Je suis depuis 1999 directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) mais j'ai eu la chance que l'Inserm accepte de me détacher à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). J'y ai fait une carrière assez longue puisque j'y ai passé dix-sept ans. J'y ai notamment été responsable du département « Initiative pour la recherche sur les vaccins » puis sous-directeur général chargé des systèmes de santé et d'innovation.
À ces deux postes, j'ai eu à coordonner la réponse par la recherche à deux crises sanitaires. En 2009-2010, j'étais responsable de l'opération de l'OMS destinée à distribuer les vaccins contre la grippe pandémique H1N1 et, à cette occasion, j'ai coordonné une opération visant à distribuer 87 millions de vaccins à 87 pays. J'ai été aussi été responsable de la coordination de la recherche et du développement de vaccins au moment de la crise Ebola en Afrique de l'Ouest entre 2014 et 2016, ainsi que la mise en place en Guinée de l'essai vaccinal qui a démontré l'efficacité du premier vaccin contre Ebola. C'est actuellement le seul ayant démontré son efficacité ; il est enregistré sous l'étiquette de la société Merck.
J'ai pris ma retraite de l'OMS en 2017 et j'ai souhaité réintégrer mon corps d'origine à l'Inserm. Je suis actuellement rattachée à la direction générale de l'Inserm. En dehors de la pandémie, mon activité principale est de diriger le programme de recherche prioritaire sur la résistance aux antibiotiques. Je représente également la France dans différents partenariats de recherche contre l'antibiorésistance.
Lorsque la crise de la covid a commencé, début 2020, Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'Institut d'immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie (I3M) de l'Inserm, m'a demandé de m'impliquer dans la mise en place de l'essai thérapeutique Discovery. Il s'agit d'une étude clinique paneuropéenne qui envisage de tester différentes molécules chez les patients hospitalisés ; elle est une étude fille de l'étude mondiale Solidarity menée par l'OMS. Au vu de mes responsabilités passées à l'OMS, je sers de lien entre la France, Discovery et l'OMS, donc la recherche au niveau mondial. Je fais partie du comité exécutif de l'essai Solidarity.
Le temps passant, l'Inserm et Yazdan Yazdanpanah m'ont demandé de monter au mois de mai un comité pour expertiser les projets de recherche et de développement de vaccins contre la covid menés par des organisations en France, qu'elles soient académiques – universités, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Inserm – ou le fait de petites sociétés de biotechnologie. J'ai créé un comité ad hoc qui a expertisé les différents projets de vaccins en France. Ce comité a transmis une recommandation au comité Care, qui n'existe plus puisque nous l'avons volontairement fermé au mois de juillet, piloté par le professeur Françoise Barré-Sinoussi et dont j'étais moi-même membre.
Ce comité, très orienté vers la technologie, a recommandé au mois de juillet au Gouvernement, et notamment au ministère de la recherche, de soutenir particulièrement trois projets de vaccins : un premier mené par Yves Lévy dans le cadre de l'Institut de recherche vaccinale (VRI) à Créteil ; un deuxième mené par l'Institut Pasteur de Lille avec Camille Locht ; un troisième du Laboratoire d'électronique et de technologie de l'information du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-Leti) et de l'Inserm, basé à Grenoble.
J'ai ensuite été missionnée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère des solidarités et de la santé pour monter un comité scientifique sur le vaccin contre la covid.
Ce comité a trois missions. La première est une mission de veille pour se tenir au courant des différents développements et du stade d'avancée de tous les vaccins développés dans le monde – et il en existe beaucoup ! La deuxième est une mission de recommandation sur la pertinence des essais cliniques à mener en France. Le comité expertise donc les différents projets et fait des recommandations au comité de surveillance de la plateforme d'essais cliniques de vaccins covid-19, Covireivac. La troisième est une mission de conseil au Gouvernement, en particulier à la task force vaccination, sur l'opportunité de réserver, préserver ou commander certains vaccins. C'est notre activité principale au sein du comité.
Le Gouvernement m'a donné la possibilité de proposer des noms pour ce comité. Il est composé de onze personnes et international ; nous avons une représentante suisse et un membre belge. Ce comité représente toutes les disciplines qui ont un rôle dans le développement de vaccins. Nous avons un spécialiste des essais cliniques, trois immunologistes de pointe, un virologue et trois personnes retraitées de l'industrie mais ayant eu des postes à responsabilité dans la recherche et le développement industriel de vaccins. Nous avions un représentant de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) mais il a été jugé avec un certain bon sens que cela pouvait constituer un conflit d'intérêts pour l'ANSM. Nous avons en revanche acquis une représentation de la HAS.
Nous nous sommes réunis toutes les semaines depuis le mois de juillet 2020 jusqu'à la fin de l'année 2020, les vendredis de douze à quatorze heures. Depuis le début de l'année 2021, nous nous réunissons toutes les deux semaines. Nous avons un protocole assez bien rodé. Nous invitons les producteurs de vaccins qui sont d'intérêt pour la France et l'Europe. Chacun des membres du comité signe individuellement un accord de confidentialité avec ces industriels de façon qu'ils puissent nous communiquer leurs données confidentielles. Ils nous font une présentation de vingt minutes suivie d'une séance de questions et réponses puis nous discutons au sein du comité pour faire un rapport et des recommandations, envoyés au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministère des solidarités et de la santé et à la task force vaccination. Nous avons déjà vu à plusieurs reprises la plupart des producteurs de vaccins. Les avis que nous donnons sur ces producteurs sont donc évolutifs, « vivants ». Nous avons quatre niveaux d'avis : positif, nuancé, réservé ou négatif.
Les achats de vaccins se faisant dans le cadre de la Commission européenne, je représente le comité scientifique français au sein du comité d'experts qui donne des avis à la Commission européenne et à l'équipe de négociation. Au titre du comité scientifique, je participe donc aussi aux évaluations de la Commission européenne.
Enfin, depuis le mois de novembre, je préside un groupe nommé Independent producers pour le compte de l'initiative COVAX qui entend acheter deux milliards de doses de vaccin pour les pays à ressources limitées. J'ai, avec un comité international, les mêmes fonctions que dans le comité français.
Les liens avec le conseil de M. Fischer sont assez simples : Alain Fischer est un membre du comité scientifique vaccins que je préside et je participe au conseil d'orientation dont il est le président. Nous sommes donc bien en ligne. Les aspects plus techniques et les questions d'utilité pour certaines populations rentrent plutôt dans le cadre du comité scientifique vaccins tandis que les aspects opérationnels de la vaccination sont plutôt étudiés dans le cadre du comité Fischer.
Mes relations avec l'ANSM se faisaient au départ à travers la participation d'un membre de l'ANSM au comité scientifique. Maintenant, lorsque c'est nécessaire, je contacte directement l'ANSM. Les liens avec la HAS se font grâce à la participation d'un membre de la HAS aux délibérations du comité scientifique.