Intervention de de la chambre régionale des comptes des Hauts‑de‑France

Réunion du mercredi 27 janvier 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

de la chambre régionale des comptes des Hauts‑de‑France, président :

Je rappelle d'abord que nous ne nous sommes intéressés à la prise en charge des mineurs non accompagnés qu'à partir du moment où ils étaient accueillis par l'ASE.

Nous avons adressé au Premier ministre un référé, disponible sur le site de la Cour des comptes, qui fait le point sur la phase amont, c'est-à-dire la phase de reconnaissance de minorité, de l'accueil fait aux mineurs non accompagnés avec un certain nombre de recommandations qui ne sont pas reprises dans le présent rapport. L'une de nos recommandations est d'asseoir la contribution de l'État aux dépenses des départements sur des référentiels, sur des justifications beaucoup plus pertinentes que celles qui existent actuellement et sur la base d'une enquête nationale, d'une grille de coûts des différentes phases de prise en charge de ces jeunes. Il s'agit donc de redonner à l'État le rôle de coordonnateur de cette politique, qui est très hétérogène sur l'ensemble du territoire.

De nombreuses questions portent sur la gouvernance et la manière d'améliorer cette politique. Sur la gouvernance au niveau national, notre proposition est de redonner à la DGCS un rôle de coordonnateur interministériel pour ce qui est du rôle de l'État. Toutefois, il faut bien rappeler que cette politique est décentralisée et que les départements en assument 95 % des coûts. Il est donc logique et normal qu'il puisse exister un certain nombre de disparités sur le territoire tant qu'elles ne sont pas préjudiciables à la prise en charge de ces mineurs.

L'existence au niveau national d'une instance de rencontre et de gouvernance est importante, qu'il s'agisse d'un groupe interministériel de pilotage ou d'une autre formule à imaginer. Elle doit permettre de réunir l'ensemble des acteurs pour piloter et conseiller sur le pilotage de cette politique.

De nombreuses questions portent sur la proposition que nous faisons pour le pilotage au niveau départemental. Le département est le chef de file de cette politique et il n'est nullement question de la recentraliser. Ceci étant, le confinement a montré un besoin encore accru de coordination car un certain nombre de services de l'État doivent intervenir, être des interlocuteurs du président du département comme nous l'avons vu au niveau des cellules de recueillement des informations préoccupantes ou dans les politiques de prévention. Aujourd'hui, aucune instance de coordination ne joue ce rôle. Les politiques de santé et d'éducation ne sont pas coordonnées. Il nous a semblé logique que les services de l'État soient pilotés, sans être du tout dans une optique de recentralisation. Comme le département est l'interlocuteur privilégié de cette politique, il nous a semblé que seul le préfet de département pouvait réunir autour d'une même table le président du département et les instances judiciaires qui, je le rappelle, sont indépendantes et viendront autour de cette table pour mieux coordonner cette politique mais il n'est bien entendu nullement question que le préfet puisse intervenir dans le domaine judiciaire.

Le problème de cette politique n'est pas tellement son coût mais, à l'intérieur de ce coût, le besoin de revenir à des solutions plus en faveur de la prévention et des bonnes pratiques. Ce rapport essaie d'ailleurs de mettre en évidence toutes les bonnes pratiques que nous avons trouvées. Nous avons actuellement tendance à mettre de préférence les enfants en MECS, ce qui coûte deux fois plus cher que l'accueil en famille, tandis que la prévention est le parent pauvre de cette politique.

Je pense que nous devrions globalement réfléchir pour savoir si la meilleure solution possible est de placer ces enfants en foyer d'accueil alors qu'un projet de moyen terme n'a pas encore été réalisé sur eux, qu'un accompagnement individualisé et des réflexions nécessaires à la prise en charge n'ont pas encore été réalisés. Nous pourrions certainement, sans utiliser systématiquement le recours à la prise en charge en maisons, avoir une politique qui favorise plus la prévention, permette d'alléger les coûts et peut-être de développer des politiques alternatives.

J'ai été interrogé sur les bonnes pratiques qui pourraient être diffusées. Le rapport fait état, pages 68 et 69, de l'ensemble des bonnes pratiques que nous avons vues. Elles sont simples à mettre en œuvre. Nous citons par exemple au niveau local : la mise en place d'espaces de médiation familiale et de services de rencontre et d'échange ; la mise en place de mesures destinées à renforcer l'accompagnement scolaire des enfants suivis ; la mise en place d'équipes pluridisciplinaires en matière de soin, chargées de prévenir les troubles du comportement de l'enfant ; des offres d'hébergement autonome pour des adolescents proches de la majorité ce qui peut être une forme de prise d'autonomie.

Ces exemples sont tirés de ce que font déjà certains départements. Le département de Loire-Atlantique a par exemple créé une structure de relais familial dans le cadre d'un contrat d'impact social. Pendant la première crise liée au confinement, un certain nombre d'opérateurs de départements ont su faire preuve de réactivité et ont proposé des accueils temporaires spécifiques et innovants. Nous avons noté en particulier que des internats scolaires fermés du fait des circonstances ont pu être mobilisés pour des enfants suivis habituellement à domicile qui se trouvaient en difficulté pendant le confinement.

Ce n'est donc pas qu'une question de coût. Il existe un certain nombre de bonnes pratiques qui ne sont malheureusement pas recensées et diffusées. Nous n'avons pas de référentiel pour mettre en œuvre cette politique. Nous n'avons ni évaluation ni remontées de terrain. Nous avons le sentiment que, finalement, nous reconduisons en permanence la même politique parce que nous avons des places d'hébergement et que, tant que nous avons des places d'hébergement, nous les remplissons.

Je pense que le fait d'avoir des contrats d'objectifs pluriannuels donnerait plus de visibilité à l'ensemble des opérateurs. Cela permettrait peut-être au département d'infuser plus facilement sa politique, sa vision. Cela pourrait être extrêmement favorable.

Pendant la crise, le garde des sceaux a diffusé une circulaire qui recommandait de mettre en place une conférence quadripartite entre le siège, c'est-à-dire le juge des enfants, le procureur, le représentant du département et les services de l'État. Cette circulaire devrait être généralisée et ces instances de coordination doivent être permanentes. Des juges prennent aujourd'hui des décisions sans disposer de l'ensemble des informations qui concernent ces enfants. C'est dommageable car ces informations existent mais ne sont jamais retracées.

Nous avons besoin de remettre l'enfant au centre de cette politique et de regagner la confiance. Tous les acteurs que nous avons rencontrés sont passionnés, impliqués dans ces politiques mais nous avons l'impression qu'ils sont parfois un peu isolés, seuls pour conduire ces politiques.

Pourquoi continuons-nous à avoir 75 % de mesures judiciaires ? Parce que c'est rassurant, parce que le litige est tranché par un juge ce qui permet de couvrir l'ensemble des opérateurs. En cas d'erreur, chacun pourra dire que la décision a été prise par l'autorité judiciaire. Il faut que chacun des opérateurs apprenne à prendre ses responsabilités.

Cette politique doit être partagée, mieux coordonnée. Nous devons pouvoir redéployer des crédits, réinventer une relation avec les parents. Cette relation doit gagner en lisibilité. Il faut arrêter de n'avoir que des mesures provisoires. Certains enfants peuvent être pris en charge à 7 ou 8 ans et se retrouver à 18 ans avec un empilement de mesures provisoires, aucune mesure définitive n'ayant jamais été prise à leur encontre. Il faut que des rendez-vous soient prévus et permettent de mieux coordonner cette politique entre les acteurs. Chacun des acteurs semble avoir développé des bonnes pratiques sans qu'elles n'aillent jamais au-delà des opérateurs qui mènent ces politiques.

Un problème majeur est le tarissement des assistants familiaux. Ce problème relève peut-être du Parlement. Une politique peut être menée pour le recrutement, la formation et l'attractivité de ce métier. J'ai rappelé que cette formule d'hébergement coûte tout de même deux fois moins cher que l'hébergement en maison. La majorité des acteurs ont plus de 50 ans et, si nous n'y prenons pas garde, nous aurons un problème dans chacun des départements alors que cette formule a fait ses preuves. Elle ne doit pas être laissée pour compte. C'est actuellement Pôle emploi qui réoriente certains publics ayant du mal à trouver un emploi vers des emplois d'assistants familiaux. Il s'agissait d'une vocation et je pense que cela doit le rester.

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