les territoires, et afin de répondre à Mme Dubié que je remercie pour son intervention, j'étais chez elle samedi, à Tarbes. Qui ai-je vu ? Des soignants de ville, libéraux, des soignants hospitaliers, des directeurs, l'agence régionale de santé (ARS), le préfet, un maire qui n'est pas de la majorité présidentielle, un président de département et une présidente de région, mobilisés, qui ont ouvert des centres de vaccination. Personne ne m'a dit que ces centres fonctionnaient mal et le président du département m'a expliqué qu'il a mis des médecins et des soignants à la disposition des EHPAD de son département afin de compléter leurs équipes lorsqu'ils n'ont pas de médecins coordonnateurs sur place. Un maire m'a expliqué qu'avec le fichier des personnes fragiles qui vivent à domicile dans sa commune, il s'apprête à aller chercher celles qui le souhaitent pour les emmener au centre de vaccination. La présidente de région m'a indiqué participer de façon harmonieuse au dispositif, en y mettant, elle aussi, ses moyens. C'est également cela que les Français attendent de voir : la capacité des élus locaux et nationaux à servir l'intérêt général, au-delà des polémiques. Bien sûr, les questions sont tout à fait légitimes, je ne les critique pas.
Madame Dubié, je vous remercie pour votre engagement au sein de votre territoire. Les élus dont je viens de parler montrent qu'ils sont capables d'agir ensemble pour protéger les Français.