S'agissant de la gouvernance nationale, je signale que la Cour des comptes a publié au mois d'avril 2020 un référé dans lequel nous expliquons plus en détail que dans le rapport public thématique nos recommandations pour simplifier et clarifier la gouvernance nationale de la protection de l'enfance. Vous pouvez y accéder sur le site de la Cour des comptes.
Le principe qui nous a guidés est de ne pas raisonner par structure mais par mission essentielle de la politique de protection de l'enfance. C'est pourquoi nous proposons de supprimer le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), dont nous estimons qu'il n'a pas trouvé sa place alors qu'il était censé répondre à une très grande attente lorsqu'il a été créé en 2016. Nous avons l'impression que l'État n'est pas allé jusqu'au bout de sa logique en ce qui concerne le CNPE : alors qu'il existait une très forte demande d'une sorte de « Parlement de la protection de l'enfance » réunissant l'ensemble des parties prenantes, ce CNPE n'a pas eu les moyens nécessaires puisqu'il disposait d'un seul équivalent temps plein (ETP) et a empiété sur les compétences de nombreuses autres structures préexistantes ce qui n'était pas du tout le meilleur moyen d'asseoir sa légitimité. Il a empiété sur le champ de la DGCS, sur le champ du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), sur le champ du groupement d'intérêt public Enfance en danger. Au cours de nos investigations, nous avons très vite perçu beaucoup de dissensions entre les différents acteurs de la protection de l'enfance au niveau national parce que le CNPE était venu empiéter sur les compétences et les missions des uns et des autres.
Forts de ce constat, nous nous sommes appuyés sur l'idée qu'il faut raisonner non pas par structure en fusionnant ou en supprimant telle ou telle structure mais par mission. Il faut faire en sorte qu'un seul organisme ou une seule structure soit chargé de chaque mission. Par exemple, la mission « statistiques » est actuellement dispersée entre la Drees et l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE), la Drees ayant très peu d'effectifs à y consacrer, avec seulement 1,5 ETP, et l'ONPE ne parvenant pas à remplir la mission de remontée de données statistiques des départements qui lui revient. Il nous semble donc que la mission « statistiques » doit revenir à la Drees.
Nous proposons finalement de supprimer le CNPE tout simplement parce que l'ensemble de ses missions sont partagées. Nous ne disons pas qu'il faut supprimer les missions du CNPE mais qu'il faut les confier à une seule structure à chaque fois. Par exemple, les missions consultatives du CNPE – examiner des avis... – nous sembleraient mieux prises en charge par le HCFEA. Celui‑ci est en effet une structure consultative alors que le CNPE est présidé par le ministre de la santé et des solidarités, ce qui le met dans une position délicate pour émettre des avis ou des recommandations sur la politique du Gouvernement. Je souhaitais illustrer par ces deux exemples ce que nous voulions dire par « raisonner par mission et non par structure ».
Sur la coordination territoriale, il n'est bien sûr pas question que le préfet assume le rôle des départements. Ce n'est absolument pas ce que nous avions en tête. Le département est chef de file mais, en revanche, il nous est beaucoup remonté que les départements eux‑mêmes réclament un interlocuteur unique de l'État. Nous avons beaucoup entendu qu'ils ont le sentiment que l'État n'est pas mobilisé au niveau local sur les questions qui relèvent de l'Éducation nationale, de la justice, de la santé... Chacun de ces acteurs – ARS, Éducation nationale... – n'a pas la protection de l'enfance dans le cœur de ses missions et le rôle que nous souhaiterions confier au préfet ou à une personne chargée de cette mission serait de mobiliser et de coordonner les services déconcentrés de l'État pour fournir un interlocuteur unique aux départements.